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La Polygamie

  LA POLYGAMIE

La monogamie est la forme la plus naturelle de la vie conjugale. Dans ce système prévaut l'esprit de la possession individuelle et privée -bien que cette sorte de possession diffère de celle de la fortune ou de la propriété matérielle-. Chacun des deux conjoints considère les sentiments et les désirs sexuels de l'autre comme étant sa propriété particulière exclusive.

A l'opposé de la monogamie, il y a la polygamie et le communisme sexuel, ce dernier étant aussi considéré comme une sorte de polygamie.

Le communisme sexuel

Le communisme sexuel signifie qu'il n'y a pas d'exclusivité. Selon cette théorie, aucun homme ne doit appartenir exclusivement à une femme en particulier, ni aucune femme exclusivement à un homme donné. Il équivaut à la négation totale de la famille. L'histoire et les théories relatives aux époques préhistoriques, ne mentionnent aucune période pendant laquelle ait régné un communisme sexuel et une absence totale de vie familiale. Ce que certains ont appelé communisme sexuel, qu'ils ont prétendu avoir prévalu chez certaines populations primitives sauvages, n'était en réalité qu'une étape intermédiaire entre la vie familiale et le communisme sexuel. On dit qu'il arrivait que, parmi certaines tribus sauvages, un nombre de frères épousent collectivement un nombre de surs, et qu'un groupe d'hommes d'une population épousent collectivement un groupe de femmes d'une autre population.

 Dans son livre, "Histoire des Civilisations" (vol.I) Will Durant écrit : «Dans certaines régions du monde, le mariage était collectif. (...) Au Tibet, par exemple, la coutume qui prévalait consistait en ceci qu'un certain nombre de frères se mariaient avec un nombre égal de surs, sans qu'aucune de celles-ci ne soit la femme exclusive de l'un de ceux-là. Ils vivaient tous dans une sorte de collectivisme où chaque homme pouvait coucher avec n'importe quelle femme. César, l'empereur de Rome fit état de l'existence d'une coutume similaire chez les anciens Anglais. La coutume qui voulait qu'un homme se mariât avec la femme de son frère défunt, et qui était répandue chez les Juifs et certains peuples anciens, constitue l'un des vestiges de ces coutumes.»

L'opinion de Platon

Il paraît que lors de l'énonciation de sa théorie de "Philosophes-Gouvernants", Platon suggéra dans son livre "La République" que cette classe mène une vie familiale commune ou socialiste. Beaucoup de dirigeants communistes du XIXe siècle aussi ont fait une suggestion similaire, mais comme le rapporte l'auteur du livre "Freud et la prohibition du mariage consanguin", après une amère expérience, certains grands pays communistes ont reconnu officiellement la loi de la monogamie en 1938.

La Polyandrie

L'autre forme de la polygamie est la polyandrie, c'est-à-dire, le fait qu'une femme a plus d'un mari à la fois. Selon Will Durant, cette coutume est répandue parmi certaines tribus du Tibet.

Dans son célèbre corpus de Traditions « Sahîh », al-Bukhârî rapporte que Ayechah a dit que, parmi les Arabes de l'époque pré-islamique, il y avai plusieurs sortes de relationconjugales. L'une d'elles, était celle du mariage pratiqué actuellement. Dans ce type de mariage, un homme demandait la main d'une fille à son père et se mariait avec elle après avoir fixé la dot. Les enfants nés d'un tel mariage ne laissaient place à aucune controverse quant à l'identité de leur père. Il y avait une autre sorte de mariage appelé "Istibdhâ'", dans lequel, un mari désirant avoir une meilleure qualité de progéniture, choisissait un homme donné et demandait à sa femme d'avoir des rapports sexuels avec lui pendant une période déterminée, et s'écartait lui-même d'elle pendant cette période et ce jusqu'à ce qu'elle tombe enceinte. C'était un mariage dans le mariage, et il avait pour but l'amélioration de la lignée. Selon une autre coutume, un groupe inférieur à dix hommes établissait une liaison avec une femme donnée. Lorsqu'elle tombait enceinte et mettait l'enfant au monde elle les convoquait tous, et aucun d'eux ne pouvait, selon la coutume de l'époque, décliner sa convocation. Elle choisissait alors l'un d'entre eux pour devenir le père de son fils, et il le devenait officiellement et légalement, car il n'avait aucune possibilité de refuser d'assumer la responsabilité de sa paternité.

La quatrième sorte de relation conjugale était appelée "prostitution". Les prostituées plaçaient un drapeau au-dessus de leurs maisons pour se faire connaître et pour faire connaître leurs marques distinctives. N'importe quel homme pouvait avoir accès à elles. Si l'une d'elles mettait un enfant au monde, elle faisait venir tous ceux qui avaient eu des rapports sexuels avec elle, et, avec le concours d'un physionomiste, elle déterminait le père de son enfant. L'homme qui avait été désigné par le physionomiste devait accepter la décision de ce dernier et la paternité de l'enfant.

Telles étaient les différentes sortes de relations conjugales qui prévalaient en Arabie pré-islamique. Le Prophète les a toutes abolies, à l'exception de celle qui se pratique aujourd'hui.

Cela montre que la coutume de la polyandrie existait aussi chez les Arabes de l'époque pré-islamique.

Montesquieu écrit dans son livre "L'Esprit des Lois" que le globe-trotter arabe Abû Dhahîr al-Hassan avait découvert l'existence de cette coutume (la polyandrie) en Inde et en Chine pendant son voyage dans ces pays au IXe siècle, et l'avait considérée comme une sorte de débauche. Il écrit aussi : «Sur les côtes de Malabar vit une tribu dénommée Nâïr, dans laquelle l'homme n'a pas le droit de se marier avec plus d'une femme, alors que l'on autorise les femmes à se marier avec plusieurs hommes à la fois. La raison de cette coutume est probablement que les Nâïr appartiennent à une race de guerriers dont la profession est le combat et la chasse. Tout comme nous décourageons, en Europe, le mariage des soldats, afin que leurs femmes ne constituent pas un obstacle devant leur départ pour la guerre, les tribus de Malabar avaient décidé qu'autant que possible les membres mâles de la tribu de Nâïr seraient dispensés des responsabilités familiales. Et, étant donné qu'à cause du climat tropi- cal de la région il n'était pas possible de bannir tota- lement le mariage, on avait décidé que plusieurs hommes s'occuperaient d'une seule femme pour qu'ils ne soient pas surchargés de responsabilités familiales et que leur efficacité professionnelle n'en pâtisse pas.»

Les défauts de la polyandrie

Le défaut principal et fondamental du système de la polyandrie est le fait que la paternité des enfants demeure pratiquement incertaine. Dans ce système, les relations entre l'enfant et le père sont indéterminées, de là son échec. Etant donné que le collectivisme sexuel n'a réussi à prendre racine nulle part, ce système n'a été accepté lui non plus par aucune société digne de ce nom. Comme nous l'avons dit précédemment, la vie familiale, l'édification d'un foyer pour la génération future, et la liaison définie entre les générations passées et futures sont quelques-uns des besoins de l'instinct humain. Les cas exceptionnels de la pluralité de maris chez certaines populations humaines ne prouvent pas que le désir de l'individu de former sa propre famille ne soit pas un instinct humain. D'une façon similaire, le célibat perpétuel et l'abstinence totale de toute vie familiale, tels qu'ils sont pratiqués par un certain nombre d'hommes et femmes, ne constituent pas une preuve de la déviation de toute l'humanité ou de sa tendance à renoncer à la vie conjugale et familiale. La polyandrie n'est pas seulement incompatible avec la nature monopolisatrice de l'homme et son amour paternel envers ses enfants, mais elle est opposée à la nature de la femme aussi. Les recherches psychologiques ont démontré que la femme veut la monogamie plus que l'homme.

La Polygamie II

L'autre forme de la polygamie(11) est la pluralité des épouses. Elle a été plus courante et pratiquée avec plus de succès que la polyandrie ou le collectivisme sexuel. Elle ne prévalait pas seulement chez les tribus sauvages, mais chez beaucoup de peuples civilisés. Outre les Arabes, les Juifs, les Iraniens de l'époque Sassanide et beaucoup d'autres la pratiquèrent aussi. Montesquieu écrit qu'en Malaisie, il était permis à l'homme d'avoir trois femmes. Il écrit aussi que l'Empereur Romain Valentinien II autorisa, par un édit, les sujets de l'Empire à se marier avec plusieurs femmes, mais étant donné que cette loi ne s'accommodait pas avec le climat européen, elle fut bannie par les autres empereurs romains, tels que Théodore, etc.

L'Islam et la Polygamie

A la différence de ce qu'il a fait avec la polyandrie, l'Islam n'a pas aboli totalement la polygamie, mais il y a mis des restrictions. Ainsi, d'une part, il a fixé à quatre le nombre maximum de femmes avec lesquelles un homme pourrait se marier, et d'autre part, il a posé certaines conditions et imposé certaines exigences à quiconque se propose de se marier avec plus d'une femme, de telle sorte que se marier avec plusieurs femmes n'est pas donné à n'importe qui ni, n'importe comment. Nous traiterons de ces conditions plus loin, et nous expliquerons pourquoi l'Islam n'a pas banni totalement la polygamie.

Il est surprenant qu'au Moyen Age, alors que la propagande anti-musulmane était à son paroxysme, les détracteurs de l'Islam aient dit que c'était le Prophète qui avait inventé pour la première fois la coutume de la polygamie. Ils prétendaient que cette coutume était le fondement de l'Islam et la cause principale de sa propagation rapide parmi les différents peuples du monde. En même temps, ils alléguaient que la cause du déclin des peuples orientaux était la polygamie.

Dans son livre "Histoire des Civilisations" (Vol.I) Will Durant écrit : «Les hommes du Clergé du Moyen Age croyaient à tort que la polygamie était une invention du Prophète de l'Islam. Comme nous le savons, la vie matrimoniale de la plupart des sociétés primitives était marquée par la polygamie. Il y a plusieurs causes à son apparition. Dans les sociétés primitives, les hommes étaient pour la plupart occupés à la chasse ou au combat, et le niveau de la mortalité était évidemment très haut parmi eux. Et, étant donné que le nombre de femmes excédait en conséquence celui des hommes, il était inévitable d'adopter ce système. Il n'était pas possible de laisser un grand nombre de femmes dans un état de célibat, car le taux de mortalité étant très élevé dans les sociétés primitives, il fallait que toutes les femmes procréent. Il ne fait pas de doute que ce système s'adaptait à ces sociétés non seulement à cause de l'excédent du nombre de femmes par rapport à celui des hommes, mais aussi parce qu'il renforçait numériquement les hommes. A l'époque moderne, les hommes les plus forts et jouissant d'une très bonne santé se marient habituellement tard et engendrent peu d'enfants. Tandis que dans le passé, les hommes solides pouvaient avoir les meilleures femmes et faire beaucoup d'enfants. C'est pourquoi cette pratique a continué à exister pendant très longtemps, non seulement parmi les peuples primitifs, mais même parmi les peuples civilisés. Ce n'est que récemment qu'elle a commencé à disparaître graduellement dans les pays orientaux. L'agriculture a stabilisé la vie des hommes et réduit les difficultés et les périls des époques anciennes, entraînant l'égalisation approximative du nombre des hommes et des femmes. Maintenant, la polygamie, même dans les sociétés primitives ou sous-développées, est devenue le privilège d'une petite minorité de riches, alors que chez les grandes masses, l'homme doit se contenter d'une seule femme, et peut s'adonner à l'adultère, lorsque cela est possible, pour avoir un peu plus de jouissance.»

