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Pourquoi Al-Hussayn s`est-il souleve ?

Pourquoi Al-Hussayn s'est-il soulevé? Dans une lettre adressée à son frère Muhammad Ibn al-Hanafiyyah ainsi que dans d'autres occasions, al-Hussayn évoque les raisons de son départ de Médine, de son refus du pouvoir de Yazid, et de sa révolution contre lui. Il y explique le sens de son mouvement et les fondements de sa confrontation avec le nouveau régime Omayyade. Ci-après l'essentiel de cette lettre:
Pourquoi Al-Hussayn s`est-il souleve ?

Pourquoi Al-Hussayn s'est-il soulevé?


Dans une lettre adressée à son frère Muhammad Ibn al-Hanafiyyah ainsi que dans d'autres occasions, al-Hussayn évoque les raisons de son départ de Médine, de son refus du pouvoir de Yazid, et de sa révolution contre lui.

 

Il y explique le sens de son mouvement et les fondements de sa confrontation avec le nouveau régime Omayyade. Ci-après l'essentiel de cette lettre:

«Je ne me suis pas soulevé de gaieté de coeur, ni pour une quelconque insatisfaction personnelle, ni par subversion ni injustement. Je me suis soulevé pour réformer la Umma de mon grand-père, le Messager de Dieu, pour commander le bien et interdire le mal, et pour suivre les traces de mon grand-père et de mon père ... »

Préserver le Message de l'Islam et la Tradition du Prophète, tels sont les deux mots-clé de la Révolution d'al-Hussayn.
Aucun élément d'ordre personnel n'entra jamais dans ses motivations.

Quant à son refus absolu du pouvoir de Yazid, il l'a expliqué clairement à Ibn al-Wâlid, comme nous l'avons vu plus haut: «Yazid est un libertin qui ne cache pas son libertin alcoolique et un assassin de l'âme interdite... Quelqu'un comme moi ne saurait prêter serment d'allégeance à qu comme lui ... »

Le Gardien du Message ne peut aucunement confier celui-ci à son transgresseur. Rien de plus légitime.
Et c'est dans une autre lettre, adressée, celle-ci, au habitants de Kûfa qu'il souligne les conditions requises en Islam pour un prétendant à la direction politique des Musulmans, l'Imamat:

«Par ma religion, l'Imam ne peut être que celui qui gouverne selon le Livre, qui établit l'équité, qui a pour religion la Religion Vraie, qui s'en tient scrupuleusement aux Prescriptions de Dieu...»

Or Yazid était un débauché qui affichait sa débauche. L'essentiel de ses préoccupations étaient: les jeux, les divertissements, les femmes, les boissons alcoolisées, les courses de chevaux, la chasse etc... Comment dès lors, al-Hussayn, ce petit-fils du Prophète, ce gardien du Message, ce membre des Ahl-ul-Bayt dont «Dieu a effacé la souillure», pouvait-il consentir et contribuer à la désignation de quelqu'un comme Yazid pour la direction de la Umma, direction à laquelle ne doit accéder qu'un homme d'une intégrité exemplaire et possédant une connaissance profonde et parfaite des lois et des statuts de la Chari'â?

En appelant les gens à se joindre à lui dans son soulèvement il ne leur promettait qu'une chose: le retour au Message de Dieu et à la Tradition du Prophète.
«... Je vous appelle au Livre de Dieu et à la Sunna de Son Prophète... Car la Sunna est assassinée et l'hérésie, ressuscitée. Si vous écoutiez mes paroles et obéissiez à mes instructions... Je vous conduirais dans la bonne voie... Que la Paix et la Miséricorde de Dieu soient sur vous».

Une situation indigne de l'expérience islamique:

De l'étude de la situation politique, économique et sociale de l'époque qu'avait vécue al-Hussayn, ainsi que de l'examen des lettres, des messages, des correspondances et des discours qu'on connaît de cette époque, il ressort que ce qui prévalait durant cette période du règne des Ommayyades, c'était:

1- Le despotisme et le népotisme du Pouvoir. En effet, une classe politique privilégiée, un parti tribal despotique a monopolisé le pouvoir tout au long de cette période. Il s'agit du parti Omayyade qui s'est réservé le pouvoir et l'administration s'est accaparé des biens de l'Etat, en en privant de la Umma. L'Etat est devenu la chasse gardée des Omayyades, et leur propriété privée.

2- Les assassinats (d'opposants), la terreur et le sang.

3- La dilapidation des biens de la Umma et de la naissance d'une classe de riches dans une société où prévalaient la pauvreté et le besoin. En outre, beaucoup de ceux qui occupaient des postes de responsabilité et des postes-clé étaient incompétents.

4- La déviation dans la conduite: la déviation se développait dans la vie publique et les manifestations de la corruption sociale commençaient à se généraliser dans la conduite des individus et des groupes.

5- L'absence de la loi, et la primauté du tempérament et de l'intérêt personnels des gouverneurs dans la conduite des affaires de la Umma.

6- La naissance d'une classe d'inventeurs et de falsificateurs de Hadiths, et de déformateurs de la Sunna du Prophète que d'écoles théologiques, telles que "Al-Jabariyyah" et "Al-Murji'ah", dans le but de justifier et de légitimer la conduite politique déviationniste du Pouvoir.

La déviation d'un bon nombre des valeurs et des lois de l'Islam était trop évidente pour être ignorée de quiconque se penche sur l'histoire de cette période. Une lecture minutieuse de cette histoire convaincra tout observateur averti que la Révolution d'al-Hussayn était une nécessité islamique historique, et que les mobiles et les causes de cette Révolution ont été engendrés par les conditions très détériorées dans lesquelles vivaient les Musulmans et la Umma.

