Nous essayerons dans notre présente étude de répondre aux questions suivantes : y a-t-il, pour le Saint Coran, des lois qui régissent l’histoire humaine ?
Quelles sont-elles ? Comment l’histoire humaine a-t-elle commencé et comment a-t-elle évolué ? Quels sont les principaux agents de la théorie de l’histoire ?
Mais aussi quel est le rôle de l’être humain dans le processus historique ? Quel rôle joue le facteur céleste, ou plutôt la prophétie, sur la scène de l’histoire ?
Ce sont, en somme, les questions auxquelles nous essayerons de répondre, à partir du Livre Saint. Celui-ci recèle dans ses pages les chroniques des prophètes qui constituent une part non négligeable de la matière de notre sujet. Ces chroniques furent, jusqu’à présent, traitées par les historiens qui reprirent les fais et les événements mentionnés par le Coran, et pour combler les vides, s’appuyèrent sur les récits et les hadiths, les traditions rapportées par les religions antérieures ou sur les légendes et les fables. Ils réunirent aussi une trame d’organisation de la matière coranique. Ces mêmes chroniques furent également étudiées du point de vue de la méthode du récit, en soulignant la puissance, la créativité et l’originalité, qui fait du récit coranique un récit vivant et vibrant. Il s’agit là encore d’une façon différente d’aborder le Saint Coran.
Ce que nous nous proposons ici est encore autre chose. Il s’agit de découvrir si le Coran renferme la notion de loi historique, c’est-à-dire d’un ensemble de codes, de principes ou de règles censés régir le processus de l’histoire.
La scène historique, comme les autres scène des l’univers, astrale, physique ou végétale, est animée de phénomènes divers. Et comme dans les autres scènes ceux-ci sont régis par des lois, pouvons-nous affirmer que les phénomènes animant la scène historique sont, eux aussi, régis par des règles et des principes ? Qu’en pense le Coran ? Donne-t-il des indications nous permettant de prouver ou de nier cette hypothèse ?
Certains prétendent qu’il serait vain d’attendre du Coran des indications de ce type, la découverte de lois historiques étant soumise à une recherche scientifique, tout comme celle des lois naturelles, de l’atome ou du monde végétal. D’autant plus que le vénérable Coran n’est pas un livre de découvertes, mais de guidance, il n’est pas un livre d’enseignement scolaire révélé au messager d’Allah (sawa) qui aurait été un instituteur chargé de livrer cet enseignement à des spécialistes ou des intellectuels ; ce Livre lui fut révélé afin qu’il délivre les gens des ténèbres, qu’il les sorte vers la lumière, qu’il les délivre du monde de l’ignorance pour le mettre sur la voie de la lumière et du Salut,l’Islam. Il est vrai que le Coran est un Livre guide et non un Livre de découvertes.
C’est pour cela d’ailleurs que nous ne pouvons pas espérer que le Saint Coran nous fasse découvrir les vérités et les principes de toutes les sciences, nous ne pouvons nous attendre à ce que le vénérable Coran nous dévoile les principes de la physique, de la chimie, du monde animal ou végétal. Ce pendant, si nous y décelons des indications à ce propos, ce ne sont que des indications juste nécessaires pour confirmer sa dimension divine, s’il en est besoin, tant il est vrai que ce Livre a englobé le passé, le présent et l’avenir, qu’il a devancé de plusieurs centaines d’années l’expérience humaine en révélant des indications éparses sur telle ou telle vérité découverte dans divers domaines.
Le Coran ne se propose d’ailleurs pas de remplacer l’aptitude créatrice de l’homme, ni ses talents ni sa disposition à agir ou à engager un combat dans tous les domaines de la vie. Il ne se propose pas de remplacer sa recherche de savoir ni ses expériences ; il se considère lui-même comme une énergie spirituelle accordée à l’homme, libératrice de ses énergie, et le guidant dans le chemin juste. Puisque le Saint Coran est un Livre de guidance et d’orientation et non un livre de découvertes et de sciences, il est normal de ne pas s’attendre à y trouver l’exposition des principes généraux de chacune des sciences que l’espèce humaine cherche à découvrir.
Pourquoi nous attendre donc à ce que le vénérable Coran nous accorde des généralités, des positions et une conception scientifique à propos des lois de l’histoire, une des scènes de cet univers, alors qu’il ne le fait pas pour les autres ?
Il existe, bien évidemment, une différence fondamentale entre la scène historique et les autres scènes de l’univers, la première étant liée et rattachée de près à la fonction même du Coran, qui est de guider l’humanité, contrairement aux autres domaines de la vie. La scène historique porte en elle-même le processus de changement que ses propos d’entreprendre le Coran en libérant le gens de l’obscurité vers la lumière.
Ce processus de changement se présente sous deux aspects :
Le premier concerne le contenu des lois, des jugements et des législations adoptées par ce processus, il est de caractère divin et céleste, il représente la Loi du Très-Haut révélée au prophète Muhammad (sawa). La révélation de la Loi engage, en soi, toutes les lois matérielles de l’histoire car celle-ci est plus élevée et plus importante que l’ambiance dans laquelle elle fut révélée que l’environnement qui l’adopta et que l’individu chargé de la transmettre. Il s’agit donc de l’aspect céleste et divin, celui du contenu, des législations, des jugements et des méthodes que veut instaurer ce processus. L’autre aspect concerne la pratique du prophète (sawa) et ses justes compagnons. Il est représenté par un groupe de gens qui durent affronter des courants sociaux différents, qui durent lutter tant sur le plan doctrinaire que sur le plan social, politique et militaire. Ce processus de changement est matérialisé humainement sur la scène de l’histoire, il s’agit d’un processus humain, au cours duquel des gens, semblables à d’autres, sont dans une grande mesure, régis par les lois de l’histoire.
