«Ô mon Dieu! Fais que je sois au nombre de ceux dont les arbres de Ton désir se sont enracinés dans les jardins de leurs poitrines, dont le chagrin de Ton amour a envahi leurs coeurs, ceux qui se réfugient dans les gîtes de la pensée, qui se nourrissent à satiété dans les jardins de la Proximité et du dévoilement, qui s'abreuvent dans les bassins de l'amour avec des coupes de plaisir (...) ceux devant les yeux intérieurs desquels le voile a été enlevé, ceux dont les croyances et les consciences se sont débarrassés de l'obscurité du doute, (...) ceux des coeurs et des fors intérieurs desquels le tourment de l'incertitude a disparu, ceux dont les poitrines se sont élargies par l'accession à la connaissance (...) ceux qui se sont rassurés de leur retour vers le Seigneur, ceux dont les âmes se sont assuré l'obtention de la victoire et du succès, ceux qui ont trouvé la consolation en regardant leur Bien-Aimé (...) ceux qui ont réalisé un commerce rentable en troquant la vie d'ici-bas contre la Vie éternelle...
Ô mon Dieu! Quels délices pour les coeurs que Tu inspires! Que c'est beau que d'avoir l'illusion de marcher vers Toi sur les sentiers du mystère! Que c'est délicieux la saveur de Ton amour! Que c'est agréable le boire de Ta proximité! Épargne-nous donc l'expulsion et l'éloignement de Ton voisinage! Place-nous parmi les plus intimes de ceux qui Te connaissent, les plus pieux de Tes serviteurs, les plus sincères de ceux qui T'obéissent, et les plus dévoués de ceux qui T'adorent!».
Il n'est pas question ici de nous écarter de notre sujet pour commenter ce merveilleux munâjât dont la beauté, l'éloquence et le style pittoresque se passent de commentaire. Toutefois, il est important de nous attarder un peu sur la première séquence du munâjât de l'Imam: «Ô mon Dieu! Fais que je sois au nombre de ceux dont les arbres de Ton désir se sont enracinés dans les jardins de leurs poitrines et dont le chagrin de Ton amour a envahi leurs coeurs!».
L'image qui ressort de la parole de l'Imam al-Sajjâd (p) présente les poitrines ou les coeurs des amis d'Allah comme des jardins joyeux et pleins de bons fruits, et laisse entendre que ces poitrines revêtent différentes formes:
Certaines poitrines sont des bureaux et des écoles d'apprentissage du savoir. Or, le savoir est une bonne chose et une lumière, mais à condition que la poitrine qui le contient demeure un jardin du désir d'Allah.
Certaines autres poitrines sont des fonds de commerce, des banques et des places boursières, pleins de chiffres, de statistiques et de bilans. L'argent et le commerce n'ont rien de répréhensible, bien au contraire, mais à condition qu'ils ne deviennent la préoccupation première et le souci principal du coeur.
D'autres poitrines se présentent comme des terrains salins où poussent les épines et les coloquintes, les poisons et les haines, la lutte pour le pouvoir et l'argent, les complots et les intrigues.
D'autres poitrines encore constituent des terrains de jeux et des lieux de distraction. Rien d'étonnant, car pour une grande partie des gens, la vie est jeux et distractions.
Enfin, il y a des gens dont la poitrine se scinde en deux parties: une partie est occupée aux venins, aux haines, aux intrigues et aux complots; et l'autre, aux distractions et aux jeux. Si la première partie venait à leur causer des soucis et des ennuis qui bradent leur quiétude et troublent leur stabilité, ils se réfugient dans l'autre partie et recourent aux distractions pour se soustraire aux tourments de la première partie.
Quant aux poitrines des amis d'Allah, se sont des jardins de joie et de bons fruits, comme le dit l'Imam al-Sajjâd (p). Des jardins dans lesquels les arbres du désir d'Allah sont plantés solidement et dont les racines se sont enfoncées profondément. Le désir d'Allah n'y est pas un élément accidentel, passager, susceptible d'être emporté par le premier vent que l'attrait, les artifices ou le sourire de la vie d'ici-bas pourrait faire se lever. C'est un désir qui ne s'émousse pas, et ses feuilles ne se fanent pas lorsque le serviteur qui l'éprouve venait à sombrer sous une accumulation d'épreuves et de malheurs, car les arbres d'un tel désir, lorsqu'ils sont bien enracinés dans la poitrine, demeurent verts et feuillés, et continuent à porter leurs fruits malgré toutes les intempéries.
L'état de désir est un état d'allégement et de vivacité, contraire à l'état de pesanteur de ceux qui sont attachés aux artifices de ce bas-monde, comme nous les décrit le Coran:
«Qu'avez-vous? Lorsqu'on vous dit: "Élancez-vous dans le Chemin de Dieu", vous vous appesantissez sur la terre. Préférez-vous la vie de ce monde à la vie future?»(74)
En effet l'âme se relâche et éprouve des pesanteurs à mesure qu'elle s'attache et s'accroche à ce monde. Mais lorsque le serviteur se détache et se libère(75) de la vie d'ici-bas et de ses chaînes, il se sent soulagé du poids de ce monde, et dès lors l'amour et le désir d'Allah l'attirent plus facilement.
Arrêtons ici notre exposé sur les images de l'amour, du désir et du plaisir dans les do'â' des Imams d'Ahl-ul-Bayt (p), pour poursuivre les autres aspects de l'amour divin.
source : sibtayn