Le texte précité de l'Imam al-Sâdiq (p) sur les aptitudes mentales et leur lien avec l'hérédité fixe et l'hérédité accidentelle constitue un principe général valable aussi pour tous les fondements psychologiques.
Et si certaines ou la plupart des recherches laïques établissent une distinction entre les fondements mentaux et les fondements psychologiques, en professant que les premiers sont de nature plus ou moins héréditaire, alors que chez les seconds l'influence de l'hérédité est insignifiante ou même inexistante, c'est parce que les études et les expériences qu'elles ont menées sur les traits mentaux leur ont apporté la conviction que ceux-ci sont plus réceptifs à l'hérédité que les traits psychologiques. Bien que cette conviction ne soit pas totalement sans fondement, il est incongru de la généraliser, car elle peut être nuancée dans des conditions particulières, comme nous l'avons remarqué lors de notre exposé sur les aptitudes mentales.
De là, la législation islamique subordonne le phénomène psychologique à des facteurs déterminants, généraux et particuliers, qui prennent en considération aussi bien l'hérédité que le milieu sous des conditions spécifiques qui gouvernent ce phénomène. Mais avant de présenter les textes islamiques relatifs à ce sujet, il est opportun de nous arrêter un instant sur un point dont nous traiterons plus loin, à savoir la distinction artificielle établie entre deux sortes de traits psychologiques :
1- Les traits intellectuels, ou ce que les spécialistes dénomment "tendance".
2- Les traits purement psychologiques.
En effet la législation islamique établit parfois artificiellement une telle distinction, et parfois elle l'efface, et ce pour les raisons suivantes : d'une part elle tient compte de l'unité du comportement de l'homme en tant que soumis (croyant) au concept du rôle de l'adoration ou du califat (lieutenance) sur la terre auquel il est assigné(11), et là la différence entre le fondement psychologique et le fondement intellectuel s'estompe; mais, en même temps, et d'autre part, elle considère l'être humain en général, (abstraction faite de son identité et de sa position philosophique - sa croyance - vis-à-vis du sens de la vie), pour définir les aspects du comportement sain (et en faire un exemple), auquel cas la distinction s'impose.
À la lumière de cette remarque, nous reviendrons au point de vue islamique sur les facteurs déterminants, généraux et particuliers, des fondements psychologiques, sous leurs deux volets précités pour constater qu'il est représenté par les deux types de l'hérédité pure: d'abord par le phénomène de la "disposition" (ou de l'existence "en puissance") chez un individu, à un tel ou tel autre fondement psychologique, et ensuite par la transformation de cette disposition, sous l'effet du milieu environnant "en acte" choisi volontairement par l'individu et non pas imposé à sa volonté.
Naturellement il y a quelques différences entre la subordination de l'aptitude mentale à l'hérédité pure et la subordination de la "disposition" à cette hérédité. Car la première - l'aptitude mentale - incarne un élément positif, en l'occurrence l'intelligence dans son état d'excellence, alors que la seconde - la disposition - ne représente qu'un élément neutre que l'individu traduirait librement et volontairement, en acte positif ou négatif, ultérieurement. Néanmoins, l'hérédité pure joue ce même rôle (que celui qu'elle joue dans l'aptitude mentale) lorsque nous transposons le problème sur un plan philosophique, à savoir la constitution de la nature humaine selon une structure basée sur la reconnaissance d'Allah et de Son Unicité, sujet dont nous traiterons ultérieurement, pour ne pas nous écarter de notre domaine psychologique, quitte à y revenir occasionnellement et d'une façon passagère.
Il nous reste à présent à définir le point de vu islamique sur le fondement "psychologique" et sur la position de ce fondement par rapport à l'hérédité fixe. La législation islamique est claire sur ce point. Elle souligne la pureté de ce fondement chez tous les êtres humains et son dépouillement de tout défaut et de tout élément différentiel, exactement comme tous les fondements biologiques, vitaux et mentaux dont hérite le genre humain d'une façon égale, et peu importe que ce fondement soit d'ordre proprement psychologique ou intellectuel.
Concernant le fondement intellectuel, l'Imam al-Sâdiq (p) le définit comme suit :
«Le sperme du croyant, même placé dans le rein du polythéiste, le mal ne peut l'atteindre (reste intact), et ce jusqu'à ce que le calame coure»(12).