Prenons un exemple pour illustrer cette dégradation de la situation des Musulmans et de cette déviation de l'expérience islamique: l'Islam avait établi une situation de paix civile et de sécurité dans le territoire islamique, comme en témoigne ce verset:
«Celui qui a tué un homme qui lui-même n'a pas tué, ou qui n'a pas commis de violence sur la terre, est considéré comme s'il avait tué tous les hommes; et celui qui sauve un seul homme est considéré comme ayant sauvé tous les hommes».
(Coran, V, 32)

Or la terreur et la liquidation physique constituaient un trait saillant des Omayyades. Le parti omayyade au pouvoir a fait de l'usage du sabre, du fouet et de la prison une monnaie courante contre les Musulmans et notamment contre les adeptes d'Ahl-ul-Bayt, les dirigeants de l'opposition parmi les partisans de l'Imam 'Ali, d'al-Hassan et d'al-Hussayn.

En témoigne l'un des survivants de cette période de terreur, dans un discours qu'il tint à ses amis et dans lequel il leur rappelait le calvaire qu'ils vivaient et leur reprochait leur résignation: «On vous tuait, on coupait vos mains et vos pieds, on crevait vos yeux, et on vous suspendait au tronc des palmiers, parce que vous aimez les "Gens de la Maison" de votre Prophète (les Ahl-ul-Bayt); et vous restiez pourtant dans vos maisons et obéissiez à votre ennemi ... »

Mu'âwîyah avait entrepris l'éradication des leaders de l'opposition et des notables des partisans et des adeptes d'Ahl-ul-Bayt. Il en a tué un nombre que l'histoire n'a pu précise exactement. Nous pouvons en citer quelques-uns:

1- Hajar Ibn 'Aday, un Comagnon auguste qu'al-Hâkim a décrit, dans "Al-Mustadrak", comme un ascète parmi les Compagnons du Prophète.

«L'Imam al-Hussayn a protesté auprès de Mu'âwîyah l'assassinat de ce Compagnon et de ses amis, dans un qu'il lui adressa:
«N'est-tu pas l'assassin de Hajar, frère de Kindah, ainsi que des fidèles Priants qui refusaient l'injustice, se terrifiaient devant l'hérésie, ne craignaient pas d'être blâmés par " blâmeur" lorsqu'il s'agissait de défendre la Cause de Dieu?... Tu les as assassinés injustement après leur avoir donné toutes les assurances et juré tout de ne leur tenir rigueur ni d'un ancien différend entre toi et eux, ni de rancunes éprouvais à leur égard».

2- 'Amr Ibn al-Hanq al-Khazâ'i: c'était un Compagnon, un Emigrant qui occupait lui aussi une position auguste auprès du Prophète. Il fut décapité à Mouçol et sa tête fut transportée à Damas. C'était la première fois depuis l'avènement de l'Islam qu'on transportait, ainsi, une tête d'une ville à une autre. Par la suite, sa tête fut apportée à sa femme détenue dans la prison de Mu'âwîyah. Lorsqu'on jeta la tête de son mari dans son giron, elle la regarda et dit aux hommes de Mu'âwîyah: "Vous l'avez éloigné de moi pendant longtemps; puis vous me l'avez offert assassiné. Bienvenue donc à ce cadeau qui ne saurait être ni indésirable ni indésiré".

3- 'Abdullah Ibn Yahiyâ al-Hadrami et ses compagnons.

4- Rachid al-Hejri, qui fut démembré vivant.

Nous avons cité jusque là à titre indicatif les noms de quelques Compagnons éminents qui furent assassinés avec leurs amis par les Omayyades. La liste est loin d'être close. Il ne s'agit pas ici de dresser une liste d'assassinats, mais de montrer l'ampleur de la répression et la légèreté avec laquelle le régime omayyade liquidait des Compagnons du Prophète et des Musulmans intègres, pour leur opposition aux transgresseurs de la Sunna et leurs protestations contre les pratiques illégales.

A travers le témoignage suivant sur des événements qui se sont produits à Basrah, Ibn al-'Athir nous permet de nous faire une idée des massacres perpétrés contre les opposants et avec quelle désinvolture et insouciance les hommes de Mu'âwîyah commettaient leurs crimes:

«Lorsque Ziyâd se fit remplacer par Samra - pendant son absence - à la tête du gouvernement de Basrah, ce dernier accéléra le rythme des exécutions. Selon Ibn Sirine, il a tué huit mille personnes pendant l'absence de Ziyâd. Lorsque Ziyâd retour, lui dit: «N'as-tu pas peur d'avoir assassiné un innocent (parmi eux)?» Samra répondit: «Non, si j'en avait assassiné le double, je n'aurais pas eu une telle crainte». Abou al-Sawâri, al-'Adwi témoigne: «Samra a tué quarante sept membres de ma tribu en une seule journée. Ils étaient tous des colligeurs du Coran».

Outre les massacres et les persécutions des opposants et des adeptes d'Ahl-ul-Bayt, les autorités omyyades menaient parallèlement une campagne de désinformation, de falsification et de déformation contre l'opposition conduite par les deux petits-fils du Prophète. On entendait prononcer depuis les tribunes des Omayyades, des discours provocateurs regorgeant de mensonges, d'injures et de contre-vérités à l'encontre l'Imam 'Ali Ibn Abi Tâlib.

Ces agissements ont suscité la colère de la Umma en général, d'al-Hassan et al-Hussayn, de leur partisans, des Compagnons et des Suivants en particulier, ceux-ci ayant bien connu l'Imam 'Ali, sa position, son jihad justice, sa science et sa plume.