Dans son livre "L'Histoire de la Culture", Gustave Le Bon écrit : «Aucune coutume orientale n'a été diffamée par les Européens autant que la polygamie, et ces derniers ne se sont jamais trompés dans leur jugement autant qu'ils ont mal jugé cette coutume. En effet, les écrivains européens ont considéré la polygamie comme étant la base de la religion musulmane et la cause principale et de la propagation de l'Islam et du sous-développement des peuples musulmans. De plus, ils se sont apitoyés sur le sort des femmes musulmanes. Ils disent, entre-autres, à ce propos, que ces femmes malheureuses sont emprisonnées entre les quatre murs de leurs maisons et à la merci de leurs eunuques, et que le moindre comportement de leur part qui déplairait au maître de la maison pourrait les conduire à une mort sévère. Mais de telles allégations n'ont aucun fondement. Si les lecteurs européens de ce livre se détachent, serait-ce l'espace d'un moment, de leurs préjugés européens, ils comprendront que la polygamie a consolidé les relations familiales et rehaussé la moralité des peuples où cette coutume était répandue. C'est grâce à cette coutume que la femme en Orient a droit à plus de respect qu'en Europe. Avant de démontrer ce point, nous devons bien préciser que cette coutume n'est d'aucune façon une création de l'Islam. Elle était pratiquée bien avant l'Islam par tous les peuples orientaux, y compris les Juifs, les Iraniens, etc. Les peuples qui ont embrassé l'Islam en Orient n'ont aucunement appris la polygamie par l'Islam. De même, aucune des religions qui sont apparues jusqu'à maintenant dans le monde ne semble avoir la capacité de créer ni d'abolir une telle coutume qui est le pur produit du climat oriental et des caractéristiques raciales des peuples orientaux, ainsi que d'autres facteurs intimement liés au mode de vie de l'Orient. La  polygamie n'a rien à voir avec la religion. Et bien que le climat, l'eau et l'air de l'Occident ne soient pas particulièrement propices à l'apparition d'une telle coutume, la monogamie n'a d'existence réelle que dans les livres de codes civils. Dans la vie réelle, elle n'a pas de traces. On ne sait pas comment et de quelle façon la polygamie légale qu'on voit en Orient est inférieure à la polygamie clandestine des peuples occidentaux. Il semble même que la première soit plus digne et plus convenable que la seconde sur tous les plans. Lorsque les Orientaux se rendent dans un pays européen et y voient ce qui se passe et ce qui se pratique, ils s'étonnent de la critique européenne de leur coutume et se sentent offensés...»

Il est certain que l'Islam n'a pas inventé la poly- gamie. Tout ce qu'il a fait, c'est d'y mettre des restrictions. Il lui a prescrit des limites maximales. Il a posé des conditions pour la pratique de la polygamie, laquelle existait chez la plupart des peuples qui ont embrassé l'Islam. Ces peuples ont été seulement contraints de se conformer aux conditions qu'il a posées à sa pratique.

Christenson écrit dans son livre : "L'Iran à l'Epoque Sassanide" : «La polygamie était considérée comme la base de la famille. Le nombre de femmes qu'un homme pouvait avoir dépendait pratiquement de ses moyens. Les gens pauvres n'étaient pas à même d'avoir plus d'une femme en règle générale. Le chef de la famille avait, en tant que tel, des droits spéciaux. L'une des épouses était considérée comme la favorite, et jouissait de pleins droits. D'autres femmes étaient traitées en simples servantes. Les droits légaux de ces deux catégories d'épouses étaient largement différents. Les filles esclaves étaient inclues parmi les femmes servantes. On ne sait pas combien de favorites un seul homme pouvait avoir. Mais d'après les comptes rendus des tribunaux, il y avait des hommes qui avaient plus d'une favorite. Chacune de ces favorites portait le titre de "la maîtresse de la maison", et possédait une maison indépendante. Le mari avait l'obligation, pendant toute sa vie, de pourvoir aux dépenses de sa favorite et de prendre soin d'elle. Chaque fils [de la favorite] jusqu'à l'âge de la puberté, et chaque fille jusqu'à l'âge du mariage, jouissaient de ces mêmes droits. Quant aux épouses de la catégorie des servantes, seuls leurs fils (et non leurs filles) avaient le droit de vivre à la charge de leur père.»

Saîd Nafîcî écrit, dans son "Histoire sociale de l'Iran depuis la chute des Sassanides jusqu'à la chute des Omayyades" : «Le nombre de femmes avec lesquelles un homme pouvait se marier était illimité, et d'après les documents grecs, il y avait parfois plusieurs centaines de femmes dans la maison d'un homme».

Citant un historien romain, Montesquieu écrit : «Beaucoup de philosophes romains, qui étaient persécutés par les Chrétiens pour leur refus d'embrasser le Christianisme, s'enfuirent de Rome et se réfugièrent chez le Roi iranien Khosrow Parwiz. Là ils furent surpris de voir que non seulement la polygamie était légale dans ce pays, mais que les hommes iraniens avaient aussi des liaisons avec les femmes des autres.»

Il est à préciser que lesdits philosophes romains s'étaient réfugiés en fait au palais du Roi perse Anûchirwân, et non Khosrow Parwiz, comme l'a écrit Montesquieu, à cause d'une méprise sans doute.

Pendant l'ère pré-islamique, les Arabes pouvaient avoir un nombre illimité de femmes. C'est l'Islam qui en a limité le nombre maximum. Cela a créé évidemment des problèmes pour ceux qui avaient jusqu'à dix femmes et qui, en embrassant l'Islam, étaient contraints de se séparer de six d'entre elles.

Il ressort clairement de ce qui précède que la polygamie n'est nullement une invention de l'Islam. L'Islam n'a fait que la restreindre. En tout cas, il ne l'a pas abolie totalement. Dans les chapitres suivants, nous discuterons des causes des facteurs qui ont concouru à la naissance de cette coutume, et nous expliquerons pourquoi l'Islam ne l'a pas abolie. Nous discuterons également des raisons qui ont conduit à la fois les hommes et les femmes à s'opposer à la polygamie.

Les causes historiques de la polygamie I

Quelles sont les causes historiques et sociales de la polygamie ? Pourquoi de nombreuses nations dans le monde, notamment en Orient, ont-elles accepté cette coutume, et pourquoi d'autres nations, notamment celles de l'Occident, n'ont-elles pas accepté sa légalisation ? Comment se fait-il que parmi les trois formes de polygamie, seule la pluralité des femmes s'est propagée, alors que la polyandrie et le collectivisme sexuel étaient sinon totalement ignorés, du moins pratiqués rarement et dans des cas exceptionnels.

Sans tenir compte de ces questions nous ne pourrions ni discuter de celle de la polygamie du point de vue islamique, ni l'étudier sur le plan des exigences humaines modernes.

Si nous ne prenons pas en considération les larges et profondes études psychologiques et sociales faites à ce propos, nous serions amenés à dire et à répéter les mêmes refrains qu'on entend souvent : «La cause de la polygamie est très évidente ; elle est due à la tyrannie, à l'injustice de l'homme, et à son asservissement de la femme, et c'est à cause de la domination de l'homme sur la femme que celui-là s'est permis de promulguer des lois et d'instituer des coutumes qui servent ses intérêts ; c'est uniquement dans son intérêt et contre celui de la femme qu'il a promulgué la loi de la polygamie et qu'il l'a appliquée durant tous ces longs siècles. Etant donné que la femme était opprimée, elle ne pouvait pas mettre en pratique la polyandrie. Mais aujourd'hui, l'époque de la domination de l'homme étant révolue, le privilège de la polygamie -dont jouissait l'homme- a cédé la place, comme bien d'autres privilèges injustes, à la loi de l'égalité et de la similarité entre les droits de l'homme et de la femme.»

C'est là une pensée absurde et insensée. Car ni la domination de l'homme sur la femme n'est la cause de la polygamie, ni l'échec de la polyandrie n'est dû à la faiblesse de la femme. Si la polygamie n'existe pratiquement plus de nos jours, ce n'est pas parce que l'époque de la domination de l'homme serait révolue. Loin de là ! L'homme n'a pas perdu ses privilèges ; bien au contraire, il a acquis encore un autre avantage par rapport à la femme.

Nous ne nions pas que le facteur de la domination ait joué un rôle dans l'histoire humaine, ni que l'homme ait abusé de son pouvoir sur la femme tout au long de l'histoire. Mais nous croyons que c'est de la myopie que de vouloir réduire l'explication des rapports homme/femme au facteur de la force et de la domination.

Si nous admettions une telle théorie, nous devrions admettre aussi qu'à l'époque où la polyandrie était répandue parmi les Arabes du pré-Islam, ou parmi les Naïrs des côtes de Malabar comme l'a rapporté Montesquieu, la femme avait eu l'occasion d'arracher le pouvoir des mains de l'homme et de lui imposer la polyandrie. Nous devrions admettre aussi que cette époque-là était l'âge d'or de la femme. Mais nous savons avec certitude que l'époque pré-islamique de l'Arabie était l'une des époques les plus noires de la vie de la femme. Nous avons cité plus haut Montesquieu qui disait que la polyandrie chez les Naïrs n'était pas due à la domination de la femme, mais à la décision de la société d'épargner aux soldats le fardeau des responsabilités familiales.

En outre, si le patriarcat était responsable de la polygamie, pourquoi celle-ci ne s'est-elle pas répandue en Occident ? Après tout, le patriarcat n'est pas le propre de l'Orient. Les Occidentaux ont-ils été dès le début des Chrétiens pieux, croyant à l'égalité et aux rapports de réciprocité entre l'homme et la femme ? Le  facteur de la domination a-t-il joué au bénéfice de l'homme en Orient, et pour la promotion de la justice en Occident?

Il y a encore un demi siècle seulement, la femme occidentale était parmi les femmes les plus malheureuses du monde. Même ses propres biens se trouvaient entre les mains de son mari. Les Européens eux-mêmes admettent que pendant le Moyen Age la position de la femme orientale était de loin meilleure que celle de sa contemporaine occidentale. Gustave Le Bon écrit : «Au début de l'Islam, la femme musulmane a obtenu une position que n'obtiendra la femme européenne que très longtemps après, c'est-à-dire après que les Arabes de l'Andalousie auront répandu les murs chevaleresques chez les Européens -dont la galanterie constitue la partie la plus importante- et qui sont dues aux Musulmans ; et la religion qui a pu arracher la femme à l'humiliation pour la conduire au sommet de la dignité et de l'honorabilité, c'est la religion musulmane et non chrétienne comme l'imagine le commun des mortels. Nos chefs et dirigeants au Moyen Age -bien qu'ils fussent des Chrétiens- n'avaient aucun respect pour la femme. Une étude de l'histoire ancienne ne laisserait aucun doute sur la conduite barbare des ducs et des barons de l'Europe envers la femme.»

D'autres écrivains européens aussi ont fait une description plus ou moins similaire de la position lamentable de la femme au Moyen Age. Bien que le patriarcat ait prévalu en Europe durant cette période, la polygamie n'a pu y prendre racine.

Le fait est que ni la polyandrie (où qu'elle fût pratiquée) ne fut jamais due au pouvoir et à la domination de la femme, ni son échec final n'eut pour cause la faiblesse et la répression de la femme. Il en va de même pour la polygamie : ni sa pratique en Orient n'est due à l'injustice et la domination de l'homme, ni son absence en Occident n'est due à l'existence de l'égalité entre l'homme et la femme.

Les Causes de l'échec de la polyandrie

La principale cause de l'échec de la polyandrie réside dans le fait qu'elle ne convient ni à la nature de l'homme ni à celle de la femme. Elle ne convient pas à la nature de l'homme, tout d'abord parce qu'elle ne se conforme pas à son esprit monopolisateur, et ensuite parce qu'elle ne s'accorde pas au principe qui veut qu'un père doive avoir la certitude de sa paternité. C'est la nature humaine qui veut que l'on s'attache à ses enfants. Tout être humain est, de par sa nature, enclin à avoir des enfants, et veut que sa relation avec les générations futures et passées soit déterminée et satisfaisante. Il veut savoir qui sont son père et son enfant. La polyandrie ne s'accorde pas avec cet instinct de l'homme. D'autre part, la polygamie ne crée un tel problème ni pour l'homme ni pour la femme. On rapporte qu'un jour une quarantaine de femmes vinrent voir l'Imam Ali et lui demandèrent pourquoi l'Islam avait permis à l'homme d'avoir plusieurs femmes et pas à la femme d'avoir plusieurs hommes, et si ce n'était pas là une discrimination. L'Imam Ali demanda alors qu'on apporte quelques verres d'eau et il en donna un à chaque femme. Puis il leur ordonna de verser l'eau de tous les verres dans un grand récipient qui fut posé au milieu de la pièce. Lorsqu'elles se furent exécutées, il leur demanda de remplir leurs verres vides avec la même eau que chacun contenait auparavant. Les femmes dirent que ce n'était pas possible puisque l'eau de tous les verres était mélangée. L'Imam Ali dit alors que si une femme avait plusieurs hommes, elle aurait des rapports sexuels avec tous ces hommes, et lorsqu'elle tomberait enceinte et mettrait un enfant au monde, il serait impossible de savoir qui en serait le  père.