En d’autres termes, le processus du changement engagé par le Coran et par le Prophète (sawa) se présente, en liaison avec la Loi et l’inspiration, sous deux aspects : d’une part, il est de caractère divin, situé hors de l’histoire, et de l’autre, en tant qu’activité situé dans l’histoire, en tant qu’effort affrontant d’autres efforts, il est de caractère humain régi par les lois de l’histoire et réglementé par les décrets divins qui organisent l’univers dans le scène de l’histoire.
C’est pour cette raison que, lorsque le Saint Coran aborde le processus de changement, il évoque les gens, les être humains et non pas le message divin, il en parle en tant qu’êtres soumis aux mêmes lois que les autres. En évoquant les victoires ou les défaites des Musulmans à Badr ou Ouhd, le Coran en a-t-il parlé en insinuant que le message céleste a perdu une bataille après en avoir gagné une ? Bien évidement no, car le message divin demeure au-dessus des critères matériels de victoire et de faite, il ne peut être défait, seul l’homme peut être, même si cet homme représente le message divin, car il est soumis aux lois de l’histoire.
Le Coran affirme : « Ces jours Nous les faisons alterner parmi les hommes » (Al-Imran, verset 140). Il traite la question comme étant soumise aux lois historiques. Les Musulmans ont été victorieux à Badr lorsque les conditions objectives de la victoire avaient été réunies et ils ont été défaits à Ouhd parce que les conditions objectives avaient mené à cette défaite. « Si vous souffrez d’une blessure, vos adversaires ont déjà souffert d’une blessure semblable. Ces jours, Nous les faisons alterner parmi les hommes » (Al-Imran, 140). En d’autres termes, ne pensez pas que la victoire est pour vous un droit divin, elle est un droit naturel tant que vous réunissez les conditions objectives qui y mènent, selon les lois de l’histoire instaurées par Allah, Exalté soit-Il, au niveau de l’univers et non pas au niveau législatif.
Ces paroles sont adressées à des gens, elles concernent le processus humain et non pas le message divin. Le Coran va même plus loin en menaçant ce groupe humain, le plus pur qui ait existé, en le mettant en gardes s’il ne remplit pas son rôle historique ou s’il n’est pas à la hauteur de la responsabilité qui lui est assignée : le message divin ne sera pas annulé mais par contre, c’et le groupe qui sera remplacé, les lois de l’histoire ne l’éviteront pas, elles l’écarteront pour mettre en avant une autre nation qui, ayant réuni les conditions objectives, jouera ce rôle et témoignera, devant les gens :
« Si vous ne partez pas en compagne, Dieu vous infligera un châtiment douloureux et vous substituera un autre peuple sans que vous puissiez lui nuire en rien, car Il est Omnipotent » ( Al-Tawba, verset 39) et « Dieu fera venir des hommes qu’Il aimera et qui L’aimeront… » (Al-Ma’ida, verset 54).
Le Saint Coran spécifie donc le second aspect du processus de changement, il s’adresse aux humains, à propos de leur faiblesse ou de leur force, de leur droiture ou de leur déviation et de la présence ou l’absence des conditions requises pour ce changement.
C’est là que nous réalisons que la recherche des lois de l’histoire est organiquement rattachée au Livre en tant que Livre d’orientation divine qui se propose de sortir les gens des ténèbres vers la lumière car l’aspect pratique de cette opération, l’aspect humain, est lui-même soumis aux lois de l’histoire ; il est de ce fait, nécessaire que le Saint Coran ait une conception de ce domaine, qu’il élabore le cadre général de la vision coranique et musulman des lois de l’histoire.
Les lois de la physique et de la chimie sont donc différente de celles de l’histoire car contrairement aux secondes, elles n’influent pas directement sur le processus historique. Par ailleurs, le Saint Coran ne peut que donner des indications générales concernant ces lois, il n’est pas un livre d’enseignement où tous les détails de l’histoire sont mentionnés, nous l’avons déjà dit, main un Livre d’orientation divine et c’est dans ce cadre qu’il en trace les tendances générales et qu’il en explique les lois. C’est dans la mesure où il met en évidence le processus de changement engagé par le prophète (sawa) qu’il oriente, éclaire et permet la réflexion sur les événements et les conditions de leur déroulement.
En étudiant le Coran, nous nous apercevrons que de nombreux versets affirment que l’histoire est régie par des lois, certains d’une manière générale d’autres en les exposant, en donnant des exemples et d’autres en joignant la théorie globale aux applications historiques. Dans certains versets, le Coran nous interpelle, nous demandant de faire un effort pour comprendre l’histoire et pour réfléchir sur les événements, ce qui constitue en soi un acte de recherche appliqué en science pour y découvrir les lois.
Parmi les versets qui ont abordé cette question d’une manière générale, signalant que l’histoire est régie par des lois et règles, nous pouvons citer :
« A chaque communauté (est fixé) un terme. Lorsque l’échéance arrivera, elle ne pourra ni le retarder ni l’avancer (fût-ce) d’une heure » (Al-A’raf, verset 34).
Le mot ajal, dans ces deux versets, est attribué à la umma (communauté), l’existence collective des gens et non chaque individu pris isolément. Ainsi, au-delà du destin de chaque individu, se dessine un destin collectif à la communauté représentée par des relations et des liens, basés sur un ensemble d’idée et de principe. Il s’agit de la société que le Coran nomme umma. Elle a un destin, une mort, une vie, un mouvement. Tout comme l’individu, la société vit et meurt. Des lois définissent le destin de chaque nation. Ces deux versets affirment donc l’idée générale.
« Nous n’avons détruit aucune cité qui n’ait eu (un terme fixé en) une Ecriture connue. Aucune communauté ne devance son terme, ni ne le retarde » (Al-Hijr, versets 4-5).