Al-Mas'oudi, citant al-Tabari, rapporte un incident entre Sa'ad et Mu'âwîyah, qui montre que ce dernier était l'instigateur de cette campagne de propagande et que les pieux des Compagnons et les avant-gardes de la Umma s'y étaient opposés:

«Mu'âwîyah accomplissait le pèlerinage et déambulait dans la Maison avec Sa'ad. Lorsqu'il termina, il se rendit à Dar al-Nadwa et fit s'asseoir Sa'ad près de lui sur son lit. Il se mit à injurier 'Ali. Sa'ad s'approcha et dit: «Tu m'as fait asseoir auprès de toi sur ton lit et tu t'es mis à injurier 'Ali.

Par Dieu, si j'avais seulement une seule des qualités que possédait 'Ali, je l'aurais aimée mieux que la possession de ce sur quoi le Soleil se lève; et si j'avais les enfants de 'Ali, je les aurais mieux aimés que la possession de ce sur quoi le Soleil se lève! Par Dieu si c'était à mon propos que le Prophète eût dit (ce qu'il avait dit à propos d'Ali), le jour de Khaybar: "Demain je donnerai l'étendard à un homme que Dieu et Son Prophète aiment, et qui aime Dieu et son Prophète; il n'est pas un fuyard; par lui, Dieu donnera la victoire", ce serait préférable pour moi à la possession de ce sur quoi le Soleil se lève.

Par Dieu si c'était à moi que le Prophète eût dit - ce qu'il avait dit à l'Imam 'Ali -: "N'acceptes-tu pas d'être à moi ce que Haroun était à Moïse, à cette différence près qu'il n'y aura pas de Prophète après moi?", ce serait mieux pour moi que la possession de ce sur quoi le Soleil brille. Que Dieu ne me pardonne jamais si j'entrais une seconde fois chez toi pour le restant de ma vie ». Puis il se leva et partit.

Ibn al-'Athir nous relate un autre incident du même genre: «Un jour, Yosr Ibn Arta'ah était chez Mu'âwîyah. Lorsque celui dit du mal de 'Ali, en présence d'Ibn 'Omar al-Khattab et sa mère Om Kalthoum, fille de 'Ali, Yosr leva le bâton sur lui et le blessa». Il raconte encore: «Lorsque al-Moghira fut nommé gouverneur de Kûfa, il confia la région d'al-Ray à Kathir Ibn Chehâb qui s'attachait à injurier 'Ali de la tribune. Kathir à Ray jusqu'à ce que Ibn Ziyâd fût désigné pour être à la tête du gouvernorat d'al-Kûfa». Selon al-Mas'oudi: «Ziyâd rassemblait les gens à la porte de son château et les incitait à maudire 'Ali. Celui qui refusais s'exécuter, il le soumettait, sans autre forme de procès, à l'épée».

Cette campagne de dénigrement contre l'Imam 'Ali ne prit fin qu'avec l'avènement de 'Omar Ibn 'Abdul 'Aziz, lequel en ordonna l'arrêt, et entreprit l'épuration de l'appareil gouvernemental de ses prédécesseurs.

Outre ces facteurs qui ont attisé les flammes de la révolution et galvanisé l'ardeur de l'opposition qui réclamait l'application des statuts de la justice et de l'égalité que l'Islam avait promulgués, ainsi que le respect de la volonté de la Umma et des valeurs et des principes relatifs au gouvernement, à la politique et à la façon de traiter la Umma, il y avait des facteurs économiques et financiers qui justifiaient le Soulèvement des défenseurs de l'Islam vrai. En effet, le régime Omayyade avait suspendu les lois de la distribution économique (promulguées par l'Islam) établissant l'égalité dans les dons distribués, l'interdiction de l'accaparement, l'obligation de la solidarité l'entraide sociales au bénéfice des classes démunies, et la lutte contre la pauvreté. En effet le Coran dit:

«Annonce un châtiment douloureux à ceux qui thésaurisent l'or et l'argent sans rien dépenser dans le chemin de Dieu». (Coran, IX, 34) et «Ce que Dieu a octroyé à Son Prophète comme butin pris sur les habitants des cités appartient à Dieu et à Son Prophète, aux pauvres, au voyageur, afin que ce ne soit pas attribué à ceux d'entre vous qui sont riches. Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous de ce qu'il vous interdit. Craignez Dieu! Dieu est terrible dans Son Châtiment!» (Coran, LIX, 7).

Les classes défavorisées, constatant jour après jour la détérioration de leur situation économique, ont pris conscience que ces préceptes du Coran n'avaient aucune application réelle, et que face à l'accentuation de leur privation et de leur indigence, la richesse s'accumulait entre les mains d'une catégorie particulière.

L'histoire nous montre clairement la disparité dans le niveau de vie des deux catégories qui composaient la Umma. Une majorité démunie et vivant dans la privation, et une minorité qui ne savait que faire de l'argent dont elle s'accaparait. Ainsi, les historiens ont souligné que la fortune d'Amr Ibn al-'Âç, le gouverneur de l'Egypte sous Mu'âwîyah se composait de 325 mille dinars en nature, de 100 mille dirhams en monnaie, 200 mille dinars en récolte, et d'une propriété célèbre en Egypte, dont la valeur était de 10 mille dinars; que lorsque 'Abdul Rahrnân Ibn 'Awf divisa son héritage en 16 parts, chacune de ses femmes a obtenu 80 mille dirhams».

Selon Ibn al-'Athir, Marwân Ibn al-Hakam obtint 500 mille dinars des revenus africains.