Concernant la femme, la polyandrie n'est ni dans son intérêt ni conforme à sa nature. La femme n'a pas besoin d'un mari uniquement pour satisfaire son instinct sexuel. Si tel était le cas, on pourrait dire : "Plus il y en a, mieux ça va". La femme veut un homme dont elle puisse contrôler le cur, qui puisse la protéger et la défendre, faire des sacrifices pour elle et travailler dur pour lui apporter de l'argent. L'argent que la femme gagne par son propre travail ne suffit pas à couvrir ses innombrables besoins, lesquels sont de loin plus larges que ceux de l'homme, ni n'a la même valeur morale que celui que lui offre son mari en signe d'amour et de tendresse. Un mari pourvoit aux besoins financiers de sa femme dans un esprit de sacrifice. La femme et les enfants sont le meilleur stimulant pour encourager l'homme à travailler.

Dans le cas de la polyandrie, la femme ne peut réclamer l'amour, la dévotion et le sacrifice d'aucun homme. C'est pourquoi, comme la prostitution, elle a toujours été détestable pour la femme. De là, la polyandrie n'est conforme ni aux inclinations et manques de l'homme, ni à ceux de la femme.

L'Echec du Collectivisme sexuel

Dans le collectivisme sexuel, la femme n'appartient à aucun homme en particulier, ni l'homme à aucune femme en particulier ; c'est pourquoi il n'a jamais été populaire. Il avait été proposé par Platon, qui le limitait à la classe dirigeante des "Philosophes-gouvernants". Mais sa proposition fut boudée par les gens, et lui-même dut revenir sur son opinion.

Au siècle dernier, Friedrich Engels, le second père du Communisme, a mis en avant cette idée et l'a défendue avec force. Mais son idée ne fut pas acceptée par le monde communiste. On dit que l'Union Soviétique a essayé de mettre en application la théorie familiale d'Engels, mais à la suite d'une expérience amère elle a finalement reconnu la monogamie comme la politique familiale officielle.

La polygamie pourrait être considérée comme un motif de fierté pour l'homme, alors que la polyandrie ne sera jamais un objet de fierté pour la femme. La raison en est que l'homme désire le corps de la femme, alors que celle-ci veut le cur de l'homme. Tant que l'homme contrôle le corps de la femme, peu lui importe de posséder son cur. C'est pourquoi, il n'attache pas beaucoup d'importance au fait qu'en cas de polygamie, il soit privé de l'amour et des sentiments dévoués de la femme. Alors que pour la femme, la chose principale et la plus importante, c'est le cur de l'homme et ses sentiments. Si elle les perd, elle perd tout.

En d'autres termes, il y a deux éléments importants dans la vie matrimoniale : l'un matériel, l'autre sentimental. L'élément matériel du mariage est l'aspect sexuel, qui se trouve à son paroxysme pendant la jeunesse et qui va en déclinant par la suite. L'élément sentimental consiste en des sentiments tendres mutuels et en un dévouement à toute épreuve. Il se développe et se renforce avec le temps. La nature de la femme étant différente de celle de l'homme, elle attache plus d'importance à l'aspect sentimental de la vie conjugale, alors que, pour l'homme, l'aspect matériel est le plus important, ou tout au moins aussi important que l'aspect sentimental.

Nous avons déjà cité les propos d'une dame psychologue qui soutient que la femme a une disposition d'esprit qui lui est propre. L'enfant se développe dans son ventre et il est allaité dans son giron. Elle vit donc dans un état psychologique particulier qui fait qu'elle a un besoin impérieux de l'amour et de la tendresse du père de l'enfant. En outre, le degré de l'amour de la femme pour ses enfants est lié dans une grande mesure au degré de son amour pour leur père qui a contribué à leur naissance. Ce besoin psychologique chez la femme ne peut être satisfait que lorsqu'il y a un seul mari.

C'est pourquoi il est tout à fait erroné de considérer la polyandrie comme l'égale de la polygamie et de ne pas les distinguer l'une de l'autre. Et il est par conséquent aussi erroné de concevoir que la cause du succès de la polygamie dans certaines régions du monde est la domination de l'homme, et que la raison de l'échec de la femme de faire admettre la polyandrie est dû à sa faiblesse et son impuissance.

Une femme, écrivain contemporain, dit : «Nous pouvons dire que puisque l'homme a droit à quatre femmes, la femme devrait avoir le même droit, car tous les deux sont des êtres humains. Cette conclusion logique fait peur aux hommes. Ils sont irrités d'entendre un tel raisonnement et s'écrient : "Comment une femme pourrait-elle avoir plus d'un mari ?" En réponse nous disons calmement : "Comment un homme peut-il avoir plus d'une femme ?"»

Et elle ajoute : «Nous ne voulons pas promouvoir l'immoralité ni amoindrir l'importance de la chasteté. Nous cherchons seulement à faire comprendre aux hommes que l'opinion qu'ils ont de la femme n'est fondée sur aucune base solide. L'homme et la femme sont égaux en tant qu'êtres humains. Si l'homme a droit à quatre femmes, la femme aussi doit avoir le même droit. Même s'il est admissible que la femme ne soit pas intellectuellement supérieure à l'homme, il est certain que spirituellement et sentimentalement elle ne lui est pas inférieure.»

Comme on peut le constater à travers ces affirmations, on ne fait pas la distinction entre la polyandrie et la polygamie, sauf pour dire que l'homme étant du sexe le plus fort, il a adopté la polygamie à son propre avantage, et que la femme étant du sexe le plus faible, n'a pas pu imposer la polyandrie.

Cette dame dit en outre que : «L'homme considère la femme comme étant sa propriété, et c'est pour cela qu'il veut en avoir plusieurs. En d'autres termes, il veut acquérir autant de propriétés que possible. La femme, étant en position d'esclave, ne peut avoir plus d'un maître.»

Contrairement à l'affirmation de cet écrivain, le fait que la polyandrie n'ait jamais été acceptée par une large partie des gens prouve que l'homme ne considère pas la femme comme une propriété ou un objet, car la participation de plus d'un individu dans la possession d'un bien ou d'une propriété, et le partage de son utilisation, est quelque chose de naturel et admis par toutes les lois humaines dans le monde. Si donc l'homme considérait la femme comme un bien ou une propriété, il aurait accepté qu'un autre la partage avec lui comme il accepte qu'un autre s'associe avec lui dans la propriété des objets. Ne pouvant pas trouver un seul endroit dans le monde qui refuserait que plusieurs propriétaires possèdent en commun un objet ou un bien, nous ne saurions admettre que la polygamie soit fondée sur l'allégation que l'homme considérerait la femme comme une propriété ou un objet, et qu'il désirerait par conséquent en posséder plusieurs.

On dit : «Le mari étant un individu tout comme la femme, ils doivent par conséquent avoir des droits égaux. Pourquoi l'homme devrait-il avoir le droit de jouir de la polygamie et non pas la femme de la polyandrie ?»

Nous répondons à cette interrogation que c'est là l'erreur. Vous présumez là que la polygamie fait partie des droits du mari, et que la polyandrie fait partie des droits de la femme. Mais le fait est que la polygamie fait partie des droits de la femme, alors que la polyandrie ne fait partie ni des droits de l'homme ni des droits de la femme. Elle est contre l'intérêt de l'homme et de la femme en même temps. Nous démontrerons plus tard que le système de la polygamie a été adopté par l'Islam dans le but de sauvegarder les intérêts de la femme. Si son intention avait été de privilégier l'homme, l'Islam aurait autorisé l'homme à avoir des liaisons extra-conjugales avec des femmes qui ne seraient pas les siennes, et lui aurait ainsi épargné les responsabilités que lui imposent une femme légale et des enfants légitimes.

La polyandrie n'a jamais été dans l'intérêt de la femme. Ce n'est donc pas un droit dont elle aurait été privée.

Cet écrivain, dont nous avons cité les propos, a dit : «Nous cherchons à faire comprendre aux hommes que l'opinion qu'ils ont de la femme n'est fondée sur aucune base solide.»

Cela tombe bien, car c'est justement ce que nous voulons faire. Ainsi, dans les chapitres suivants, nous nous proposons d'expliquer la base des vues islamiques relatives à la polygamie.

Nous invitons tous les gens qui réfléchissent à les examiner et à voir si elles sont fondées ou non sur une base solide. Nous donnons notre parole d'honneur que nous retirerions tout ce que nous avons dit, s'il était établi, par quiconque, que la base du point de vue islamique est défective.

Les causes historiques de la polygamie (II)

Le désir de l'homme de jouir du plaisir sensuel et sa domination sur la femme ne constituent pas une cause suffisante pour l'émergence de la polygamie. Il doit y avoir d'autres raisons qui y ont contribué. Car, pour un homme licencieux, rien n'est plus facile que d'avoir des liaisons passagères avec des amantes et de profiter de la liberté sexuelle pour satisfaire ses désirs, car cela lui évite les responsabilités qu'entraînent le lien du mariage et la naissance des enfants qui s'ensuit.

C'est pourquoi, dans les sociétés où le système de la polygamie prévaut, soit ce sont les valeurs morales et sociales qui se dressent comme obstacle devant le désir d'un homme qui cherche la variété et la jouissance passagère avec des amantes, et l'obligent par conséquent à payer le tribut de sa gourmandise sexuelle par l'acceptation du mariage légal et de toutes les responsabilités qui en découlent, soit il y a d'autres raisons qui imposent cette situation (la polygamie), tels que des facteurs géographiques, économiques ou sociaux.

Les facteurs géographiques

Montesquieu et Gustave Le Bon insistent sur les conditions climatiques qu'ils présentent comme étant la cause principale du développement de la polygamie. Ces penseurs croient que le climat en Orient est tel que la polygamie y est inévitable. Ils disent que, dans les pays orientaux, la femme atteint la puberté et la vieillesse très tôt, ce qui conduit l'homme à avoir une deuxième et une troisième femmes pour satisfaire son besoin sexuel. En outre, ils estiment qu'une seule femme ne saurait satisfaire l'énergie sexuelle d'un homme dans un tel climat.

Gustave Le Bon dit dans son livre "Histoire de la Culture arabe et islamique" : «La coutume de la polygamie n'a pas été introduite par la religion. C'est la coutume des conditions climatiques, des caractéristiques raciales et d'autres causes dans la vie de l'Orient. On n'a pas besoin de démontrer que ce sont là des facteurs très importants et influents. En outre, la nature et la structure des femmes orientales, le fait qu'elles aient à élever leurs enfants, l'existence de certaines maladies, et bien d'autres facteurs similaires obligent l'homme à s'écarter de sa femme pendant un certain temps. Et étant donné que le climat oriental et la physiologie particulière des hommes de ces régions rendent l'éloignement de la femme difficile à supporter par les hommes, ceux-ci se trouvent obligés de recourir à la polygamie.»