Il est évident que dans ce verset, le destin est collectif car les individus ne meurent pad d’habitude tous en même temps, seule la collectivité morale qui les regroupe peut s’éteindre ou s’attendre à une fin proche.
« Ton Seigneur, si clément, est plein de miséricorde. S’Il leur tenait rigueur de leurs méfaits, Il hâterait certes leur châtiment. Mais un rendez-vous leur est fixé auquel ils ne sauraient manquer. Et ces cités dont nous avons fait périr (les habitants), quand ils eurent commis des injustes, en fixant au préalable (l’heure) de leur anéantissement » (Al-Kahf, versets 58-59).
« Si Dieu tirait vengeance des hommes pour les péchés qu »ils commettent, Il ne laisserait à la surface de la terre aucune bête. Mais Il diffère leur châtiment jusqu’au terme prévu. Lorsque ce terme arrivera…En vérité, Dieu observe Ses serviteurs » (Fatir, verset 45).
Dans ces deux versets, le Saint Coran nous fait remarquer que si Allah avait voulu châtier les hommes pour leurs injustices, Il l’aurait fat et aurait tout fait périr. Un problème fut soulevé à propos de la compréhension de ce verset car d’habitude, les gens ne sont pas tous injustes, et notamment les prophètes et les Imams. La destruction englobe-t-elle ces derniers au même titre que les gens ? Certains s’appuyèrent même sur ces versets pour nier l’infaillibilité des prophètes.
En réalité, ces versets visent le châtiment terrestre et non le châtiment céleste, ils indiquent la conséquence naturelle des méfaits commis par une nation et non les actes commis individuellement.
Lorsque les Bani Israël furent égarés en conséquence de leurs méfaits et leurs injustices, l’égarement ne concerna pas seulement les individus injustes, mais il engloba Musa (a.s), le plus pur des gens et le plus courageux à affronter les tyrans car Musa fit partie de cette nation.
Lorsque la souffrance de la calamité furent le lot des Musulmans suite à leurs déviations, Yazid ibn Mu’awiya fut leur calife et s’accapara de leur sang, leur fortune, leur honneur et leur foi, mais cette calamité ne toucha pas seulement les injustes de la société musulmans, elle engloba al-Hussein (a.s), le plus pur et le plus noble, et le plus juste, elle engloba l’Imam infaillible qui fut massacré avec ses compagnons et les membres de sa famille. Il s’agit là de la logique des lois de l’histoire, lorsque le châtiment tombe sur une société, il n’est pas réservé aux injustes. C’est d’ailleurs le sens de cet autre verset :
« Craignez une sédition qui n’atteindra, certes, pas spécialement les injustes et sachez que Dieu est implacable en Son châtiment » (al-Anfal, verset 25).
Seul le châtiment de l’au-delà concerne l’individu en tant que tel. Le châtiment terrestre, lui, s’abat sur une collectivité.
« S’ils avaient pu, ils t’auraient incité à bondonner ce pays pour t’en bannir et ils n’y seraient demeurés que peu de temps après toi, conformément à une tradition de nos messagers envoyés avant toi. Tu ne trouveras aucune variation dans la loi de ton Seigneur » (AL-Isra, versets 76-77).
Ces versets confirment la nation générale, celle d’une loi qui fut appliquée envers les prophètes avant Muhammad (sawa) et qui ne changera pas. Les habitants de la Mecque essayèrent d’en faire sortir le messager d’Allah (sawa) car ils furent impuissants à empêcher le développement du message. Dans ce verset se profile également une autre loi concernent le passage.
« Ils n’y seraient demeurés que peu de temps après toi ». En effet, les habitants de la Mecque ont tellement malmené le vénérable prophète qu’il fut obligé de quitter la Mecque pour Médine. Les Mecquois n’y demeurèrent pas, non pas en tant qu’individus ou en tant que groupe sur lequel s’était abattu un châtiment venant de ciel. Non, nous pensons que ce passage signifie qu’ils ne seraient pas demeurés en tant que collectivité ferme et opposée, que leur position s’effondrerait peu après, car ce message que la société mecquoise n’a pu liquider pourra ébranler le groupe qui s’y était opposé. Et c’est ce qui arriva effectivement.
Le verset : « …Parcourez la terre et méditez la fin de ceux qui (traitaient les prophètes) d’imposteurs » (A-Imran, verset 137) confirme la présence de lois et incite les gens à les découvrir, pour en tirer des leçons.
Dans le verset : « Antérieurement, des envoyés (de Dieu) ont déjà été traités de menteurs. Ils supportèrent patiemment d’être accusés ainsi et d’être persécutés, jusqu’à ce que Notre secours leur vienne. Nul ne peut modifier les paroles de Dieu et tu es déjà au courant d’une partie de l’histoire de ces envoyés » (Al-An’am, 34), Allah le Très Haut raffermit le cœur de Son messager en lui rappelant les expériences précédentes et en lui montrant que la même loi régit l’expérience des prophètes, que la victoire lui sera accordée bien que celle-ci dépende de conditions objectives : la patience et la fermeté. La parole divine ne varie pas, elle concerne la relation entre la victoire et les conditions qui y mènent :
« Or, la manœuvre perfide ne retombe que sur ses auteurs. N’attendent-ils donc rien ‘autre que le sort traditionnel des anciens ? Or, jamais, tu ne trouveras de changement dans la loi de Dieu » (Fatir, 43).
D’autres versets exposent certaines de ces lois :
« Dieu en vérité ne modifie nullement l’état d’un peuple, tant que les individus (qui le composent) ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes » (Ar-Ra’ad, verset 11). Le contenu interne spirituel et moral de l’homme forme la base, l’infrastructure et la situation sociale la superstructure. Cette dernière ne peut changer qu’à condition de changer la base. Il s’agit ici de mettre en relief la relation entre la base et la superstructure, entre d’une part le contenu spirituel, moral et idéologique de l’homme et d’autre part, la situation sociale, entre ce qui est intérieur à l’homme et d’autre part, la situation sociale, entre ce qui est intérieur à l’homme et ce qui lui est extérieur et où l’intérieur agit sur l’extérieur.