On a estimé la fortune de Ya'li Ibn 'Omayya à 500 mille dinars, auxquels il faut ajouter près de 300 mille dinars composés de prêts et de biens immobiliers , et on affirme que lors de sa mort, il a laissé une fortune de 250 mille dirhams.

Selon Saïd Ibn al-Musayyab, Zayd Ibn Thâbit a légué une quantité d'or et d'argent telle, qu'on fut amené à les effriter avec des marteaux; sans parler de ses propriétés et autres biens estimés à 100 mille dinars.

Ces fortunes colossales pour l'époque ne pouvaient laisser indifférentes la majorité écrasante des masses Musulmanes qui réclamaient l'application des principes égalitaires de l'Islam. En voyant Yazid vautré dans une vie de débauche et préoccupé de ses chiens, de ses singes et de ses boissons, et en constatant que son entourage et ses gouverneurs faisaient de même (c'est l'époque de Yazid que le chant public, la consommation d'alcool et l'apparition des clubs de nuit, ont vu le jour à la Mecque et à Médine), les classes défavorisées soucieuse de voir s'appliquer l'égalité islamique, se sont tourné al-Hussayn, pour qu'il rétablisse la situation en tant que dirigeant capable d'appliquer les statuts et les lois islamiques qu'elles avaient connus à l'époque du Prophète.

Situation politique pourrie où prévalaient corruption, népotisme et déviation, doublée d'une injustice économique flagrante, toutes les conditions objectives et légales étaient pour un soulèvement général que l'Imam al-Hussayn ne pouvait pas légalement ne pas déclencher. Ce petit-fils du Prophète et fils de l'Imam 'Ali, investi qu'il était, par le Texte, de la mission de sauvegarder le Message islamique, ne pouvait pas faillir à cette mission en restant les bras croisés alors que les valeurs de l'Islam étaient bafouées publiquement et ouvertement; même s'il était sans illusion quant à l'issue immédiate de sa révolution. Il lui importait peu qu'il remporte ou non la bataille qu'il devait livrer. Pour lui, ce qui comptait c'était d'accomplir sa Mission divine, et de réaliser la victoire de sa Cause. De là sa grandeur et la noblesse de sa Révolution exemplaire.


A Médine

L'Imam al-Hussayn a mesuré la gravité de la situation et s'est rendu compte de la volonté du parti omayyade de transformer coûte que coûte le califat en un règne héréditaire. Il a constaté que le Traité signé entre Mu'âwîyah et son frère al-Hassan était resté lettre morte et que si Mu'âwîyah lui-même l'avait totalement négligé, ses successeurs ne semblaient guère vouloir être plus royalistes que le roi à cet égard. Il a compris que la Umma ne tarderait pas à connaître un désastre politique effroyable, et que son devoir légal (religieux) lui imposait de ne pas décevoir l'espoir que la Umma mettait en lui pour la sortir du calvaire.

La situation politique à Médine était incertaine et trouble. Al-Wâlid, gouverneur de Médine, et Marwân, l'un des piliers du pouvoir omayyade, que le Prophète avait expulsé de cette ville, et qui y pesait actuellement d'un poids grandissant, n'ont pas désarmé face à son refus de prêter serment d'allégeance à Yazid, et semblaient vouloir l'y contraindre à tout prix, puisqu'ils l'avaient de nouveau convoqué.

Il lui fallait prendre rapidement la décision qui s'imposait pour faire face à la nouvelle situation. Aussi dit-il aux messagers de Wâlid et de Marwân, venus lui apporter la convocation de leurs maîtres: «Attendez jusqu'à demain. Puis, vous verrez et nous verrons».

En examinant une dernière fois les données du problème auquel il était confronté, il estima qu'il ne pouvait accepter légalement le fait accompli pour les raisons suivantes:

1- Yazid s'est emparé du califat en violation des termes du Traité de Réconciliation qui stipulait qu'après la mort de Mu'âwîyah le Califat reviendrait aux ayants droit, soit à al-Hassan ou à défaut, à son frère al-Hussayn.

2- La passation du Califat à Yazid s'est déroulée de façon contraire à celle que les Musulmans avaient connue auparavant, soit le système de «choura» (la consultation).

3- L'incompétence et la disqualification de Yazid pour diriger la Umma.

4- L'emprise du parti et de la famille omayyades sur le Pouvoir.

5- La déviation des principes islamiques de justice et d'égalité, et le pouvoir personnel au lieu de celui de la loi.

Aussi décida-t-il de quitter Médine pour la Mecque, avec sa famille, son entourage et ses compagnons, la deuxième nuit après son entretien avec al-Wâlid. C'était donc le point de départ de la longue et pénible marche historique d'al-Hussayn, d'une cascade de sang qui ne cessera de couler à travers l'histoire, rappelant à tout moment, aux injustes, que l'injustice à des limites, et aux déviationnistes, que le Message a toujours des gardiens dévoués et prêts en toute conscience, à se sacrifier pour le défendre, quelque soient la puissance et la tyrannie de ceux qui veulent le faire dévier de son cours originel.

En décidant de réagir et de ne pas céder aux pressions omayyades, al-Hussayn savait pertinemment qu'il avait affaire à forte partie: Mu'âwîyah avait pu renforcer solidement le pouvoir des Omayyades; et à une partie difficile et intraitable: si lui-même n'avait pour arme que les principes, les valeurs et les idéaux dont il ne pouvait ni ne voulait n'écart, ses adversaires n'hésitaient devant rien: tous les moyens leur étaient bons: la ruse, le mensonge, l'assassinat, la déviation, l'immoralité.

