On a relevé une seule occurrence du mot charia dans le Coran. Sourate 45, verset 18 (traduction personnelle): "Nous t’avons établi en une loi pertinente. Suis-la donc et ne suis pas les passions des inconscients."
Il désigne donc une loi claire, inhérente à la Création, une sorte de droit naturel et non un précepte révélé. L’usage de mots très voisins dans leur forme, en quatre autres passages du Livre, a cependant montré que le mot de charia pouvait désigner la loi de l’Islam ou le droit musulman. Par référence à ces versets et, surtout, parce que, au moment où ils établissaient leurs institutions, les musulmans considéraient la religion comme source naturelle de toute normativité, le mot charia a pris le sens de législation Islamique fondamentale sur laquelle s’édifiait le système jurisprudentiel ou fiqh.
Cette jurisprudence a très tôt distingué les règles du culte ou ibãdãt relevant de l’intangible, des normes du comportement social, moral et juridique appelées mo’ãmalãt et qui, elles, étaient l’objet de la réflexion des fidèles et surtout des jurisconsultes ou foqahã (pluriel de faqîh, spécialiste du fiqh ou jurisprudence).
Il est intéressant d’observer le destin parallèle du mot grec kanôn signifiant initialement la règle et adopté par la chrétienté dans une acception principalement religieuse (le droit canon, le canon de la messe, le canonicat, le chanoine). Il désigne aussi une norme de caractère profane comme, par exemple, le canon de la beauté. En revanche, le même mot a été adopté par la langue arabe et le monde musulman sous la forme de qãnoun pour désigner le droit positif ne relevant pas de sources religieuses, ou les règles propres à des pratiques scientifiques (le Canon d’Avicenne énonce ainsi les principes de la médecine). Il y eut donc un chassé-croisé lexical.