Cette loi de l’histoire relie la base à la superstructure :
« Dieu ne modifie en effet un bienfait dont il a gratifié un peuple qu’autant que celui-ci modifie ce qu’il a en lui-même car Dieu entend et sait tout » ( Al-Anfal, verset 53).
« Espérez-vous accéder au paradis sans avoir enduré les épreuves subies par ceux qui vous ont précédés ? Ils furent accablés par la misère, la douleur, ébranlés (par le terreur) au point que le messager et ceux qui avaient cru en lui, s’écrièrent : A quand le secours de Dieu ? L’assistance de Dieu est sûrement proche » (al-Baqara, verset 214).
Ce verset nie que les gens puissent échapper à la loi de l’histoire, entrer au paradis et obtenir la victoire sans vivre ce qu’ont vécu les nations victorieuses. Ces situations de misère et de douleur sont en fait une école véritable pour la communauté, elles sont une épreuve pour sa volonté et sa fermeté afin qu’elle puisse tenir rôle au sein des populations. Il est vrai que la victoire divine est proche mais elle suit un chemin. Le Coran affirme qu’elle n’est ni fortuite ni laissée au hasard, un chemin y mène, il faut le connaître et en connaître la logique pour accéder à la victoire. C’est donc la prise en compte des lois de l’histoire qui permet à l’homme de remporter la victoire.
Dans le verset suivant « Nous n’avons envoyé aucun avertisseur dans une cité sans que ses riches se soient écriés : Nous ne croyons pas (au message) que vous nous apportez ! (et sans qu’ils) aient dit : Nous avons beaucoup de richesses et d’enfants et ne seront point châtiés » (Saba, versets 34-35), est soulignée la relation entre la prophétie et les riches des diverses sociétés. Il s’agit d’une loi de l’histoire, qui souligne la relation entre la prophétie d’une part et les nantis qui refusent de croire de l’autre, dont les rôles sont opposés et conflictuels. Cette relation fait partie d’une vision objective de la société :
« Quand Nous voulons anéantir une cité, nous ordonnons à ses riches (d’obéir à nos prescriptions). Mais ils livrent à la perversion et justifient ainsi la sentence prononcée contre leur cité. Ainsi la saccageons-Nous de fond en comble. Que de générations Nous avons exterminées après Noé !! Suffit que ton Seigneur sache et observe les péchés de Ses serviteurs » (al-Isra, verset 16-17).
Dans ce verset, le Coran souligne la relation entre l’injustice qui domine une société et le périssement auquel elle aboutit. Il s’agit d’une loi absolue à laquelle aucune nation ne peut échapper.
« Si les habitants de (ces) cités avaient cru et craint Dieu Nous aurions répandu sur eux les bénédictions du ciel et de la terre. Mais ils ont traité (les prophètes) d’imposteurs. Nous les avons sanctionnés d’après ce qu’ils se sont acquis » (Al-Araf, verset 96).
Ce verset rapporte la relation entre d’une part la droiture, l’application des lois divines et d’autres part, la disponibilité des biens et de la production ou, en termes modernes, entre la justice de la distribution et l’abondance de la production. Le Coran affirme que la société qui pratique l’équité dans la distribution des biens ne pourra connaître la gêne dans sa production au contraire, elle verra se multiplier les biens et la fortune. Mais les gens ont pensé que l’équité dans la distribution signifiait la pauvreté et le partage d la pauvreté. Ils se sont trompés et durent subirent les conséquences de leurs croyances erronées.
D’autres versets incitent à l’étude des événements historiques en vue de comprendre les lois universelles qui régissent la scène historique.
« Or, n’ont-ils pas parcouru la terre pour voir ce qu’ils est advenu de leurs prédécesseurs ? Dieu les a exterminés. Un sort semblable (est réservé) aux incrédules » (Muhammad, verset 10).
« Que de générations plus redoutable n’avons-Nous pas fait périr avant ceux qui vainement ont cherché à travers les contrées un refuge pour échapper à notre châtiment. En vérité, il y a en cela un rappel pour quiconque a un cœur, prête l’oreille et est témoin » (Qaf, verset 36-37).
Tous les versets cités confirment cette idée centrale, celle de l’existence de lois ordonnant la scène de l’histoire, tout comme il existe des lois pour les autres scènes de l’univers. En cela, le Coran est le premier Livre de l’humanité à avancer cette conception, à la dévoiler et l’illustrer par des exemples. Il réfute et s’oppose à la vision spontanée et même à la vision défaitiste dans l’explication de l’histoire. Il attire l’attention sur le fait que cette scène est soumise à des lois mais pour que l’homme puisse y exercer son influence, il lui faudrait les découvrir, sinon, il perdrait tout contrôle sur sa destinée.
Longtemps après que le Coran en ait parlé, soit huit siècles plus tard, ibn Khaldum tendra d’étudier l’histoire pour en dégager les lois et ce n’est qu’environ quatre siècles plus tard que la pensée européenne s’attela à cette tache, alors que les Musulmans en avaient oublié les principes. La pensée européenne fonda alors plusieurs écoles, l’idéalisme, le matérialisme et d’autres à mi-chemin des deux, afin de définir quelles sont ces lois. Par conséquent, tout cet effort humain est la perpétuation de l’incitation du Coran à réfléchir sur l’histoire pour en découvrir les lois.