La teneur de ce texte est d'une clarté qui ne souffre aucune équivoque pour un connaisseur. Elle définit un fondement inné commun à tout le genre humain, à savoir la pureté de la pesée et son dépouillement de toute tare (défaut, tache) héréditaire, peu importe que ce fondement se trouve dans les reins des hommes, dans les utérus des mères ou même dans la phase de l'enfance, ce qui veut dire que la personnalité (l'enfant) entre et reste dans son nouveau milieu, dans un état pur et sans aucun défaut, jusqu'à l'âge de la raison où elle choisit alors librement le type de comportement qu'elle veut.
L'Imam al-Sâdiq (P) énonce le même principe pour ce qui se rapporte aux traits ou fondements psychologiques, lorsque, parlant de quelques traits de la personnalité, il dit :
«Si tu peux, les (ces traits) avoir, soit. Car ils peuvent être chez le père sans qu'ils soient transmis à son fils, ou chez le fils sans qu'ils soient chez son père».
On demanda alors à l'Imam al-Sâdiq (p) quels étaient ces traits, il répondit :
«La véracité du courage, l'acquittement du dépôt, le maintien du lien de parenté (la bienfaisance envers les proches parents), etc...»(13).
Il est évident que les traits moraux dont parle l'Imam al-Sâdiq (p) sont de caractère purement acquis et n'ont rien à voir avec un quelconque fondement héréditaire, puisque, le père pourrait les avoir sans pouvoir les transmettre à son fils, et celui-ci pourrait les avoir, sans les avoir tenus de son père. Cela revient à dire que le genre humain dans son ensemble, n'hérite pas de fondements moraux ni psychologiques en général, mais les acquiert à travers le milieu environnant.
Mais s'agit-il là d'une règle fixe qui reste indifférente ou imperméable à l'influence d'une hérédité accidentelle survenue dans certaines circonstances ou sous certaines conditions ? La réponse est négative, car l'hérédité accidentelle que nous avons signalée à propos de "l'aptitude mentale" peut également influer sur les fondements psychologiques, peu importe que le transfert héréditaire s'opère à travers l'épine dorsale (reins) des hommes ou les utérus des mères.
Ainsi, s'agissant du changement héréditaire opéré à travers les "épines dorsales", l'Imam al-Sâdiq (p) le signale lorsqu'il nous recommande le "mariage sélectif", c'est-à-dire de tenir compte des traits moraux héréditaires de la famille dont est issue la personne avec laquelle on projette de se marier :
«Ne vous mariez pas avec eux (les membres d'une telle famille ou d'un tel clan), car ils possèdent une "veine" qui appelle à l'infidélité».(14)
- Selon une autre version de ce Hadith :
«Car ils possèdent des "utérus" qui dénotent l'infidélité».(15)
- Selon une troisième version :
«Car ils ont des "racines" (origines, lignage, fondements) qui les incitent à l'infidélité».(16)
Il ne fait pas de doute que la "veine", les "utérus" et les "racines" figurant dans les trois versions désignent le transfert (le changement) héréditaire du caractère "trahison ou infidélité", et la transmission de ce caractère au sperme qui se dépose dans l'utérus de la mère.
Quant au transfert héréditaire opéré à travers le milieu utérin, les textes islamiques abondent en recommandations concernant une alimentation saine génératrice de hautes qualités morales ou psychologiques.
Ainsi, l'Imam al-Redhâ (p) recommande :
«Donnez du lait à vos femmes enceintes: si elles portent un garçon, il aura un coeur pur ... du courage, et si elles portent une fille, elle sera bonne physiquement et moralement»(17).
Ce texte met en évidence les traits moraux tels que le courage, le bon caractère etc. et d'autres fondements psychologiques et mentaux et leur transmission à l'enfant par le milieu de l'utérus et nous permet donc d'en inférer la possibilité de l'hérédité accidentelle dans ce domaine.
Mais il est à noter ici que les psychologues laïcs établissent souvent une distinction artificielle entre deux sortes de fondements psychiques (psychologiques) : les traits "tempéramentaux" et les traits "moraux". Ainsi, l'introversion ou l'extraversion, par exemple, sont considérées comme des traits "tempéramentaux" et pourraient donc avoir une dimension héréditaire, alors que les traits moraux, tels que la fidélité, l'honnêteté etc. seraient des traits acquis et n'auraient rien à voir avec l'hérédité.