A un pouvoir solidement assis, à la riche fabuleuse de la Umma islamique dont les Omayyades disposaient, et aux moyens perfides qu'ils utilisaient, l'Imam al-Hussayn ne pouvait opposer que sa foi, son intégrité, son prestige moral et ses principes. De là, la valeur de symbole son combat.

Devant la crainte de voir la déviation, déjà largement entamée, se généraliser et se banaliser, et la civilisation islamique s'engager définitivement dans une voie qui s'écartait Message, al-Hussayn estimait que seule une autorité morale, une force morale, était capable de faire mouvoir et d'émouvoir la conscience de la Umma et de rappeler à celle-ci la gravité sa situation déviationniste.

Or il n'y avait que lui-même pour incarner cette force morale, et faire face courageusement à la puissance des Omayyades, contester légalement leur idéologie déviationniste, s'opposer légitimement à leurs agissements déviés, et atteindre, quelque soit l'issue de sa bataille, les objectifs de sa Révolution: s'il l'emportait sur les ennemis, il pourrait diriger la Umma et rétablir les lois du Coran et de la Sunna du Prophète, et s'il mourait pendant sa Révolution et que celle-ci venait à avorter, son sang de martyr, celui du fils de l'Imam 'Ali et du petit-fils du Prophète, jaillirait à tout jamais et rappellerait à ses contemporains et à toutes le générations futures que la sauvegarde et l'intégralité du Message ne sauraient faire l'objet de compromis et de marchandage.

En fait, en décidant d'affronter les Omayyades, al-Hussayn espérait moins obtenir une victoire matérielle et immédiate contre eux, que les empêcher de porter injustement le titre de la légitimité et de la légalité. Mieux, tout porte à croire que lorsqu'il décida d'engager la lutte contre Yazid et son empire, il savait préalablement qu'il y perdrait sa vie.

Ainsi lorsque quelques-uns de ses proches - tels 'Omar Ibn 'Ali Ibn Abi Tâlib (son frère), Om Salama (la femme du Prophète) et Mohammad Ibn al-Hanafiyya - essayèrent de le convaincre de revenir sur sa décision d'affronter les Omayyades en arguant de l'issue désespérée de cet affrontement, il restait inébranlable, leur expliquant qu'il n'ignorait pas ce qui personnellement l'attendait. La preuve en est ce témoignage de 'Omar Ibn 'Ali Ibn Abi Tâlib: «Lorsque mon frère al-Hussayn refusa de prêter serment d'allégeance à Yazid, à Médine, j'entrai chez lui et le trouvai seul. Je lui dis: "Que Dieu me sacrifie pour toi, ô Abou 'Abdullah! Car ton frère Abou Mohammad al-Hassan m'a raconté". Mes larmes m'empêchèrent de terminer et je me mis à pleurer. Al-Hussayn m'étreignit et me dit:

- On t'a dit que je serais mort...!

- A Dieu ne plaise, ô fils du Messager de Dieu! dis-je.

- Par ton père, je t'ai demandé, s'il t'a parlé de mon assassinat? insista al-Hussayn.

- "Oui", répondis-je. "Ne veux-tu pas bien prêter serment d'allégeance?"

- "Mon père m'a dit que le Messager de Dieu prédit assassinat et le mien et prévit que mon tombeau serai du sien", dit al-Hussayn. " Crois-tu donc que tu savais ce que je ne savais pas?!" ajouta-t-il».
Lorsque Om Salma, la femme du Prophète le pria d'abandonner son projet en lui disant que son grand-père, le Prophète, avait prédit son assassinat dans le combat qui l'attendait, il ne dit pas autre chose: «Oui, mère, je sais que je tué».


Adieu, Messager de Dieu!
Al-Hussayn quitte Médine

Al-Hussayn tenait à se rendre au tombeau de son grand-père le Messager de Dieu, comme si cette visite d'adieu devait annoncer un voyage de non retour. Il pressentait sans doute qu'il n'aurait plus l'occasion de visiter de nouveau ce tombeau béni. Il accomplit alors, près du tombeau deux rak'ah de prière et se mit à adresser des supplications à Dieu:

«Ô mon Dieu! Ici se trouve le tombeau de Ton Prophète, et je suis le fils de la fille de Ton Prophète. Tu sais ce qu'il m'arrive. Ô mon Dieu! J'aime le bien et je renie le mal. Je Te demande, Ô Toi qui es plein de Majesté et de Munificence, par ce tombeau et celui qui y gît, de ne me faire faire que ce qui Te satisfait et satisfait Ton Prophète».

Al-Hussayn et ses compagnons sortirent de Médine et se dirigèrent vers la Mecque en l'an 60 hégirien. Le cortège se composait de quelques membres de sa famille, de quelques proches, de ses femmes et enfants et de sa soeur Zaynab. Ils avaient à parcourir un désert aride d'environ 450 Kms avant d'arriver à la Mecque. Al-Hussayn se mit en route en récitant ce verset coranique:

Il sortit de la ville, inquiet et regardant de tous côtés, il dit: «Mon Seigneur! Délivre-moi de ces gens injustes». (Coran, XXVIII, 21)
Sur la route, 'Abdullah Ibn Muti' vit le cortège et fut pris d'inquiétude lorsqu'il apprit qu'al-Hussayn quittait Médine, car son absence de cette ville serait durement ressentie par tous ceux qui mettaient tous leurs espoirs en lui, en tant que seul dirigeant capable de s'opposer aux autorités de Yazid. Il lui exprima son inquiétude en ces termes:

«... Si tu vas à la Mecque, prends garde de la quitter pour Kûfa, car c'est une ville funeste dans laquelle ton père a été tué, et ton frère y a reçu un coup de poignard qui a failli lui coûter la vie. Reste à la Mecque, car tu y es le maître des Arabes. Personne, parmi ses habitants ne saurait t'égaler; les gens s'appelleront les uns les autres pour venir vers toi de tous côtés. Ne quitte pas la Mecque. Que mon oncle paternel et mon oncle maternel te soient sacrifiés! Par Dieu! Si tu mourais, nous serions asservis après toi».