Après avoir exposé les versets coraniques qui nous confirment l’existence des lois historiques, nous pouvons dégager trois réalités :
a- la première stipule la permanence de la loi historique. Il s’agit d’une relation de cause à effet objective qui ne se distingue en rien, dans les situations ordinaires, de celles qui régissent la nature ou l’univers. Affirmer sa permanence c’est insister sur son caractère scientifique et de ce fait, rendre le Musulman conscient que le déroulement des événements n’est pas fortuit, qu’il ne doit ni être naïf ni s’abandonner au cours de l’histoire :
« Suivant la loi (établie) par Dieu pour ceux qui (vécurent) antérieurement. Tu ne trouveras aucun changement dans la loi de Dieu » (Al-Ahzab, verset 62).
« Conformément à une tradition (déjà connue) de ceux de nos messagers envoyés avant toi. Tu ne trouveras aucune variation dans la loi de ton Seigneur » (Al-Isra, verset 77).
Ces textes confirment la permanence et la continuité des lois historiques et réfutent l’idée que certains groupes puissent y échapper, comme dans le verset 214 de la sourate al-Baqara, déjà cité. Cette affirmation d’une portée éducative évidence permet à l’homme de se comporter consciemment au fil des événements historiques.
b- la seconde réalité affirme la source divine des lois historiques, ce qui signifie que toute loi est une parole venant d’Allah, Exalté soit-Il ; il s’agit d’une décision divine. Cette affirmation vise à rattacher l’être humain à Allah le Tout-Puissant, même s’il profite des lois objectives de l’univers, à lui faire sentir que le fait de se servir et de profiter des lois qui régissent tout l’univers, y compris celles de l’histoire, ne signifie pas se mettre à l’écart ou à s’isoler d’Allah le Tout-Puissant, car ces lois et décrets font partie de la Volonté divine, ils représentent Sa sagesse et Son organisation.
Certains s’imaginent que cet aspect occulte dont revêt le Coran l’histoire et les lois historiques éloigne le Coran de l’interprétation scientifique et objective de l’histoire et le rapproche plutôt d’une interprétation théologie telle qu’elle s’est manifestée dans la pensée européenne. Mais en réalité, une grande différence sépare l’interprétation coranique et ce qui fut appelé l’interprétation théologique de l’histoire. En effet, dans la seconde, tout événement est relié à Allah le Tout-Puissant et est séparé de son contexte et des autres événements ; cette interprétation met l’accent sur la relation à Allah plutôt qu’avec les autres événements, avec les liens et les implications du contexte historique qui en sont les lois, alors que le Saint Coran n’attribue pas un caractère occulte à tout événement puis isolément, il ne sépare pas le simple fait de son contexte pour le relier au ciel et ne propose pas le lien à Allah à la place des liens de causalité dans las scène historique ;il rattache plutôt la loi historique à Allah, il relie l’ensemble des relations à Sa volonté. Il admet les liens et les relations entre les événements eux-mêmes tout en ajoutant qu’ils sont en réalité l’expression de la sagesse divine. Pour plus de clarté, prenons pour exemple le phénomène de la plue, qui est un phénomène naturel. D’aucuns pourraient prétendre que la pluie est tombée parce qu’Allah le Tout Puissant l’a voulu, ils remplacent les causes naturelles par la volonté divine comme si la pluie est un phénomène isolé de l’environnement et uniquement rattaché à Allah le Très Haut.
Cette interprétation ne peut se valoir d’être scientifique. Mais si le phénomène de la pluie est expliqué par ses causes naturelles, en tant que faisant partie du cycle de l’eau, allant de l’évaporation jusqu’à la chute, nous mettons en valeur les liens de causalité naturelle, les lois, et les relations entre ces phénomènes qui sont l’expression de la sagesse et de l’organisation divine de l’univers. Cette interprétation n’est pas en contraction avec l’explication scientifique et objective du phénomène de la pluie, mais elle la complète en la plaçant dans une dimension divine.
C’est en cela lorsque le Saint Coran revêt la loi historique du caractère divin, il insiste plutôt sur le fait que ses lois n’échappent pas au Pouvoir divin, au contraire, elles, elles l’affirment et en sont la manifestation, son propos étant de maintenir vivants les lien entre le science et le foi. De plus, l’insistance du Saint Coran à affirmer le caractère objectif des lois historiques l’entraîne à soumettre même l’assistance divine à ces lois, l’assistance divine à travers le Texte, celle qui permet de comprendre Texte, tout est soumis à la loi de l’histoire et est conditionné par des attitudes déterminées.
Dans ce verset : « Ne vous suffit-il que votre Seigneur vous assiste de trois mille de Ses anges descendus (en renfort) ? Mais oui, si vous êtes persévérants et si vous craignez Dieu et qu’ils vous assaillent ingénieusement, votre Seigneur vous assistera de cinq mille de ses anges portant des marques distinctives. Dieu n’a fait cela qu’à titre h’heureuse nouvelle à votre intention, pour tranquilliser vos cœurs, car la victoire ne (peut) venir que de Dieu, le Tout Puissant, le Tout Sage » (Al-An’am, versets 124-126).
L’assistance divine dépend aussi des conditions objectives et des lois de l’histoire.
c- La troisième réalité soulignée par le Coran concerne le libre choix et la volonté humaine. L’insistance sur cette réalité dans le cadre de l’exposé des lois historiques revêt une importance de taille car l’étude des lois historiques fut accompagnée, chez de nombreux chercheurs, par l’illusion d’une contradiction entre la liberté humaine et l’existence de lois historiques.
L’insistance du Saint Coran sur le libre choix de l’être humain repousse cette illusion. C’est la raison pour laquelle Allah le Très Haut affirmé que le pivot de l’enchaînement des événements demeure la volonté humaine.
