Après l’assassinat de ’Othmãn, les regards des révoltés se sont tournés vers l’Imam, lui demandant d’assurer le Califat.
Mais l’Imam ’Ali refusa, car il sentait qu’il n’avait pas la force de se charger du pouvoir et d’en subir les conséquences, notamment après avoir constaté le virage de la société islamique vers des écarts profonds dans les niveaux sociaux et économiques de ses membres, virage dû à la politique des gouverneurs de ’Othmãn, et aussi après avoir remarqué que les orientations et les concepts islamiques grandioses pour lesquels le Prophète (P) avait œuvré durant toute sa vie, avaient perdu beaucoup de leur efficacité en ce qui concerne l’orientation des Musulmans, et avaient commencé à se dissiper après la disparition du Messager.
Pour pallier à cette corruption, il fallait donc que les gens puissent sentir qu’il y avait un régime sain qui les gouverne, afin qu’ils puissent retrouver leur confiance perdue en leurs gouvernants. Mais cela n’était ni facile, ni pour le lendemain. Car certaines classes naissantes ne l’apprécieraient guère, et seraient prêtes à s’opposer à tout programme de réforme et toute tentative d’épuration.
L’Imam s’était rendu compte que la corruption vécue, pour être réformée, exigeait une action révolutionnaire qui touche les piliers de la société islamique sur le plan économique, social et politique.
De là le refus de l’Imam de répondre favorablement, sur-le-champ, à la pression des masses et des Compagnons qui lui demandaient d’accepter le Califat.
Il voulait, par ce refus, les mettre à l’épreuve pour savoir à quel point ils étaient disposés à supporter les mesures révolutionnaires qu’il leur imposerait et pour qu’ils ne disent pas, par la suite, lorsqu’ils auraient découvert les difficultés des conditions dans lesquelles ils devraient lutter contre la corruption dont ils se plaignaient - que l’Imâm les avait pris à l’improviste et avait exploité leur zèle.(1)
C’est pourquoi l’Imam ’Ali leur a répondu tout d’abord: «Laissez-moi et cherchez-en un autre. Car nous avons affaire à un problème à multiples facettes. Sachez que si j’acceptais votre requête, j’appliquerais ce que je sais et n’écouterais ni les dires des radoteurs ni le blâme des censeurs. Mais si vous renonciez à votre requête, je serais l’un de vous, et peut-être obéirais-je à celui que vous auriez élu et l’écouterais mieux que quiconque d’entre vous. Je vous servirais comme vizir mieux que comme émir».(2)
Mais les gens ayant insisté pour qu’il se charge du califat, il finit par céder.
Notes:
1. "Dâïral Al-Ma’ãrif"
2. "Nahj Al-Balãghah", Tom. I. p. 217.
Source: L’IMAM ’ALI, Edité et traduit par Abbas Ahmad Al-Bostani, Canada, 2000.
source : tebyan