Mais al-Hussayn et son cortège continuèrent leur route. Le trajet était long, très long. Les sables et les cailloux du désert étaient rendus comme une fournaise par la chaleur brûlante du Soleil. Cette longue marche périlleuse vers l'inconnue (la Mecque n'était qu'une étape), qui entraînait avec elle des femmes et des enfants, se voulait être surtout la marche du défi. Elle rappelait un peu la marche de son père l'Imam 'Ali lequel (contrairement à la plupart des Muhâgirine - les Emigrants - qui empruntaient, à la faveur de l'obscurité de la nuit, des chemins déserts pleins de détours, pour éviter d'être vus par les polythéistes) étaient sorti de Médine en plein jour pour se diriger vers la Mecque, défiant ainsi l'orgueil et l'arrogance des Quraîch.

Les courage de l'Imam 'Ali habitait toujours les tréfonds de son fils l'Imam al-Hussayn qui refusait les implorations de sa famille et de ses amis le priant d'éviter la route publique et d'emprunter un trajet discret, pour échapper à la poursuite des Omayyades. Al-Hussayn insistait pour que sa marche soit une marche d'information, un mouvement d'opposition, une protestation publique. Il voulait que les Musulmans assistent eux-mêmes à son départ afin qu'ils prennent conscience de la gravité de la situation, et qu'ils se demandent pourquoi al-Hussayn quitte la ville de son grand-père, le Prophète, alors qu'il est le maître, le fils et l'enfant le plus chéri de cette ville. Il voulait que sa marche soit le sujet de conversation de tout le monde, le déclenchement d'un mouvement de protestation, la levée du rideau de la peur.

Effectivement, après son départ, les gens de Médine, y compris les fils des Muhâjirine et des Ansars, des Compagnons et des Suivants, commencèrent à se réunir, à discuter, à le plaindre: «Le fils du Messager de Dieu est parti! Il a quitté sa ville. Il entreprend à Yazid et de se soumettre à son pouvoir! Qu'attend la Umma!?»

Pendant ce temps, la nuit et le silence planait sur les maison d'al-Hussayn et de sa famille. Un climat de désolation et de tristesse doublée d'une atmosphère de peur et d'inquiétude régnait sur la ville. Les gens avaient peur pour al-Hussayn. Ils craignaient la défection de ses partisans et la trahison de ses ennemis. Al-Hussayn mourrait! Ce serait une étoile sans pareille qui disparaître du Ciel de la ville!


Dans L'Enceinte Sacrée et Sûre
(La Mecque)

Al-Hussayn arriva au "Lieu de la descente de la Révélation", la Mecque, Ville de la Paix, pendant la nuit du troisième vendredi du mois de Cha'bân. Il y entra en récitant ce verset coranique:

«Il dit, tout en se dirigeant vers Madian: "Il se peut que mon Seigneur me guide sur la Voit Droite». (Coran, XXVIII, 22)
Il descendit dans la demeure de 'Abbas Ibn 'Abdul Muttalib et s'y établit pour mener son action politique avec l'immunité légale de la Maison Sacrée de Dieu.

Sa venue à la Mecque ne manqua pas de susciter l'étonnement et la surprise. Les Mecqois et les pèlerins de cette cité l'accueillirent chaleureusement. La nouvelle de son départ de Médine pour la Mecque et son refus de prêter serment d'allégeance à Yazid se rependit rapidement. Des délégation et des lettres affluèrent vers lui de partout.

Al-Hussayn s'attacha pour sa part à envoyer partout des messagers et des messages, appelant à la révolution contre Yazid, et au retrait de sa désignation au califat, obtenue par la force, la terreur, les pots-de-vin et les mensonges, contrairement aux statuts et aux règles islamiques de la désignation du gouvernant. Des rassemblements et des réunions commencèrent à se former dans les quatre coins du monde islamique. Les masses populaires musulmanes se félicitèrent du mouvement d'al-Hussayn et organisèrent des débats politiques sur la situation.

La lecture des correspondances d'al-Hussayn nous permet de constater que la raison de son départ de Médine pour la Mecque comme première étape de son mouvement se résumait dans les points suivants:

- Attirer l'opinion publique, la sortir de sa léthargie, la mouvoir, la surveiller de plus près, et la tester.

- Commencer la mobilisation et la préparation du soulèvement général; exposer le problème politique selon les principes islamiques de gouvernement, de politique et de direction.

- Planifier en vue de diriger les masses et définir les points de départ de la confrontation, sur les plans de temps, de lieu et de conjoncture.

- Amorcer la confrontation pour déchoir le gouvernement de Yazid et instaurer un Etat bien dirigé sous la direction d'al-Hussayn, fondé sur les principes du Coran et de la Sunna du Prophète.

Ses contacts et correspondances avec les différentes communautés de la nation islamique ne tardèrent pas à porter leurs premiers fruits. En effet, l'esprit de la révolution se mit en branle en Irak, centre du mouvement politique partisan des Ahl al-Bayt à cette époque. Les chefs de l'opposition, parmi les partisans de l'Imam al-Hussayn, se réunirent à Kûfa, dans la maison de Sulayân Ibn Çard al-Khazâ'î pour examiner les situations politiques et sociales, la mort de Mu'âwîyah et la passation du pouvoir à Yazid. Ils discutèrent du projet d'al-Hussayn, de son refus du califat de Yazid et de son départ pour la Mecque.