Dans les versets 11 de la sourate Ar-Ra’d, dans « S’ils s’étaient redressés et (confirmés) dans la vois droite, Nous les aurions gratifiés d’une eau abondante » (Al-jinn, verset 16) et « Et ces cités dont nous avons fait périr ( les habitants) de leur anéantissement » (Al-Kahf, verset 59), les lois historiques ne se situent pas en dehors de l’activité humaine ; dans chacun de ces versets, la volonté humaine est en exercice et détermine la suite des événements. Le libre choix de l’homme tient une place primordiale dans le cours des événements et confirme sa responsabilité.
Le champ d’application des lois historiques
Peut-on affirmer que tous les événements auxquels s’intéressent les historiens dépendent des lois de l’histoire, ou qu’ils sont déterminés par des liens de causalité tels que le sont les phénomènes naturels ?
Il est évident qu’une partie des événements ne sont pas concernés par le champ d’application des lois historiques mais dépendent plutôt des lois physiologique ou naturelles, tels la mort d’Abu Talib ou celle de Khadîdja à un moment déterminé, qui sont cependant des faits historiques importants.
La longévité du troisième calife, Ousmane ibn Affan, par exemple, est un fait historique important, elle eut des conséquences vitales sur le déroulement des événements car s’il était mort avant la révolte, l’Imam Ali ibn Abi Talib aurait accédé au califat sans que cela ne suscite des contradictions ou des troubles ; l’histoire de l’Islam aurait pu alors se dérouler autrement. Bien qu’il s’agisse d’un phénomène important pour le déroulement de l’histoire, cet aspect naturel concernant la vie du troisième calife n’est pas soumis aux lois historiques mais aux lois naturelles et physiologiques. Par contre, l’attitude de Ousmane ibn Affan et ses comportements sociaux rentrent dans le cadre des lois historiques. Ce qui nous amène à dire que les lois de l’histoire ne régissent pas toute la scène historique, elles régissent un domaine précis qui se distingue des autres par plusieurs traits.
a) Les phénomènes qui en font partie sont différemment reliés les uns aux autres. Les phénomènes naturels sont reliés par des causes externes, le résultat est la suite des prémisses, l’ébullition de l’eau est un phénomène naturel lié à une température déterminée. Quant aux phénomènes de la scène historique, leur relation est tout autre, il s’agit d’une relation du phénomène au but, une relation d’activité en vue d’un but ou ce que les philosophes nomment cause finale pour la distinguer de cause efficiente.
L’ébullition de l’eau est rattachée à une cause passée mais non à une finalité ou un but tant qu’elle ne devient pas acte humain, tandis que l’action humaine porte non seulement une relation avec la cause, avec le passé mais avec un but à venir, un but vers lequel l’homme tend. La relation est établie avec l’avenir et non avec le passé.
La relation par laquelle se distingue donc l’action historique, régie par les lois de l’histoire, est une relation au but ; l’action est rattachée à une cause finale, que la finalité soit juste ou non, mauvaise, pure ou impure ; il s’agit en tout cas d’une action dont la finalité exerce, par sa présence mentale, une influence sur elle.
L’avenir ou le but qui constitue la finalité de l’activité influe sur son déroulement et son élaboration à travers sa représentation mentale et dans certaines conditions. Ce trait distinct ne se retrouve pas dans les autres scènes de l’univers. L’application d’une relation entre l’acte et sa finalité, l’apparition de la cause finale, le fait que cet acte soit tourné vers l’avenir et que l’avenir soit le moteur de l’acte parce que conçu mentalement, tout ceci constitue un trait qualitatif des phénomènes faisant partie du domaine régi par les lois de l’histoire.
Il faut cependant remarquer que tout acte à finalité n’est pas nécessairement un acte historique, il devrait auparavant se prévaloir d’une troisième dimension qui s’ajoute à la cause et la finalité. L’acte devrait être exécuté sur un terrain plus large que celui de l’individu, la société par exemple. L’acte devrait faire des vagues au sein d’un groupe, même restreint. L’acte ne peut donc être historique que si ses vagues dépassent l’individu lui-même. Ce dernier peut manger, boire dormir, tous ses actes ayant une cause et une finalité mais tant qu’ils ne dépassent pas le cadre de sa propre personne, ils ne peuvent être considérés comme historiques.
Par contre, le commençant, le militaire, le politique ou l’intellectuel, lorsqu’ils s’agissent en tant que tels, exercent une influence certaine sur leur entourage et leur société. En d’autres termes, la société constitue la cause matérielle, l’assise de l’action et dans ce cas, cette dernière devient un acte historique, exécuté pour la nation ou la société, même si l’acteur n’est, dans la plupart des cas, qu’un individu ; mais étant donné l’écho qu’il suscite, l’acte est approprié par la société. L’acte historique régi par les lois de l’histoire est, de ce fait, celui qui est porteur d’une cause et d’une finalité et dont l’assise dépasse celle de l’individu.
Le Saint Coran établit une distinction entre l’acte individuel et celui de la société, il distingue entre le registre des actes de l’individu et celui des actes de la nation. L’acte qui s’inscrit dans deux dimensions fait partie du registre individuel alors que celui qui s’inscrit dans les trois dimensions fait partie du registre collectif et du registre individuel à la fois. Le verset suivant confirme notre propos :
« Tu verras alors chaque communauté agenouillée. Chaque communauté sera appelée devant son livre. En se jour, vous serez rétribués pour ce que vous aurez fait. Voilà votre livre ! En toute vérité, il se prononcera contre vous, car Nous avons enregistré tous vos actes » (Al-Jathiya, versets 28-29).
Le Saint Coran indique un livre pour la communauté agenouillée entre les mains de son Seigneur où Il a inscrit ses activités et son comportement en tant que communauté.