Dans "L'Esprit des Lois", Montesquieu dit : «Dans les pays au climat chaud, les filles atteignent la puberté à l'âge de huit ans, neuf ans et dix ans. Elles tombent enceintes tout de suite après le mariage, au point qu'on peut dire qu'elles se marient et tombent enceintes presque en même temps.» Etablissant une biographie du Prophète de l'Islam, un autre écrivain européen dit : «Le Prophète s'est marié avec Khadîjah alors qu'elle n'avait que cinq ans et il a consommé le mariage lorsqu'elle a eu huit ans. A cause de ce mariage précoce, les femmes dans les pays tropicaux deviennent vieilles à l'âge de vingt ans. Elles sont donc déjà vieilles avant ou dès qu'elles atteignent la maturité. En revanche, dans les pays au climat modéré, les femmes conservent leur charme et leur beauté pendant longtemps. Elles atteignent l'âge de la puberté plus tard et sont plus matures et expérimentées à l'âge du mariage. Elles mettent des enfants au monde à un âge relativement avancé, et elles vieillissent presque en même temps que leurs maris. Voilà comment est établie l'égalité entre l'homme et la femme, et pourquoi les hommes n'ont pas besoin de plus d'une femme... C'est pour cela que nous disons que l'interdiction de la polygamie en Europe, et son autorisation en Asie, sont liées aux conditions climatiques.»

Cette explication est tout à fait erronée. Car tout d'abord la polygamie n'est pas confinée aux régions tropicales de l'Orient. Pendant l'époque pré-islamique, cette coutume était répandue en Iran où le climat n'a rien de tropical. Il est tout à fait puéril de dire que dans les régions tropicales les femmes deviennent vieilles à l'âge de 20 ans, comme l'allègue Montesquieu. Et c'est encore plus fantastique de prétendre que le Prophète de l'Islam se serait marié avec Khadîjah alors qu'elle n'avait que cinq ans et qu'il aurait consommé le mariage quand elle est arrivée à l'âge de huit ans, car il est de notoriété publique qu'au moment de leur mariage, Khadîjah avait 40 ans, et le Prophète 25 ans.

Ensuite, si l'on admettait que la précocité de la vieillesse des femmes et l'intensité de la virilité des hommes soient la cause de la polygamie, pourquoi les peuples orientaux n'ont-ils pas adopté la pratique de l'amour libre et de la débauche comme l'ont fait les Occidentaux, aussi bien au Moyen Age qu'à l'époque moderne. En Occident, comme l'a souligné Gustave Le  Bon, la monogamie n'existe que dans les codes civils, et n'a aucune trace dans la vie quotidienne.

Rappelons-le encore. En Orient, la polygamie existe sous une forme légale, et l'homme doit accepter la femme avec laquelle il désire avoir une liaison comme étant son épouse légale, et supporter la responsabilité de ses enfants, alors qu'en Occident, la polygamie se pratique illégalement et clandestinement, et l'homme s'adonne à l'amour libre et échappe aux responsabilités matrimoniales.

La Polygamie en Occident

Il convient de faire un bref exposé sur la polygamie en Europe pendant le Moyen Age, d'après le récit qu'en a fait un éminent historien occidental. Cet exposé devrait convaincre ceux qui critiquent l'Orient pour sa polygamie que, malgré ses défauts, celle-ci est beaucoup plus digne que ce qui se pratiquait en Europe.

Will Durant écrit dans son livre "Histoire de la Civilisation" (vol. 17) un chapitre intéressant intitulé "La Dissolution des murs", où il décrit l'état des murs en Italie pendant la Renaissance. Ci-après un résumé d'un sujet intitulé "Les Relations Sexuelles" extrait de ce livre.

«Avant de parler des murs des gens irreligieux, et de leurs relations sexuelles, il convient de rappeler tout d'abord que l'homme tend, de par sa nature, à la polygamie, et qu'on ne peut lui imposer la monogamie que par l'existence de restrictions morales vigoureuses, un certain degré de pauvreté, un travail dur, et une surveillance constante de la part de sa femme.

«On ne peut affirmer que l'adultère chez les femmes était moins répandu au Moyen Age que pendant la Renaissance. De même que l'adultère se pratiquait sous le couvert de la chevalerie, de même, pendant la Renaissance, elle se dissimulait sous l'habit des bonnes manières et de l'esprit raffiné du beau sexe. Les filles issues de familles respectables étaient gardées, dans une certaine mesure, à l'écart des hommes étrangers à la famille, et on leur enseignait les mérites de la chasteté pré-maritale. Parfois de tels enseignements s'avéraient exceptionnellement fructueux. En effet, on rapporte qu'une jeune femme se jeta dans l'eau après avoir été violée. C'était sans doute un cas exceptionnel de suicide, puisque l'Evêque se donna la peine d'ériger une statue à sa mémoire après sa mort.»

«Le nombre de liaisons pré-maritales devait être considérable, si l'on en juge par les innombrables enfants illégitimes que l'on trouvait dans chaque ville italienne. On était fier si on n'avait pas d'enfants illégitimes, mais on n'avait pas honte si on en avait. Habituellement, si un mari voulait persuader une femme de se marier avec lui, il lui promettait d'élever son enfant illégitime avec les siens, et cela ne choquait personne. Par ailleurs on pouvait obtenir facilement un certificat de légitimité en payant un dessous de table à l'ecclésiastique. En l'absence d'un héritier légal ou désigné, un fils illégitime pouvait hériter une propriété et même une couronne, puisque Frante-I succéda à Alfonso-I, le Roi de Naples. Lorsque, en 1459 Pius-II vint en Bavière, il fut reçu par sept princes qui étaient tous des enfants illégitimes. La rivalité entre les fils légitimes et illégitimes était une cause importante d'une longue série d'agitations pendant la Renaissance. Concernant l'homosexualité, elle était pratiquée sous le prétexte de ressusciter d'anciennes traditions grecques.

«San Bernardino a trouvé cette perversion si courante à Naples qu'elle pouvait menacer cette ville du même sort que Sodome. Artino a constaté que l'homosexualité était aussi répandue à Rome. Il en va de même pour la prostitution. En 1490, parmi une population de 90000 âmes, il y avait 6800 prostituées officielles, sans compter les clandestines. Selon les statistiques de 1509, parmi une population de 300000 que comptait cette ville, il y avait 11654 prostituées. Au XVe siècle, une fille qui atteignait l'âge de 15 ans sans s'être mariée était considérée comme une honte pour la réputation de sa famille. Au XVIe siècle, cet "âge de disgrâce" fut porté à 17 ans, afin de permettre à la fille d'avoir une meilleure éducation. Les hommes qui avaient toutes les facilités pour jouir sexuellement, grâce à une large disponibilité de prostituées, n'étaient attirés par le mariage que si la femme proposée promettait d'apporter une dot très conséquente. Selon le système du Moyen Age, le mari et la femme se devaient en principe de s'aimer mutuellement et de partager bonheur et malheur. C'était souvent le cas. Cependant l'adultère était rampant. La plupart des mariages dans les classes supérieures étaient des unions diplomatiques contractées pour des raisons politiques et économiques, ce qui amenait les hommes à croire qu'ils avaient le droit d'avoir des maîtresses. Auquel cas, leurs épouses étaient obligées de garder et de dissimuler leur colère et leur frustration.

«Dans les classes moyennes, certains hommes considéraient l'adultère comme une jouissance légitime. Machiavel et ses amis ne se gênaient pas pour se raconter leurs aventures extra-conjugales, et lorsque leurs femmes décidaient de se venger en se livrant elles aussi à des aventures extra-conjugales, leurs maris ne se sentaient pas offensés, gênés, ni jaloux.»

C'était là un échantillon de ce qui se passait dans des pays qui considérent la polygamie comme un crime impardonnable de l'Orient, et qui, à l'occasion, rendent le climat responsable de cette coutume présumée "inhumaine". Quant à leur climat, il ne leur permettait évidemment jamais de tromper leurs femmes, ni de violer le système de la monogamie !

A propos, il est à rappeler que l'absence de la polygamie légale parmi les Européens -peu importe qu'elle soit une bonne ou une mauvaise chose- n'est nullement due à la religion chrétienne. Car aucun texte dans cette religion n'interdit la polygamie. Bien au contraire, étant donné que Jésus Christ a confirmé les enseignements de l'Ancien Testament, lequel reconnaît la polygamie, on pourrait dire que le Christianisme autorise la polygamie, et les anciens Chrétiens l'ont pratiquée effectivement. Donc le refus de l'Occident de la polygamie légale devrait avoir d'autres causes.

Les menstrues

D'aucuns attribuent la polygamie aux menstrues de la femme et à son aversion pour l'acte sexuel pendant cette période, ainsi qu'à sa fatigue après l'accouchement et à son désir de se consacrer à l'allaitement et à l'éducation de ses enfants.

Will Durant écrit : «Dans les sociétés primitives, les femmes vieillissent précocement, ce qui les conduit à encourager leurs maris à épouser une seconde femme, afin qu'elles aient plus de temps pour l'allaitement de leurs enfants, et afin que l'intervalle entre une grossesse et la suivante se prolonge sans que cela contrarie le désir du mari d'avoir plus d'enfants et de jouir sexuellement. En outre, avec une seconde femme, la première peut être soulagée des tâches ménagères, tout en ayant la satisfaction de voir la famille s'enrichir par de futurs nouveaux enfants sans qu'elle ait à en subir les principales peines.»

Il ne fait pas de doute que les menstrues, la grossesse et la période post-natale font que les positions de la femme et de l'homme sont sexuellement dissemblables.

Toutes ces raisons poussent l'homme à avoir une seconde femme, mais elles ne peuvent constituer à elles seules la cause de la polygamie, à moins qu'elles soient accompagnées d'un facteur moral ou social qui empêche l'homme de satisfaire ses besoins sexuels avec des maîtresses et extra-conjugalement. Les facteurs ci-dessus ne peuvent être efficaces que lorsque l'homme n'a pas la liberté de satisfaire sans restrictions ses désirs sexuels.

Les limites de la période de la fécondité chez les femmes

Certains croient que la limitation de la période de fécondité de la femme et sa ménopause sont la cause de la pratique de la polygamie, car il peut arriver qu'une femme atteigne l'âge de ménopause sans avoir pu mettre au monde le nombre voulu d'enfants, ou que ses enfants soient morts. Dans un tel cas, le mari ne veut pas se séparer de sa femme, mais en même temps il désire avoir encore des enfants, et il n'a en conséquence d'autre alternative que de se remarier une deuxième, voire une troisième fois. De même, la stérilité de la première femme peut être une autre raison qui amène un mari à épouser une seconde femme.

Les facteurs économiques

Certains facteurs économiques aussi ont été invoqués comme étant les causes de la polygamie. On dit que, dans les temps anciens, le fait d'avoir un grand nombre de femmes et d'enfants était considéré comme un avantage économique. L'homme faisait travailler ses femmes et ses enfants, et les traitait comme des esclaves. La plupart des esclaves n'étaient pas capturés dans les batailles, mais vendus par leurs pères.

Cela peut constituer une cause de la polygamie, dans la mesure où l'homme ne peut avoir d'enfants qu'en acceptant que la femme proposée pour les mettre au monde soit sa femme légale. L'amour libre ne peut assurer cet avantage. En tout cas, cette cause ne saurait expliquer tous les cas de polygamie. Car si nous supposons que la polygamie soit née chez les populations primitives pour cette raison -ce qui ne fut pas le cas dans toutes les populations- il faut savoir qu'elle a été répandue plus chez les classes aisées -les rois, les princes, les dirigeants, les grands commerçants- que chez les pauvres. Donc cette supposition n'est pas valable. Car, comme nous le savons, ces classes n'ont jamais exploité économiquement leurs femmes et leurs enfants.

Le facteur de nombre et de tribu

Le désir d'avoir beaucoup d'enfants et de former une famille nombreuse était un autre facteur de l'émergence de la polygamie. Ce qui fait la disparité entre l'homme et la femme sur ce plan est le fait que le nombre d'enfants qu'une femme puisse engendrer, que ce soit avec un homme ou avec plusieurs, reste limité, alors que le nombre d'enfants qu'un homme peut avoir dépend du nombre de femmes avec lesquelles il se marie. Ainsi, un homme pourrait faire des milliers d'enfants s'il avait la possibilité de se marier avec des centaines de femmes. A la différence de ce qui se passe dans le monde moderne, le nombre des membres d'une famille dans l'ancien monde était considéré comme un facteur social important. Les tribus et les clans faisaient tout pour accroître leur nombre. Dans le monde ancien, on était fier d'appartenir à une grande tribu. Or, il est évident que la polygamie était le seul moyen d'avoir une famille ou une tribu nombreuse.