Ils prient la décision de la soutenir, de se mettre sous sa direction et à sa disposition. A la clôture de ces débats Sulaymân Ibn Çard al-Khazâ'î se leva et fit ce discours:

«Mu'âwîyah est mort. Al-Hussayn appelle les Musulmans à lui prêter serments d'allégeance. Il est parti pour la Mecque. Vous êtes ses chiites (partisan) et les chiites de son père. Si vous êtes de sûrs de vouloir le soutenir et de combattre son ennemi, de vous sacrifier pour lui, écrivez-le-lui et faites-le-lui savoir. Mais si vous craignez l'échec et la faiblesse, ne l'appâtez pas inutilement.

- Non, Nous combattrons son ennemi et nous nous sacrifierons pour lui, répondirent les assistants.

- Ecrivez-lui donc, leur dit Sulaymân»

Les gens présents à ce rassemblement écrivirent la lettre suivante à al-Hussayn:

«Au Nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux. Que la paix soit sur toi. Nous remercions Dieu, en dehors de Qui il n'y a pas d'autre dieu.
»Louange à Dieu qui a brisé ton ennemi tyrannique et têtu qui s'empare de cette Umma, soutira son "affaire" usurpa ses butins, la gouverna sans qu'elle l'y autorise, assassina ses pieux, et conserva ses méchants. Il n'est donc pas Imam. Viens! Nous espérons que Dieu nous réunirait (avec toi) dans le bon droit. Quant à al-Nu'mân Ibn Bachir qui se trouve dans le palais d'Imarah, nous ne nous réunirons avec lui ni les vendredis, ni les jours de fête.

Et quand nous apprendrons que tu viendras auprès de nous, nous l'expulserons vers Damas, si Dieu le veut. Que la Paix, la Miséricorde et les Bénédictions de Dieu soient sur toi».
Ils expédièrent cette lettre par 'Abdullah Ibn Saba' al-Ramadân et 'Abdullah Ibn Wâl. Deux nuits plus tard, ils envoyèrent une deuxième lettre accompagnée d'environ cent cinquante pages écrites par la population, pour le prier de venir à Kûfa. Cette deuxième lettre fut suivie d'un autre messager dépêché pour presser al-Hussayn de se diriger vers l'Irak.

Puis des personnalités irakiennes, tels Chabth Ibn Rub'i, Hajjar Ibn Abjar, Yazid al-Hârith, Yazid Ibn Rouim, 'Urwah Ibn Qais, 'Omar al-Zubaidi et Muhammad Ibn 'Amir al-Temîmi lui envoyèrent des messages dans le même sens. Les lettres continuèrent à affluer vers al-Hussayn; elles lui apportaient les cris de secours des Irakiens: «Nous n'avons pas d'Imam! Viens vers nous»! ou «Les gens t'attendent. Ils n'ont que toi. Viens vite, viens vite, viens vite, viens vite».

Conscient de la gravité de sa responsabilité et de l'importance de sa mission, tenant compte de l'expérience malheureuse et douloureuse de son frère al-Hassan et de son père l'Imam 'Ali avec les Irakiens, al-Hussayn ne pouvait prendre une décision de cette importance que prudemment, et ne voulait réagir positivement aux requêtes pressantes et réitérées de ses partisans en Irak qu'après avoir obtenu des assurances suffisantes quant au sérieux de leur soutien.

Aussi leur écrivit-il une lettre dans laquelle il leur rappela le contenu de leurs missives et leur demanda d'accueillir son représentant et cousin Muslim Ibn 'Aqil afin qu'il apprécie la situation sur place et prépare sa venue:

«Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. (...) J'ai reçu vos lettres et vos messagers (...). J'ai pris note de tout ce que vous avez écrit et exprimé dans ces lettres. (...) Je vous envoie mon frère et cousin, mon homme de confiance, quelqu'un de ma famille: Muslim Ibn 'Aqil. S'il m'écrivait qu'il y avait un consensus unanime de la population sur ce que vous avez écrit dans vos lettres... je viendrais auprès de vous bientôt; si Dieu le veut...»

En même temps, al-Hussayn prit soin de préparer et de mobiliser les habitants de Basrah. Il adressa la lettre suivante aux chefs de cette ville et à ses leaders de l'opposition:

«Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux... Dieu a élu Mohammad parmi Ses créatures pour lui accorder l'honneur de la mission prophétique. Il l'a choisi pour communiquer Son message. Puis Il l'a appelé vers Lui. Le Prophète a conseillé les serviteurs de Dieu et a communiqué ce pourquoi il fut choisi comme Prophète... Nous étions sa famille, ses amis, ses héritiers présomptifs, ses légataires et les premiers ayants droit à le représenter auprès des gens. D'aucuns parmi notre peuple nous ont usurpé notre droit. Et cependant, nous n'avons rien dit, car nous détestions la division et nous avons voulu favoriser la sécurité, tout en sachant que nous avions plus de droit au califat que ceux qui l'ont confisqué.

»Je vous envoie cette lettre avec mon messager et je vous appelle au Livre de Dieu et à la Sunna de son Prophète (P), car, en effet, celle-ci a été assassinée, et l'hérésie ressuscitée. Je vous invite à écouter ma parole, obéir à mes ordres; je vous conduirais vers la bonne voie. Que la Paix, la Miséricorde et les Bénédictions de Dieu soient sur vous».