Dans un autre verset, le Très Haut rappelle : « Nous avons assigné à chaque homme son lot. Le jour de la résurrection, Nous exhiberons à son intention un écrit qu’il trouvera déroulé (et il lui sera ordonné) : lis ton écrit ! Il te suffit d’être ton propre comptable, aujourd’hui » (Al-Isra, versets 13-14). Ici, la situation est différente. Tout individu est rattaché à son livre, dans lequel sont inscrits tous ses actes, petits ou grand, bons ou mauvais, même ceux qu’il cherche à oublier ou à cacher à son entourage.
La distinction établie par le Coran entre le livre de l’individu et celui de la communauté est une autre expression de ce que nous avons avancé, sur le fait que l’acte historique à trois dimensions est inscrit dans le registre de la communauté. D’autre part, non seulement le Coran distingue entre les deux livres, mais il distingue également entre deux convocations, celle de l’individu et celle de la communauté. Dans la première, l’individu se présente seul, sans appui ni secours, ne possédant rien pouvant l’aider mis à part sa bonne action, son cœur limpide et sa foi en Allah, en Ses anges, en Ses prophètes et en Ses livres :
« En vérité, tous ceux qui sont dans les cieux et sur la terre viennent vers le Tout Miséricordieux en serviteurs. Il les dénombrés et bel et bien comptés. Chacun d’eux viendra seul vers Lui, le jour de la résurrection » (Mariam, versets 93-95).
Il y a aussi la convocation de la communauté, lorsque les relations qui y sont établies sont remises à leur juste place, car il est fort probable que les relations aient été basés sur l’injustice. C’est ce que le Coran nomme Taghabun : tout individu ayant été dupé dans sa situation au sein de la communauté retrouvera sa place et à la mesure de la duperie dont il fut victime, il rétablira son droit le jour où seul le vrai triomphera. C’est donc l’acte à trois dimensions, celui qui a une cause, une finalité et dont l’assise est formé par la société qui est l’objet des lois historiques.
Cependant, il ne faudrait pas s’imaginer, comme bon nombre de philosophes européens, que la société est un être géant ayant une existence organique séparée des individus qui la formant ou que les individus ne sont que des cellules minuscules dans ce grand ensemble.
Dans cette représentation hégélienne, un seul être organique immense existe, il regroupe en son sein tous les individus qui ne peuvent être que l’expression de sa créativité, de sa pensée et de son aptitude. Nous ne pouvons souscrire à une telle représentation et nous n’en avons pas besoin pour distinguer entre acte individuel et acte communautaire.
Près avoir éclairci la champ ‘application des lois historiques, nous pouvons aborder à présent les différentes formes qu’elles prennent. Dans le Coran, la loi historique se présente sous trois formes.
Les formes des lois historiques
La première et celle de la proposition conditionnelle. La loi historique est représentée par une condition reliant deux événements ou deux séries d’événements, elle énonce une relation objective entre la condition et la sanction. Nous retrouvons cette forme dans de nombreuses lois naturelles.
Concernant l’ébullition de l’eau, par exemple, elle n’a lieu que s l’eau atteint une température donnée. Elle ne nous énonce pas autre chose, que l’eau va ou ne va pas être réchauffée, que la température va ou ne va pas s’élever à un degré déterminé. Elle nous annonce tout simplement qu’il y a une relation conditionnelle entre deux phénomènes.
Ce genre de lois représente un grand soutien pour l’être humain dans sa vie ordinaire et joue un rôle d’orientation évident. C’est en les connaissant que l’individu peut se décider à agir, en fonction de la sanction qu’il espère ou veut éviter.
C’est ainsi que se manifeste la sagesse du Tout Puissant qui a conçu l’ordre de l’univers sous la forme de lois, de relations et de décrets fixes. Ceci permet à l’être humain de s’orienter, de connaître les moyennes qu’il doit utiliser pour agir au sein de son environnement et satisfaire ses besoins.
De nombreux versets du Saint Coran ont énoncé les lois historiques sous forme de positions conditionnelles, reliant deux phénomènes : si le premier existe, le second se réalise, comme dans le verset 11 de la sourate Ar-Ra’d.
Pour le Coran, une relation conditionnelle est établie entre deux changements : celui du contenu interne de l’être humain et celui de la réalité extérieure de l’humanité. Si le premier opère un changement à l’intérieur des membres de la communauté, un changement surviendra à la communauté dans son ensemble. Le verset 16 de al sourate Al Djinn énonce la loi qui établit une relation conditionnelle entre la justice de la répartition et l’abondance des biens.
S’il y a une répartition équitable, les biens seront abondants.
La deuxième forme de loi historique est présentée sous la forme d’une question effective et bien établie. Nous retrouvons également cette forme dans les lois naturelles de l’univers. Lorsque l’astronome qu’une éclipse du soleil ou de la lune aura lieu te ou tel jour, il le prédit à la lumière de ses connaissances scientifiques, il ne peut rien y changer car l’éclipse aura la base de connaissances scientifiques indiscutables. C’est cette forme de lois historiques et de la liberté humaine, la présence des premières devenant incompatible avec la seconde. Cette mésinterprétation amena à considérer que l’homme jouait uniquement un rôle passif dans le déroulement de l’histoire que le libre choix de l’individu est également soumis aux lois historiques tandis qu’à l’opposé, certains ont sacrifié la notion de lois historiques pour clamer l’absolue liberté de la volonté humaine.
Ces différentes explications sont erronées car elles s’appuient sur le principes d‘une contradiction fondamentale entre la loi historique et le libre choix humain, étant donné que la deuxième forme que prend cette loi est celle du fait établi et indiscutable. Cependant, cette forme n’et pas la seule, les lois historiques ne partent pas du fait que tous les faits arrivent irrémédiablement, quoique fasse l’homme. Certaines lois historiques, qui prennent la forme conditionnelle, sont précisément basées sur la volonté humaine. Le choix humain représente la condition de l’événement, son déroulement dépend de la volonté et de la créativité humaines. Cette forme de loi insiste plutôt sur le libre choix, elle en clarifie les conséquences pour permettre à l’individu de suivre la voie qu’il souhaite.