Bien que cette observation ne soit pas sans fondement, nous ne pourrons, selon notre conception islamique, en généraliser la portée ou l'application sur tout le genre. Pour nous, elle revêt un caractère de probabilité et non de généralité.
Les textes islamiques que nous avons présentés précédemment pourraient paraître de prime abord concordants avec le point de vue laïc relativement à la distinction entre les fondements "tempéramentaux" et les fondements "moraux". En effet lorsque l'Imam al-Sâdiq (p) a évoqué certains traits tels «le respect du dépôt», «la véracité» etc., des traits purement moraux, ils les a exclus du cercle de l'hérédité et les a classés dans la zone d'influence du milieu, et lorsqu'il a fait référence à la conservation de la pureté du "sperme" dans les épines dorsales des polythéistes et les utérus des mères polythéistes, il a exclu, là également, ce trait "intellectuel" ou "idéologique" (la croyance), du domaine de l'hérédité pour lui attribuer un caractère environnemental (le milieu).
Toutefois, lorsqu'il a souligné le trait "trahison" par exemple, il l'a annexé à l'hérédité chez certains clans. Or, la trahison étant un trait agressif, et l'agressivité étant une émanation du tempérament introverti, sa subordination à l'hérédité s'explique par son caractère "tempéramental" et non "moral".
Donc, comme nous l'avons dit, ces textes islamiques, bien qu'à première vue, semblent converger avec la thèse laïque selon laquelle les traits moraux seraient des caractères acquis et les traits tempéramentaux des caractères héréditaires, ils laissent entendre, en réalité, que cette distinction artificielle entre les fondements "moraux" et les fondements "tempéramentaux" a une valeur de probabilité et non d'universalité.
La preuve en sont les divers textes islamiques (que nous verrons plus loin) présentant des recommandations pour l'amélioration (assainissement) de la lignée (hérédité accidentelle) en vue d'avoir des enfants de bon caractère, indulgents, religieusement intègres, ainsi que d'autres qualités purement morales. En tout état de cause, nous avons déjà vu un exemple de ces textes dans la recommandation de l'Imam al-Redhâ (p) pour la consommation du lait pendant la grossesse, dans le but de mettre au monde des enfants de bon caractère.
Ainsi, on peut conclure de ce qui précède que les traits moraux peuvent à leur tour être tributaires de l'hérédité accidentelle dans un cadre particulier. Il convient toutefois de noter avant de boucler ce chapitre, que certains chercheurs laïcs s'efforcent de trouver un lien entre la morale (caractère acquis) et la haute aptitude mentale (l'intelligence), laquelle est un trait héréditaire, pour présenter une autre interprétation du rapport des traits moraux avec l'hérédité et le milieu. Ils ont procédé à une expérience sur un groupe d'individus distingués par leur intelligence (selon les critères de la recherche laïque du quotient intellectuel). Ils ont observé que ces individus se distinguaient également par de hautes qualités morales dont sont dépouillés les membres d'un autre groupe d'individus d'un quotient intellectuel inférieur (ayant été soumis au même test d'intelligence que le premier groupe). Cependant, certains chercheurs ont donné une autre interprétation de cette expérience en arguant que si le second groupe n'a pas les mêmes hautes qualités morales du premier groupe, c'est à cause du manque d'intelligence pour les acquérir et non à cause d'un quelconque facteur héréditaire.
Mais la pertinence ou non de cette remarque n'appelle pas à la négation de la possibilité de l'existence des facteurs héréditaires dans les qualités morales, dès lors que la législation islamique souligne clairement cette possibilité et qu'il n'est pas possible d'ignorer le lien héréditaire entre les fondements comportementaux, moraux, intellectuels et mentaux, du moins dans des cas particuliers que les textes islamiques ont établis.
Résumé du chapitre : la conception islamique du milieu et de l'hérédité se résume ainsi: le genre humain hérite d'un fondement psychique (psychologique) général au niveau de l'hérédité pure, qui ne diffère pas d'un individu à l'autre, que ce soit dans le domaine des aptitudes mentales ou des processus psychiques en général. Mais il y a une hérédité accidentelle qui survient dans des conditions particulières chez des individus ou des clans et qui constitue une exception à la règle. En dehors de cela, l'éducation ou le milieu se charge de déterminer le type de comportement que la personnalité se choisit à la lumière du fondement psychologique dont elle hérite en état potentiel (en puissance, virtuel), c'est-à-dire sa capacité à choisir ou à distinguer l'espèce du comportement approprié.
source : sibtayn