De cette façon Basrah apprit la nouvelle du mouvement d'al-Hussayn. Cette ville était l'un des fiefs de l'action politique de l'opposition, et le plus grand centre islamique après Kûfa, en Irak, à cette époque-là. Elle comptait des leaders de l'opposition et connaissait une opinion publique hostile au régime Omayyade. Elle avait beaucoup souffert des gouverneurs de Mu'âwîyah. Avec l'arrivée de cette lettre, les notables de la ville se sont réunis à la maison d'une femme de l'opposition et ont décidé de soutenir le mouvement d'al-Hassayn.

Ibn al-'Athir nous fait un compte rendu de cette réunion dans son livre: "Al-Kâmel fil Târikh" (Tom. VI, p. 21):
«Des Chiies se sont réunis dans la maison d'une femme de la famille Abdul Qaïs. Elle s'appelait Mariya Binta Sa'dah. Elle était devenue chiite, et sa maison un lieu de réunion et de débats pour les Chiites... Yazid Ibn Banit, lui aussi de la famille de 'Abdul Qaïs, décida d'aller à la rencontre d'al-Hussayn. Il avait dix fils. Il leur demanda: «Lequel de vous viens avec moi». Deux d'entre eux se sont présentés: 'Abdullah et 'Obeidullah. Ils partirent à la Mecque... et ils furent tués avec lui plus tard».

D'autres réunions et d'autres débats ont eu lieu pour donner suite à la lettre d'al-Hussayn. Ainsi, Yazid Ibn Mas'oud rassembla les Bani Temim, les Bani Handhalah et les Bani Sa'ad. Il leur tint un discours dans lequel il les incita à soutenir al-Hussayn et les mit en garde contre toute velléité de faire défection. Voici quelques extraits du discours:

«... Yazid, cet alcoolique et cette tête de la débauche prétend au califat des Musulmans et s'impose comme leur chef sans leur consentement. Pourtant il manque de clémence et de savoir, il est ignorant du bon droit. Je jure donc avec force, par Dieu, que le jihad contre lui est préférable pour la religion au jihad contre les polythéistes.

Et voici al-Hussayn fils de 'Ali et fils du Messager de Dieu; il est d'un honneur authentique, d'une opinion enracinée, d'une grâce indescriptible, et d'un savoir inépuisable. Il a la priorité pour cette affaire (le califat) en raison de ses bons antécédents, de son âge, de son ancienneté, et de sa parenté. Il est tendre avec les cadets et bienfaiteur pour les aînés.

Il est donc le meilleur pasteur pour ses ouailles et l'Imam d'un peuple. (...) Ne manquez donc pas de voir la lumière du vrai et n'errez pas dans l'abîme du faux. Çakhr Ibn Qaïs a été trahi par votre défection le Jour (de la bataille) de Jamal. Effacez donc cette faute en soutenant le fils du Messager de Dieu. Par Dieu, personne parmi vous ne pourrait manquer à le soutenir sans que Dieu n'humilie ses enfants et réduise sa tribu. (...) Me voilà en habit de guerre. Celui qui n'est pas tué dans la guerre, mourra naturellement; et celui qui fuit, n'échappera pas à son sort. Essayez donc - que Dieu vous couvre de sa miséricorde - de me donner une bonne réponse».

Les Bani Handhala ont répondu les premiers: «Ô Abou Khâled, nous sommes les flèches de ton carquois et les cavaliers de ta tribu. Si tu tirais avec nous, tu atteindrais la cible, et si tu attaquais avec nous, tu conquerrais. Par Dieu tu ne livrerais pas une bataille sans que nous ne la livrions, et tu ne rencontrerais pas une difficulté sans que nous ne la partagions. Par Dieu nous te soutiendrons avec nos sabres, et te protégerons avec nos corps. Fais et nous te suivrons».

Puis ce fut autour des Banou Sa'ad Ibn Yazid de prendre la parole: «Ô Abou Khâled, ce que nous détestons le plus, c'est de nous opposer à toi et d'avoir une opinion différente de la tienne. Si nous avions abandonné le champ de bataille (de Jamal) c'était parce que Çakhr Ibn Qaïs, nous l'avait demandé... Aussi avons-nous conservé notre force. Donne-nous donc un peu de temps pour nous concerter et t'apporter notre réponse ».

Enfin ce fut le représentant des Bani 'Âmer Ibn Temîm qui intervint: «Ô Abou Khâled! Nous somme la tribu de ton père, et tes alliés. Nous ne resterions pas indifférents si tu es en colère, ni ne demeurerions ici, si tu pars. L'affaire est entre tes mains. Appelle-nous, nous te répondrons et ordonne-nous, nous t'obéirons...»

S'étant assuré du soutien de ces tribus, Yazid Ibn Mas'oud écrivit à al-Hussayn:

«Au nom de Dieu... J'ai reçu ta lettre et compris ce que tu m'as chargé de faire et l'appel que tu m'as lancé pour obtenir mon soutien. Dieu ne laisse jamais une terre sans un facteur de bien ou un guide pour la voie du salut. Vous êtes la preuve de Dieu à Sa créature, et Son Dépôt dans Sa terre. Vous vous ramifiez d'un olivier d'Ahamd (un autre nom du Prophète Muhammad), dont celui-ci est le tronc et vous, les branchages. Viens donc, tu es le bienvenu...»

De son siège de la Mecque, al-Hussayn a donc pu faire remuer l'opinion publique, galvaniser le sentiment de révolte des Musulmans, diriger le mouvement de l'opposition. Pendant les mois de Cha'bân, Ramadân, Chawwâl, Thil-Qa'dah et une partie de Thil-Hajjat, il a pu déterminer le lieu, le temps et la conjoncture politique du déclenchement de sa bataille.
La révolution sera déclenchée en Irak.


source : sibtayn
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