La troisième forme de lois historiques tient une grande place dans le Saint Coran et est illustrée par la tendance naturelle du mouvement historique et non pas un décret fixe. Essayons d’expliquer la différence entre les deux notions à partir de l’idée que nous nous faisons des lois.
La lois scientifique est une loi que nous ne pouvons contrecarrer, il s’agit d’une loi de l’univers que l’être humain ne peut défier et à laquelle il ne peut échapper. Elle est différente de l’obligation de la prière, par exemple, celle-ci étant une prescription légale et non une loi constitutive, alors que l’ébullition de l’eau se réalise lorsque les conditions sont réunies, quoique veuille l’homme. Cette conception des lois est juste jusqu’à un certain point car il n’est pas nécessaire que toute loi naturelle soit aussi stricte et refuse d’être contrecarrée.
On observe des tendances objectives dans le mouvement de l’histoire et le déroulement de la vie humaine, elles sont plus ou moins malléables au point d’accepter le défi, mais un défi à court terme.
On ne peut retarder l’insistant de l’ébullition mais nous pouvons geler pour quelques moments les tendances du déroulement de l’histoire. Il est vrai que ces tendances acceptent le défi mais elles brisent celui qui lance un défi aux lois mêmes de l’histoire. Certaines choses peuvent être défiées sans que cela entraîne l’anéantissement, d’autres si. Il s’agit de la nature même des tendances objectives du mouvement de l’histoire. Pour clarifier notre propos, nous dirons qu’une tendance objective régit les relations entre hommes et femmes dans la société humaine. Il ne s’agit pas d’une tendance législative, ni d’une simple loi ou d’un jugement légal mais d’une tendance constitutive de la nature humaine, en vue de préserver l’espèce. Il s’agit d’une loi mais sous forme de tendance et non sous forme d’ordonnance. Pourquoi ? Parce que le défi à cette loi est possible, pour une courte période. La communauté de Loth a pu défier cette loi, mais ce défi entraîna son anéantissement, la société qui défie cette loi prépare sa propre destruction. Il s’agit donc d’une tendance objective qui supporte un défi limité dans le temps. S’il se mai, tenait, il entraînerait la fin de son auteur.
La tendance à répartir les domaines entre l’homme et la femme est une tendance objective et non résultat d’une quelconque décision législative. Elle fait partie de la constitution de l’homme et de la femme. Cette tendance peut être défiée, il est possible de promulguer des lois imposantes des taches à l’un et à l’autre allant à l’encontre de leurs domaines respectifs. Mais ce défi ne peut persister car les lois de l’histoire riposteront, l’homme et la femme perdront leurs aptitudes naturelles respectives et l’édifice risque de s’écrouler. Il s’agit là aussi de lois ayant la forme de tendances pouvant accepter les défis à court terme mais dont les réactions sont inéluctables.
Le Saint Coran nous expose cette forme de loi dans son expression la plus claire, la religion. Pour le Coran, la religion est une loi objective de l’histoire, et non seulement une législation et c’et la raison pour laquelle il la présente sous deux formes : en tant que législation et en tant que volonté législative :
« Il vous a ouvert, en matière de religion, une voie qu’Il avait recommandée à Noé, celle même que nous t’avons révélée, celle que nous avons recommandée à Abraham, à Moise, à Jésus :acquittez-vous du culte (à rendre à Dieu) et n’en faites pas division » (Ash-Shura, verset 13). Ici, la religion est législation, décision, ordre d’Allah, Exalté soit-Il. Mais dans ce verset :
« Lève la tête, en monothéiste sincère pour (professer) la religion, selon la nature que Dieu a originellement donnée aux hommes- pas de modification dans la création de Dieu ; voilà la religion dans sa rectitude, mais la plupart des hommes ne savent pas » (Ar-Rum, 30), la religion réside dans la nature originelle des êtres humains.
La religion n’et pas un fait de civilisation que nous pouvons professer ou bondonner au fil du temps, sinon elle ne serait pas dans la nature originelle. C’est en cela que la religion est une loi pour l’homme.
Il s’agit bien d’une loi qui ne prend pas toutefois la forme de celle de l’ébullition, elle peut être contrecarrée pendant un certain laps de temps, en professant l’athéisme, comme on peut fermer les yeux pour ne pas voir le soleil. Mais ce défi est suivi d’un châtiment, différent de celui que subit le contrevenant aux législations, divines ou terrestres, il est défini par les lois historiques sur toute communauté ou nation voulant transformer la créature d’Allah le Tout Puisant :
« Ils te demanderons de hâter le châtiment. Or, Dieu ne manque jamais à sa promesse et un jour, auprès de ton Seigneur, équivaut à mille ans selon vos comptes » (Al-Hajj, verset 47).
Ainsi, si l’homme se mettait à défier ou à contrecarrer les lois historiques qui prennent l’aspect de tendances, il subira assez rapidement le châtiment de ces lois mêmes.
La rapidité ne renvoie pas cependant à notre vie actuelle mais à ce dont parle le Coran dans le verset précédent. Lorsque les incroyants défient le prophète (sawa) et lui demandent au sujet du châtiment qu’ils devraient subir, le Saint Coran répond que le châtiment viendra, car Allah le Très Haut tient ses promesses et un jour pour Lui équivaut à mille ans de ce monde.
C’est ainsi que les lois historiques sous leur troisième forme sont des tendances objectives qui admettent d’être contrecarrée à court terme, celui-ci renvoyant également à la nation de durée dans le Saint Coran.
La religion est l’expression la plus évidente de cette troisième forme, elle est une loi avant d’être une législation, elle est un besoin fondamental de l’homme tout comme l’est la loi de la reproduction de l’espèce.
Par Sayyed Muhammad Baqer Sadr