La supériorité numérique des femmes

Le dernier et le plus important facteur ayant contribué à l'apparition de la polygamie était la supériorité numérique des femmes. Cette supériorité n'était évidemment pas due à un taux de naissance de filles supérieur à celui des garçons, car si, par hasard, quelque part le taux de naissance des filles est plus important que le taux de naissance des garçons, ailleurs c'est le contraire qui peut se produire. La raison de cette supériorité numérique des femmes candidates au mariage s'explique surtout par le taux de mortalité élevé chez les hommes, lesquels avaient toujours, à l'exclusion des femmes, la charge de s'engager dans les guerres interminables entre les tribus, les clans, les régions, etc. Dans ce cas, si on avait appliqué strictement la monogamie, beaucoup de femmes seraient restées célibataires, sans maris légaux, sans enfants légaux, et sans un foyer conjugal.

Il ne fait pas de doute que cette situation prévalait au moins dans les sociétés primitives. Nous avons déjà cité les propos de Will Durant qui expliquait que dans ces sociétés primitives la vie de l'homme était constamment menacée, parce qu'il faisait toujours la chasse et la guerre, et que de ce fait le taux de la mortalité chez les hommes y était supérieur à celui des femmes. Donc, puisque le nombre des femmes augmentait sans cesse, on se trouvait devant cette alternative : ou adopter la polygamie, ou condamner un grand nombre de femmes à rester célibataires leur vie durant.

Récapitulation

Nous avons énuméré ci-dessus tous les facteurs qu'on puisse présumer être à l'origine de la polygamie. Comme vous avez dû le constater, certains de ces facteurs, comme le climat, ne jouent en fait aucun rôle dans l'émergence de la polygamie. C'est pourquoi nous les négligeons. Il reste donc trois autres facteurs qui méritent d'être discutés.

1 - Le premier facteur est le facteur économique. On peut le considérer comme une cause illégitime et illégale, et il ne peut s'expliquer que comme une injustice, une agression et une oppression. Car il est évident que la vente d'un fils est l'un des actes les plus sauvages que l'homme ait connus, et le désir de recourir à la polygamie dans ce but et avec cette intention est en soi une intention sauvage et injuste comme l'acte lui-même.

2 - La deuxième catégorie de facteurs qui méritent d'être discutés et considérés comme un droit et une justification pour l'homme et la société de l'acceptation de la polygamie, comprend notamment l'exemple de la stérilité de la femme ou de sa ménopause, ou celui du besoin de l'homme d'un fils, et de la tribu ou de la nation d'augmenter le nombre de ses membres. En règle générale, tous les facteurs qui placent l'homme et la femme dans une position d'inégalité sur le plan sexuel, ou sur le plan de la procréation, deviennent une justification de la polygamie.

3 - Il y a une troisième catégorie de facteurs qui, si l'on suppose leur existence dans le passé ou à présent, constituent non seulement une justification pour l'homme ou la société, de l'institution de la polygamie, mais aussi un droit pour la femme et un devoir pour l'homme et la société, de l'adopter : il s'agit du cas où le nombre des femmes dépasse celui des hommes. Ainsi, si l'on suppose qu'il arrive que le nombre de femmes proposées au mariage dépasse celui des hommes prêts à se marier, de telle sorte que le système de la monogamie conduise à priver un certain nombre de femmes de la possibilité de se marier et de former un foyer conjugal comme tout le monde, l'institution du système de la polygamie deviendrait un droit pour ces femmes privées de mari, et un devoir pour les hommes. En d'autres termes, les hommes auraient le devoir de la mettre en pratique, et les épouses devraient l'accepter.

Le droit au mariage est un droit fondamental, et personne ne doit en être privé sous aucun prétexte. La société ne doit rien entreprendre qui puisse priver une partie de la population de ce droit.

Le droit au mariage est un droit naturel, au même titre que la liberté, le droit au travail, le droit à la nourriture, à un logement et à l'éducation. C'est pourquoi les droits naturels de l'homme répugnent à la loi de la monogamie lorsque le nombre des femmes en âge de se marier dépasse celui des hommes disponibles. C'était, du moins, le cas dans le passé.

Dans le chapitre suivant nous allons voir s'il existe encore des circonstances qui, non seulement justifient la polygamie, mais aussi font de celle-ci un droit pour les femmes, et si de telles circonstances n'existent plus, quelle est la position de ce droit vis-à-vis du droit de la première épouse.

Le droit de la femme à la polygamie

Nous avons déjà expliqué les causes de l'échec de la polyandrie et du succès de la polygamie, et montré les multiples facteurs qui ont concouru à l'apparition de celle-ci. Certains de ces facteurs proviennent de l'esprit de domination et d'oppression chez l'homme, d'autres émanent de la disparité entre l'homme et la femme sur le plan de la durée de leur faculté de procréation et du nombre d'enfants que chacun d'eux pourrait avoir. La dernière catégorie de facteurs peut être considérée comme une justification de la polygamie. Mais la cause principale de celle-ci à travers l'histoire a été la supériorité numérique des femmes candidates au mariage sur les hommes. Cette cause conduit à la création d'un droit pour la femme et d'une obligation pour l'homme.

Afin d'éviter d'entrer dans de longues discussions, nous passons l'éponge sur les facteurs justifiant la polygamie, pour nous concentrer sur la principale cause qui, lorsqu'elle existe, fait de la polygamie un droit pour la femme.

Pour que ce droit soit établi, il faut que deux choses se réalisent :

1 - Il faut qu'il soit établi, statistiques à l'appui, que le nombre des femmes candidates au mariage dépasse nettement celui des hommes disponibles.

2 - L'existence réelle de circonstances qui créent un droit, pour les femmes privées de mariage, sur les hommes et femmes mariés.

Concernant le premier point, fort heureusement, il y a des statistiques authentiques dans le monde moderne. Un recensement a lieu périodiquement dans chaque pays. Dans les pays avancés, les statistiques recensent non seulement le nombre des hommes et le nombre de femmes, mais aussi leur nombre respectif dans chaque tranche d'âge. Ces statistiques sont régulièrement publiées par les Nations Unies dans leurs rapports annuels sur la population du monde. Nous avons devant nous le rapport de 1964, publié en 1965.

Il est à souligner qu'il ne suffit pas de connaître le nombre de personnes de sexe masculin ou de sexe féminin dans un pays donné ; ce qu'il importe de savoir c'est le nombre de femmes et d'hommes "mariables". Car le nombre des femmes et des hommes "mariables" diffère souvent de leur nombre total respectif, et ceci pour deux raisons :

1 - L'âge de la puberté arrive plus tôt chez les filles que chez les garçons, et c'est la raison pour laquelle l'âge légal du mariage pour les filles est plus bas que pour les garçons, dans tous les codes civils du monde. Et, sur le plan pratique, nous constatons que l'âge du mariage chez les hommes dépasse en moyenne de cinq ans celui de leurs femmes dans la plupart des régions du monde.

2 - La deuxième raison -et elle est plus importante que la première- est que, bien que le taux de naissance des filles ne soit pas supérieur à celui des garçons dans certaines régions du monde -et parfois même, c'est le contraire qui se produit- le taux de mortalité chez les garçons est supérieur à celui des filles, ce qui crée un déséquilibre entre le nombre des filles et des garçons en âge de se marier. Ainsi il arrive parfois que le nombre des filles en âge de se marier soit largement plus grand que celui des garçons "mariables". C'est pourquoi il est possible que le nombre total des personnes de sexe masculin soit égal à celui des personnes de sexe féminin dans un pays donné, alors que le nombre des filles en âge de mariage soit supérieur à celui des garçons "mariables".

Le Rapport de la Population des Nations Unies pour l'année 1964 atteste ces faits.

Par exemple, selon ce rapport, la population totale de la République de Corée est de 26277635 âmes. Sur ce total, 13145289 personnes sont de sexe masculin, et 13132346 de sexe féminin. Donc le nombre de la population masculine dépasse de 12943 personnes celui de la population féminine. Cette proportion se maintient dans les tranches des enfants âgés de moins d'un an, de 1 à 4 ans, de 5 à 9 ans, de 12 à 14 ans et de 15 à 19 ans.

Les statistiques montrent que, dans toutes ces tranches d'âge, le nombre des garçons est supérieur à celui des filles. Mais dans le groupe de personnes âgées de 20 à 24 ans la proportion change. Dans cette tranche d'âge, le nombre total des personnes de sexe masculin est de 1083364 et le nombre total des personnes de sexe féminin est de 1110051. Dans toutes les tranches d'âge supérieur, dont les représentants sont des gens en âge de se marier, le nombre de personnes de sexe féminin est plus grand.

Pourtant, il est à noter que la composition de la population dans la République de Corée est exceptionnelle dans la mesure où, dans le nombre total de la population, les personnes de sexe masculin sont plus nombreuses que les personnes de sexe féminin, alors que dans l'écrasante majorité des pays du monde le nombre de personnes de sexe féminin dépasse celui des personnes de sexe masculin dans le nombre total de la population et non seulement dans la catégorie des personnes "mariables". Ainsi, en Union Soviétique par exemple, la population totale compte 216101000 âmes dont 97840000 de sexe masculin et 118261000 de sexe féminin, et cette différence dans le nombre des deux sexes reste constante dans les tranches d'âge d'avant le mariage ainsi que dans celles de mariage, soit dans les tranches de 20-24, 25-29, 30-34... 80-84.

Il en va de même pour d'autres pays, comme l'Angleterre, la France, l'Allemagne de l'Ouest, l'Allemagne de l'Est, la Tchécoslovaquie, la Pologne, la Roumanie, les Etats-Unis, le Japon, etc. et ce, sans parler de certaines régions, à Berlin Est et Berlin Ouest par exemple, où la disparité entre le nombre de personnes de sexe féminin et de sexe masculin est anormalement grande.

En Inde, dans le groupe d'âge de personnes "mariables", le nombre des hommes excède celui des femmes. C'est seulement dans la tranche d'âge de 50 ans et plus que le nombre des femmes est supérieur. Apparemment ce manque de femmes supposé est dû au fait que beaucoup de gens dans ce pays n'aimeraient pas mentionner les noms de leurs jeunes femmes et jeunes filles aux agents de recensement.

Selon les tableaux du dernier recensement, l'Iran est l'un des rares pays où le nombre de personnes de sexe masculin dépasse celui des représentants de l'autre  sexe.

Il est surprenant d'entendre certains critiques insister pour que la loi autorisant la polygamie soit abolie au moins dans les pays où le nombre des hommes excède celui des femmes. Car tout d'abord, cette loi est universelle. Elle n'a pas été promulguée pour un pays en particulier. Puis, il ne suffit pas de connaître la proportion des femmes et des hommes dans la population totale d'un pays, pour décider que la polygamie ne s'y justifie pas. Nous avons vu que dans la République de Corée, bien que le nombre des hommes soit plus grand que celui des femmes dans la population totale, il y a plus de femmes que d'hommes dans la tranche d'âge des personnes en âge de se marier. De plus, les tableaux du recensement ne sont pas crédibles dans beaucoup de pays. Par exemple, nous savons avec certitude que bien que la polygamie ait été courante en Iran aussi bien dans les zones urbaines que rurales, il n'y a jamais eu de prétendue pénurie de femmes prêtes au mariage. Les faits sont plus éloquents que les tableaux de recensement.

Dans son livre "La Femme, le sexe supérieur", Ashley Montague admet qu'à travers le monde le nombre de femmes "mariables" excède celui des hommes en âge de se marier.

Les statistiques de 1950 montrent que le nombre des femmes en âge de se marier en Amérique dépasse d'environ un million quatre cent trente mille, celui des hommes des mêmes tranches d'âge.

Bertrand Russel écrit dans son livre "Le Mariage et la Morale" que dans l'Angleterre d'aujourd'hui le nombre des femmes excède de deux millions celui des hommes. Selon la coutume, elles doivent rester pour toujours sans enfants, ce qui est une grande privation pour elles.

Il y a quelques années, des articles ont paru dans la presse, expliquant qu'à la suite de grandes pertes, parmi les hommes, que l'Allemagne avait subies pendant la Seconde Guerre Mondiale, un grand nombre de femmes ont été privées d'un mari légal et d'un foyer conjugal. Ces femmes ont par conséquent exercé beaucoup de pressions sur le gouvernement pour qu'il abolisse la loi de la monogamie et établisse la loi de la polygamie. Le gouvernement allemand a demandé alors officiellement à l'Université islamique d'al-Azhar (au Caire) des conseils à ce sujet. Mais par la suite l'Eglise s'y est énergiquement opposée, préférant priver les femmes de leur droit à un mari et à un foyer conjugal, ou plutôt, elle a préféré la propagation de la turpitude à l'adoption d'un programme islamique.

Pourquoi y a-t-il plus de femmes que d'hommes en âge de se marier ?

Bien que le taux de naissance des filles ne soit pas plus élevé que celui des garçons, il y a plus de femmes en âge de se marier que de garçons de la même tranche d'âge. La raison en est claire. Le taux de mortalité des hommes est supérieur à celui des femmes. La mort survient généralement pour un homme alors qu'il est normalement chef de famille. Si nous prenons en compte la mort accidentelle, celle qui survient dans une guerre, à la suite d'une noyade, d'une chute, d'un accident de voiture, etc. nous pouvons constater que dans la plupart des cas d'une telle mort, la victime est un homme, et rarement une femme. Lorsqu'une guerre est livrée, et lorsqu'il y a un conflit entre l'Homme et la nature, la plupart des victimes sont des adultes de sexe masculin. Pour savoir pourquoi la balance entre les hommes et les femmes en âge de se marier est déséquilibrée, il suffit de se rendre compte que depuis le début de l'histoire de l'humanité, il ne s'est pas passé un seul jour sans qu'il y ait une guerre et des victimes parmi ceux qui la livrent.

Les victimes de guerres pendant l'ère industrielle sont cent fois plus nombreuses que ceux qui mouraient pendant l'ère de la chasse ou de l'agriculture. Durant les deux dernières guerres mondiales, le nombre des victimes a été estimé à soixante-dix millions de personnes. Ce nombre est équivalent à ce que l'humanité a perdu en hommes pendant plusieurs siècles qui ont précédé le nôtre. Et si l'on prend en considération les pertes dues aux guerres qui sont survenues pendant les dernières années en Extrême-Orient, au Moyen-orient et en Afrique, ou qui s'y déroulent encore vous serez d'accord avec nous sur ce point.

Will Durant dit que plusieurs facteurs ont contribué au déclin de la polygamie. La vie agricole caractérisée par la stabilité a fini par réduire les peines et les difficultés auxquelles devaient faire face les hommes auparavant, ce qui a conduit à la fin à l'égalité approximative du nombre des hommes et des femmes.

Ces propos de Will Durant sont très surprenants : Car si les pertes enregistrées parmi les hommes résultaient uniquement de la lutte contre la nature, il y aurait une différence dans le nombre des pertes à l'ère de la chasse et à l'ère de l'agriculture. Or les pertes subies étaient principalement dues aux guerres, lesquelles n'ont pas marqué une diminution pendant l'ère de l'agriculture par rapport à l'ère de la chasse. De plus, l'homme se chargeait constamment, pendant l'ère agricole, de la défense de sa femme, et s'exposait pour cela à tous les dangers, y compris la mort. C'est pourquoi, le déséquilibre dans le nombre des hommes et le nombre des femmes existait aussi bien pendant l'ère de l'agriculture que pendant l'ère de la chasse.

Mais, chose encore plus étonnante, Will Durant ne se réfère ni de près ni de loin à l'ère industrielle, alors que pendant cette ère les pertes en vies humaines parmi les hommes ont augmenté considérablement, et le déséquilibre entre le nombre des hommes et celui des femmes s'est accentué énormément.

La femme résiste mieux que l'homme aux maladies

On a découvert dernièrement que l'homme est moins résistant que la femme aux maladies. C'est une autre raison qui expliquerait pourquoi le taux de mortalité parmi les hommes est supérieur à celui qu'on enregistre chez les femmes.

Il y a quelques années, le Bureau Français des Statistiques a rapporté qu'en France, il y a 105 naissances de garçons pour 100 naissances de filles, et que le nombre des femmes excède d'un million sept cent cinquante-huit mille celui des hommes. Il attribue cette différence à une meilleure résistance de la femme aux maladies.

Il n'y a pas longtemps, un article a été publié dans la revue illustrée de l'Unesco, "Courrier". Selon  cet article : «La femme est intellectuellement supérieure à l'homme, la moyenne de sa longévité dépasse celle des hommes, elle est habituellement mieux portante que l'homme et plus résistante aux maladies que lui, et elle en guérit plus rapidement. Il y a une  femme bègue pour cinq hommes bègues, une femme daltonienne pour 16  hommes daltoniens. L'hémorragie est presque confinée aux hommes. La  femme est plus à l'abri contre  des accidents que l'homme. Pendant la dernière guerre mondiale, il a été établi que dans des circonstances similaires, la  femme pouvait mieux supporter les difficultés d'un blocus, la prison et les camps de concentration que  l'homme. Dans presque tous les pays, les cas de suicide chez les hommes sont  trois fois plus nombreux que chez les femmes.»

Ashley Montague a développé sa théorie de la supériorité de la résistance de la femme aux maladies dans son livre "La Femme, le sexe supérieur".

Même si un homme décidait un jour de se venger de la femme et qu'il réussisse à l'acculer aux travaux les plus pénibles et les plus dangereux, ou à la pousser dans les champs de bataille face aux fusils et aux bombes, l'équilibre entre le nombre des hommes et le  nombre des femmes ne serait pas pour autant restauré, car la femme a un plus grand pouvoir de résister aux maladies, aux difficultés et aux situations dangereuses.

Nous en avons dit suffisamment sur le premier point, c'est-à-dire, la supériorité numérique des femmes en âge de se marier, et nous savons maintenant que cette supériorité est un fait réel. Nous en connaissons aussi les causes.

La polygamie est un droit de la femme

Le second point, c'est le fait que la majorité numérique des femmes en âge de se marier ne crée pas seulement un droit pour celles-ci, mais aussi une obligation pour les hommes et les femmes mariés.

Personne ne peut nier que le mariage est l'un des droits les plus naturels et les plus fondamentaux des êtres humains. Toute personne, qu'elle soit femme ou homme, a le droit de mener une vie familiale et d'avoir des enfants. Ce droit est similaire à celui de travail, d'avoir un foyer, de recevoir une éducation, d'avoir accès aux services de santé, de jouir de la liberté et de la sécurité.

Il est du devoir de la société de ne mettre aucun obstacle susceptible d'empêcher quiconque de jouir de ce droit, et bien au contraire, de tout faire et de fournir toutes les facilités pour que ce droit se concrétise.

A notre avis, l'un des grands reproches que l'on pourrait faire à la Déclaration des Droits de l'Homme est le fait qu'elle n'ait pas prêté attention à ce droit. Elle a reconnu le droit à la liberté et à la sécurité, le droit à des tribunaux nationaux compétents, le droit à avoir une nationalité et à en changer éventuellement, le droit au mariage sans distinction de race, de religion, le droit à la propriété, le droit à la formation d'une association, le droit au repos et aux loisirs, etc... mais elle n'a pas mentionné le droit d'avoir une vie familiale légale.

Pour une femme, ce droit est de la plus grande importance, car elle a besoin plus d'une vie familiale que d'un homme. Comme nous l'avons déjà dit, pour un homme l'aspect matériel du mariage est plus important, alors que pour une femme c'est l'aspect spirituel et sentimental du mariage qui est le plus important. Si l'homme n'a pas de famille, il peut du moins satisfaire partiellement ses besoins sexuels, en recourant à l'amour libre et aux prostituées. Mais, pour une femme, un foyer conjugal a une grande importance. La débauche et l'amour libre ne sauraient satisfaire même en partie ses besoins matériels et sentimentaux.

Pour un homme, le droit à une famille signifie le droit de satisfaire sa volupté, le droit d'avoir une conjointe dans la vie, et le droit d'avoir des enfants légitimes, alors que pour une femme, le droit à une famille signifie, en plus de ce qui vient d'être énuméré, le droit à avoir aussi un protecteur, un patron et un soutien sentimental.

Ayant établi ces deux prémisses, c'est-à-dire que le nombre de femmes candidates au mariage est plus grand que celui des hommes de la même tranche d'âge, et "avoir droit à une vie familiale est un droit humain naturel", il est facile de tirer la conclusion suivante : si la monogamie est considérée comme la seule forme légale de mariage, un grand nombre de femmes seront privées de leur droit naturel, et seule la polygamie, appliquée sous des conditions spécifiques et avec des restrictions précises, pourra le restaurer.

Il est du devoir de toutes les femmes musulmanes à l'esprit libéral d'en appeler, au nom de la défense des droits justes de la femme en général, et au nom de la protection de la moralité et de la race humaine, à la Commission des Droits de l'Homme afin qu'elle reconnaisse officiellement le système islamique de la pluralité des femmes, comme un droit de l'Homme, et de rendre ainsi un grand service au beau sexe et à la moralité. Le fait que ce système soit proposé par l'Orient, et que l'Occident ait à le suivre, ne devrait pas être considéré comme un péché.

La théorie de Russel

Comme nous l'avons souligné plus haut, Bertrand Russel était conscient que si la monogamie était la seule forme du mariage, un grand nombre de femmes seraient privées de leur droit. Il a proposé une solution très simple au problème. Il voulait que la femme soit autorisée à chasser les hommes et à faire des enfants de pères inconnus afin qu'elle ne soit pas privée de progéniture. Auquel cas, étant donné que le père supporte normalement la charge financière des enfants, c'est le gouvernement qui devrait le remplacer et donner une allocation aux mères célibataires.

Russel disait qu'actuellement il y avait en Grande Bretagne plus de deux millions de femmes de trop, qui n'avaient aucun espoir d'avoir des enfants à cause de la loi de la monogamie, ce qui est une grande privation. Il dit aussi : «Le système de la monogamie est fondé sur la présomption de l'égalité numérique approximative entre les hommes et les femmes dans un pays. Mais lorsque cette égalité n'existe pas, ce serait une grande injustice pour celles qui devraient vivre dans le célibat conformément à cette loi arithmétique. Et si nous désirions en plus augmenter le nombre de la population du pays, l'injustice serait non seulement d'ordre privé mais aussi d'ordre public et général.»

Telle est la solution de ce problème, comme le suggère un grand philosophe du XXe siècle. Mais, selon l'Islam, tout le problème serait résolu si un nombre adéquat d'hommes ayant les qualifications financières, morales et physiques nécessaires, acceptaient d'assumer la responsabilité de plus d'une femme légale avec un statut égal pour la première et la seconde femme. La première femme doit accepter la seconde avec bienveillance et dans un esprit de devoir social.

Contrairement au mode de pensée islamique, le philosophe cité conseille aux femmes privées d'hommes de voler les maris d'autres femmes, et en appelle au gouvernement pour qu'il supporte la charge des enfants nés de telles liaisons illégales.

Il semble que ce philosophe du XXe siècle maintienne que la femme a besoin du mariage seulement pour trois raisons : satisfaire ses besoins sexuels, avoir des enfants, pourvoir à ses besoins économiques. Les deux premiers besoins peuvent être satisfaits par la ruse de la femme, alors que le troisième devrait l'être par le gouvernement ! Mais il oublie que la femme a quelques besoins sentimentaux aussi. Elle veut être sous la protection d'un mari chéri avec lequel le contact ne serait pas d'une nature purement sexuelle. Un autre point auquel le philosophe n'attache pas d'importance est la position des enfants nés des liaisons illicites. Tout enfant a besoin de parents reconnus, de leurs amour et de leur affection sincères. L'expérience a montré que la mère montre peu d'affection envers celui de ses enfants dont le père est inconnu. Comment peut-on compenser ce manque d'amour ? Le gouvernement y pourrait-il quelque chose ?

Lord Russel regrette qu'un grand nombre de femmes doivent rester sans enfants si sa proposition n'était pas mise en application légalement. Mais il doit savoir que les femmes britanniques qui ne pouvaient pas attendre la promulgation d'une telle loi, ont résolu elles-mêmes, et d'une façon pratique, le problème du célibat et des enfants de père inconnu.

Du rapport de 1958 préparé par le Dr. Z.A. Scott, Chef du Département Médical du Conseil de Londres, il ressortait que 1 sur 10 enfants nés l'année précédente était illégitime. Le rapport fait savoir, en outre, que ces naissances illégitimes étaient en augmentation constante. Les chiffres des naissances illégitimes sont passé de 33838 en 1957 à 53433 l'année suivante.

Il semble que les Britanniques aient résolu leur problème sans attendre l'application de la proposition de Lord Russel.

La polygamie prohibée, l'homosexualité autorisée !

Au lieu de suivre le conseil de Lord Russel pour résoudre le problème des femmes célibataires, il a été fait un pas en direction opposée, c'est-à-dire en privant encore plus la femme de la disponibilité des hommes, par la légalisation de l'homosexualité. Ainsi, aujourd'hui, la polygamie est interdite en Grande Bretagne, et l'homosexualité y est légale.

Aux yeux des Britanniques, il est inhumain d'avoir une seconde femme, mais si la seconde s'avérait être un homme, il n'y aurait pas de mal à cela. Ils considèrent l'homosexualité comme un acte honorable et conforme aux exigences du XXe siècles. Selon le verdict des autorités britanniques, la pluralité des femmes ne soulève pas d'objection si la seconde femme a des moustaches. On dit chez nous que le monde occidental a résolu les problèmes sexuels et familiaux et que nous devrions suivre son exemple ! Voilà comment il les a résolus !

Mais en fait rien d'étonnant à cela, car la voie que l'Occident a suivie dans le domaine des relations sexuelles et familiales ne peut conduire qu'à ce résultat. Ce qui aurait été étonnant, c'est qu'elle aboutisse à un résultat opposé !

Mais ce qui est effarant, c'est de voir des gens chez nous perdre leur bon sens et leur sens de la rationalité. Les jeunes instruits ont-ils perdu de nos jours le sens de l'analyse et l'esprit critique ? Ont-ils perdu à ce point leur personnalité ? Pourquoi sont-ils devenus si crédules ? S'ils avaient entre les mains un joyau, et que les gens de l'autre côté du monde (l'Occident) leur disent que c'est une noix (et non un joyau), ils le jetteraient tout de suite, et s'ils voyaient dans la main d'un Occidental un noyau, et que ce dernier leur dise qu'il s'agit d'un joyau, ils le croiraient volontiers !

L'homme est-il polygame par nature ?

Vous serez étonnés, si l'on vous dit que les psychologues et les sociologues en Occident croient que l'homme est né polygame et que la monogamie est contre sa nature.

Expliquant le chaos moral actuel, Will Durant dit qu'en grande partie il est dû à notre intérêt incurable pour la variété. L'homme, de par sa nature, ne peut se contenter d'une seule femme.

Il dit que l'homme est de par sa nature, polygame. Seuls des restrictions morales solides, un certain degré de pauvreté et un travail dur, et la surveillance constante exercée par l'épouse, peuvent lui imposer la monogamie.

Le professeur allemand Schmidt dit que l'homme a été, à travers l'histoire, infidèle à sa femme. Il y a des indices qui montrent que même au Moyen Age les jeunes hommes changeaient de fiancées sans cesse, et que 50 % des hommes mariés trompaient leurs femmes. Robert Kinsey écrit dans son rapport connu sous la dénomination de "Rapport Robert Kinsey", que les hommes et les femmes américains dépassent leurs semblables de toutes les autres nations en infidélité. Dans une autre partie du rapport, il dit que la femme, à la différence de l'homme, déteste la diversité et la variété en amour, et c'est pourquoi elle ne comprend pas l'attitude de l'homme, alors que l'homme éprouve un plaisir dans la diversification, et la considère comme une aventure agréable. Ce qui est plus important, c'est qu'il s'intéresse plus au plaisir physique qu'au plaisir sentimental et spirituel. L'homme prétend avoir une relation purement sentimentale et spirituelle tant qu'il n'a pas réussi à avoir de rapports physiques. Un célèbre physiologiste a dit à Kinsey qu'il est évident que l'homme est polygame et la femme monogame, car alors que le premier produit des millions de spermes, la seconde développe un seul ovule dans son ovaire pendant chaque cycle de fécondité. Laissons la théorie de Kinsey de côté, et essayons de voir nous-mêmes s'il est difficile pour un homme d'être fidèle.

Un sociologue français dit en réponse à cette question : «Pour un homme, être fidèle, ce n'est pas seulement difficile, mais franchement impossible. Une femme est née pour un homme, mais un homme est né pour toutes les femmes. Si un homme est infidèle et qu'il trompe sa femme, il n'est pas blâmable pour autant, car c'est la faute de la nature qui a mis en lui tous les motifs de l'infidélité.»

Une revue française écrit sous le titre : "L'amour et le mariage à la française" : «Les couples français ont trouvé une solution au problème de l'infidélité. Ils connaissent les règles du jeu. Tant que le mari ne dépasse pas les limites, ses aventures occasionnelles avec d'autres femmes ont peu d'importance. En règle générale, un mari ne peut en aucun cas rester fidèle après deux ans de vie conjugale. Dans le cas de la femme, c'est un peu différent, et heureusement elle est consciente de cette différence. En France, une épouse ne se sent pas offensée si son mari commet un adultère. Elle se console en se disant qu'il se pouvait qu'il ait donné son corps à une autre femme, mais que son âme et ses sentiments continuent d'être pour elle.»

Il y a quelques années, une controverse fut soulevée autour de certaines opinions exprimées par un biologiste nommé Dr. Russel Lee. Selon ce dernier, le fait qu'un homme se contente d'une seule femme conduit à l'affaiblissement de sa progéniture, et, de ce fait, sa fidélité équivaudrait à une trahison contre le genre humain. Il pense que le système de multi-liaisons permettrait d'avoir des enfants en meilleure santé et plus forts.

Nous pensons que cette description de la nature de l'homme n'est pas du tout correcte. Les tenants de telles thèses semblent s'être inspirés de l'environnement particulier qui prévaut dans leur propre monde.

En tout état de cause nous croyons que, biologiquement et psychologiquement, l'homme et la femme sont différents l'un de l'autre, et que la nature les a faits ainsi intentionnellement. C'est pourquoi, l'égalité de leurs droits ne doit pas être invoquée comme prétexte pour parler de l'uniformité de leurs droits. Même du point de vue de ceux qui soutiennent la monogamie, l'esprit de la femme est différent de celui de l'homme. La femme est monogame de nature. La polyandrie est contre son esprit et ne se conforme pas avec ce qu'elle attend d'un mari. Mais l'homme n'est pas monogame de nature, en ce sens que la polygamie n'est pas contraire à son esprit ni incompatible avec ce qu'il attend de sa femme.

Mais nous ne sommes pas d'accord avec l'opinion selon laquelle l'esprit de l'homme ne se conforme pas à la monogamie. Il est absolument incorrect de dire que la passion de la diversité est incurable. Nous ne croyons pas que l'homme ne puisse pas être fidèle, ou qu'une femme soit née pour un homme alors qu'un homme serait né pour toutes les femmes.

Nous croyons que les causes de l'infidélité de l'homme résident dans son environnement social, et que la nature de l'homme n'en est pas responsable. Les facteurs conduisant à l'infidélité émanent d'un environnement qui, d'une part, encourage la femme à employer toutes sortes de séductions et de tentations pour attirer les hommes et, d'autre part, prive des millions de femmes de leur droit au mariage en imposant la loi de la monogamie.

Avant l'introduction des manières et modes occidentaux, en Orient musulman, 90 % des hommes souscrivaient à la monogamie dans son sens réel. Ils n'avaient ni plus d'une épouse légale, ni des maîtresses ou des concubines.

La polygamie, un facteur de maintien de la monogamie

Vous serez surpris de savoir que la polygamie a été le facteur le plus important de la préservation de la monogamie en Orient. Sa légalité est vraiment le plus grand facteur de sauvetage lorsque le nombre des femmes "mariables" dépasse celui des hommes en âge de se marier, car si le droit au mariage n'était pas reconnu au surplus des femmes, et que des hommes qualifiés moralement, financièrement et physiquement n'aient pas l'autorisation d'avoir plus d'une femme, l'amour libre et le concubinage iraient rampant, détruisant la base même de la réelle monogamie.

En Orient musulman, d'une part la polygamie était autorisée, d'autre part la tentation et l'incitation à la débauche n'existaient pas. C'est pourquoi, la vraie monogamie prévalait dans la plupart des familles. Le concubinage ne s'était pas développé à tel point qu'une philosophie aurait été progressivement inventée pour le justifier comme cela s'est passé en Occident. En Orient, on n'a jamais prétendu que l'homme serait né polygame et qu'il ne pourrait nullement souscrire à la monogamie.

On peut se demander quelle alternative un homme a lorsque la polygamie est légalement prohibée et que, comme le prétendent certains penseurs, l'homme serait polygame de par sa nature !

Selon ces penseurs la réponse est très claire : «L'homme doit être légalement monogame et pratiquement polygame. Il ne doit pas avoir plus qu'une femme légale, mais peut coucher avec autant de femmes qu'il désire. Le concubinage est un droit naturel de l'homme. Il serait discourtois de le restreindre à une seule femme.»

Nous pensons qu'il est temps que les lecteurs aient une idée claire du problème et qu'ils sachent quelle est réellement la question. La question n'est pas de savoir si la polygamie est meilleure que la monogamie. Il ne fait pas de doute que la monogamie est préférable, car elle signifie une vie familiale exclusive. Dans ce système (monogamie), le corps et l'âme de chacun des deux conjoints appartiennent exclusivement à l'autre. Il est évident que l'esprit du mariage est l'union des curs, qui se manifeste mieux dans un mariage exclusif. L'humanité n'a pas à choisir entre la monogamie et la polygamie.

Le seul problème est que la monogamie absolue n'est pas pratique dans certaines circonstances sociales, notamment lorsque le nombre des femmes candidates au mariage est plus grand que celui des hommes en âge de se marier. Une monogamie absolue prévalant dans toutes les familles est une pure fiction. Il y a seulement deux alternatives : ou reconnaître officiellement la polygamie, ou encourager un concubinage débridé. Dans le premier cas, seul un petit pourcentage (ne dépassant en aucun cas les 10 %) d'hommes auront plus d'une femme, et toutes les femmes candidates au mariage seront en mesure de s'assurer un foyer conjugal et une vie familiale. Dans le second cas, toute femme n'ayant pas un mari légal aura des relations sexuelles avec plusieurs hommes, et donc presque tous les hommes mariés deviendront pratiquement polygames.

Tel est le portrait juste de la polygamie. Malheureusement les partisans du mode de vie européen ne semblent pas disposés à présenter le vrai portrait du problème. Ils ne veulent pas dire la vérité ouvertement. En réalité, ils défendent le concubinage. Ils considèrent la femme légale comme un fardeau et une pierre d'achoppement sur le chemin. Pour eux, même une seule femme, c'est trop ; que dire alors de deux, trois, ou quatre ! Ils prétendent être des partisans de la monogamie, mais, en fait, c'est une totale libération des restrictions matrimoniales qu'ils voudraient.

Les finasseries de l'homme moderne

L'homme du XXe siècle a réussi à tromper la femme concernant beaucoup de droits de la famille, avec des mots mielleux et lumineux tels que la liberté et l'égalité, pour se dégager de ses obligations envers elle et augmenter sa jouissance avec elle. Mais ce qu'il a réussi incontestablement le mieux, c'est son dénigrement de la polygamie.

Nous tombons parfois sur des écrits qui nous laissent perplexes sur leurs auteurs, et nous nous demandons s'ils sont des gens simples d'esprit ou carrément malintentionnés. L'un d'eux écrit : «Actuellement, dans les pays avancés, les relations entre le mari et la femme sont fondées sur un système de droits et d'obligations réciproques, et pour cette raison, il est aussi difficile pour une femme de reconnaître la polygamie sous toute forme qu'elle soit, que pour un homme de supporter l'existence de rivaux dans le domaine de ses relations conjugales.»

Nous ne savons pas si c'est vraiment leur conception du problème ou s'ils ne savent pas réellement que la polygamie a résulté d'un problème social qui a assigné une lourde responsabilité aux hommes et femmes mariés et auquel aucune autre solution que la polygamie n'a pu être trouvée. Fermer les yeux devant le vrai problème et lancer des slogans tels que : "vive la monogamie" et : "à bas la polygamie" ne sert à rien.

Ne savent -ils pas que la polygamie fait partie des droits de la femme et non des droits de l'homme ? Elle n'a rien à voir avec l'égalité entre l'homme et la femme.

Il est ridicule de dire qu'il est aussi difficile pour une femme d'accepter la polygamie que pour un homme d'accepter des rivaux dans sa vie conjugale. Outre le fait que cette comparaison est erronée, il semble que ces messieurs ne sachent pas que le monde occidental actuel, dont l'éclat les a si fortement éblouis, exige en fait du mari qu'il accepte les relations amoureuses de sa femme et tolère l'existence de rivaux. Il désapprouve toute interférence de la part du mari dans de telles relations, et la considère comme un acte de jalousie et de fanatisme déplacé. Nous aimerions que nos jeunes gens aient une connaissance plus profonde de ce qui est en train de se passer en Occident.

Etant donné que la polygamie est le produit d'un problème social, et non de l'instinct de l'homme, il est évident que dans une société où les femmes n'ont pas une majorité numérique, elle doit disparaître automatiquement, ou tout au moins se réduire à la portion congrue. Mais il ne serait pas convenable de la bannir même dans de telles circonstances, si de telles circonstances il y a. La prohibition légale de la polygamie n'est ni suffisante ni appropriée, car la disparition ou l'interdiction totale de la polygamie nécessite :

1 - L'existence de la justice sociale, d'un travail et d'un revenu suffisant pour tout homme désireux de se marier, afin qu'il puisse fonder une famille.

2 - La liberté pour la fille de choisir le mari qu'elle désire, afin que son père ou son frère ne lui imposent pas de force le mariage avec un homme riche. Il est évident qu'une fille ayant la liberté de choisir elle-même son futur mari, et l'occasion de se marier avec un garçon célibataire, ne penserait jamais à épouser un homme marié, car ce sont les tuteurs de la fille qui la vendent aux hommes riches mariés.

3 - La diminution, autant que possible, des facteurs d'excitation sexuelle dans la société, tels que nous les voyons de nos jours. Car les motifs de l'excitation et de la séduction attirent même la femme mariée et la font sortir du foyer conjugal pour se jeter dans les maisons des étrangers. Que dire alors d'une fille célibataire !

Si donc la société veut préserver le système de monogamie, elle doit s'efforcer de poser les fondements de ces trois facteurs, autrement, l'interdiction légale de la polygamie ne déboucherait que sur l'ouverture totale de la porte de la débauche.

La crise résultant de l'existence de femmes sans maris

Si le nombre des femmes voulant se marier dépasse le nombre des hommes candidats au mariage, la prohibition de la polygamie serait une trahison contre l'humanité, car il ne s'agirait pas de supprimer les droits de quelques femmes seulement. Si ce n'était que cela, ce serait tolérable dans une certaine mesure. La crise à laquelle la société est confrontée à la suite de l'application légale de la monogamie, est beaucoup plus grave que toute autre crise, car l'organisation familiale est plus sacrée que toute autre organisation.

Une femme privée de son droit naturel est un être vivant en proie à toutes les réactions d'un être vivant en état de privation. C'est un être vivant exposé à tous les désordres psychiques et complexes psychologiques. C'est une Eve armée de tous les moyens de séduction des hommes.

Elle n'est pas une quantité d'orge ou de blé dont on peut déverser le surplus dans la mer, ou le stocker dans un grenier en prévision d'un jour de pénurie. Elle n'est pas une maison ou une chambre qui peut être fermée à clé si on n'en a pas besoin pour le moment. Elle est un être vivant, un être humain, une femme. Elle a des potentialités merveilleuses. Si elle est frustrée, elle pourrait détruire la société. Elle ne peut pas rester comme un spectateur oisif, alors que les autres jouissent de la vie. Sa privation pourrait engendrer des complexes et des rancunes. Lorsque les complexes et les instincts se réunissent, ils peuvent produire des catastrophes.

Les femmes privées de vie familiale feraient tout pour séduire les hommes et exploiter leur faiblesse sur ce point. Et ce n'est pas tout. Les femmes qui constateraient que leurs maris les trompent, penseraient à se venger et deviendraient par conséquent à leur tour infidèles. Pour le reste, n'en parlons pas.

Le résultat final a été résumé dans le célèbre Rapport Kinsey en une phrase : «Les hommes et les femmes américains ont surclassé leurs semblables de tous les autres pays en matière d'infidélité.»

Il est à noter que le problème ne s'arrête pas avec la corruption et la perversion des hommes. Les flammes finiraient par étendre leurs langues aux vêtements des femmes mariées et des femmes au foyer aussi.

Les diverses réactions au nombre excédentaire des femmes

Le phénomène de "l'excédentarité" du nombre des femmes par rapport à celui des hommes a été constamment observable dans la vie de l'humanité, mais ce qui changeait et se montrait parfois faible parfois fort, c'était la réaction que ce problème provoquait dans la société. Car, les peuples qui ont tendance à la chasteté et à la piété en raison de leur adoption des grandes religions monothéistes, ont résolu ce problème grâce au système de la polygamie. Quant aux peuples qui n'avaient pas de penchant pour la religiosité et la chasteté, ils ont pris ce prétexte pour répandre la turpitude.

De même que la polygamie n'a pas été introduite en Orient par l'Islam, de même sa prohibition en Occident n'a en aucune façon de lien avec la religion du Christ. Cette coutume existait en Orient avant l'avènement de l'Islam et elle a été consacrée par les religions orientales. Même dans la Bible elle n'a pas été prohibée explicitement.

Le plus grand coup porté à la monogamie l'a été plus par les nations qui ont adopté la voie de la débauche que par celles qui avaient adopté la polygamie.

Le Dr. Mohammad Hussayn Haykal, l'auteur de "La vie de Mohammad", citant plusieurs versets coraniques relatifs à la polygamie, écrit : «Ces versets coraniques donnent la préférence à la monogamie, puisqu'ils affirment que si un homme craint de ne pas pouvoir traiter ses épouses avec égalité et justice, il doit se contenter d'une, et estiment que l'homme ne pourrait pas être juste dans le traitement qu'il réserverait à ses épouses. Mais, en même temps, ces versets autorisent la polygamie sous réserve de la possibilité d'être juste, à cause de l'existence de circonstances sociales qui nécessitent cette pratique. Mohammad (P)a adopté lui-même cette position vis-à-vis des veuves des martyrs des armées musulmanes tombés dans les batailles contre les mécréants. Comment peut-on dès lors dire-après toutes les guerres qui sont survenues, toutes les épidémies que l'humanité a connes et toutes les révolutions qui ont éclaté, entraînant des milliers et des millions de morts parmi les hommes et laissant de grands nombres de femmes sans maris- que la monogamie est préférable à la polygamie, qui devrait se pratiquer exceptionnellement et assortie de la condition de justice ? Les peuples occidentaux pourraient-ils prétendre que la loi de la monogamie, qui n'a d'existence réelle que sur le papier, a été appliquée effectivement après la Seconde Guerre Mondiale ?»

Les inconvénients et les défauts de la polygamie

Une vie conjugale heureuse dépend de la sincérité, de la tolérance, du sacrifice et de l'harmonie dans le couple. Toutes ces qualités sont menacées lorsqu'il y a polygamie. Outre les conditions anormales dans lesquelles vivraient les épouses et les enfants ayant plus d'une mère(12), l'homme a à supporter le fardeau lourd de ses nombreuses épouses. Donc, lorsqu'il se résigne à la polygamie, il devrait dire adieu au bonheur et à la tranquillité d'esprit qu'on attend normalement d'une vie conjugale.

La plupart des hommes polygames heureux sont ceux qui ont négligé leurs responsabilités légales et morales, s'intéressant uniquement à la nouvelle épouse, abandonnant la première et la laissant "comme suspendue" selon le terme coranique. Une telle polygamie n'est en fait qu'une monogamie accompagnée d'injustice, de transgression et d'agression.
Le proverbe populaire dit : «Un seul Seigneur, une seule épouse». Il traduit en fait le désir et l'opinion de la plupart des hommes. Et cette opinion est juste, si nous tenons compte du bonheur dans la vie personnelle. Si elle n'est pas appliquée par tous les hommes, elle l'est par la majorité d'entre eux.
Si un homme croit que la polygamie -avec toutes les responsabilités légales et morales qu'elle implique- est une source de bonheur et de bien-être pour lui, il se trompe certainement. Car il est certain que si l'on cherche le bonheur et le repos, on les trouvera beaucoup plus avec une épouse unique qu'avec plusieurs épouses. Mais...

La méthode correcte de recherche

En tout cas, il n'est pas pertinent de comparer des questions telle celle de la polygamie - pour décider si elle a pour origine des nécessités personnelles ou sociales - avec la monogamie. La méthode correcte de traiter de ce sujet consiste à prendre en considération les causes et les justifications de la polygamie, à examiner les conséquences de sa non-application d'une part, et à tenir compte des préjudices et des inconvénients de son application d'autre part, et puis à comparer les résultats respectifs de son application et sa non-application afin d'en tirer une conclusion logique. Cette méthode est en fait la seule méthode valable de traiter et de discuter de telles questions.

Prenons un exemple à titre d'illustration : Supposons que nous voulions décider de la pertinence ou de la non-pertinence de la loi du service militaire obligatoire. Si nous examinons cette question uniquement sur le plan de la famille du jeune homme qui devrait effectuer ce service, il ne fait pas de doute que nous conclurons que cette loi est préjudiciable, car rien ne vaudrait mieux pour un jeune homme qu'une abolition du service militaire obligatoire, lui permettant de rester avec sa famille et de ne pas se séparer d'elle pour se rendre sur un champ de bataille où l'effusion de sang l'attend logiquement.

Mais aborder une telle question sous cet angle n'est pas pertinent. Ce qu'il faut faire ici, c'est voir les graves conséquences auxquelles devrait s'attendre un pays qui n'aurait pas de soldats prêts à défendre son intégrité, tout en les comparant, dans le cas contraire, à l'angoisse d'une famille qui verrait son fils la quitter pour affronter la mort et les horreurs de la guerre. Il ne fait pas de doute que cette comparaison nous conduirait à conclure qu'il est logique qu'un nombre de jeunes gens doivent se charger -dans le cadre du service militaire- de la défense de la patrie et se sacrifier à cet égard, et que leurs familles doivent accepter les conséquences d'une telle tâche, quelles que soient les pertes matérielles et en vies humaines qu'elle implique.

Revenons à notre sujet. Nous avons déjà expliqué les nécessités individuelles et sociales qui justifient parfois la polygamie, et nous allons maintenant aborder ses défauts et ses conséquences négatives, afin que notre étude de cette question soit complète et fondée sur une base correcte. La recherche sur les défauts comprendra notre reconnaissance de l'existence d'une série de ces défauts et notre rejet de certains autres que d'aucuns considèrent comme tels, rejet que nous nous efforcerons de justifier évidemment.

En tout cas, nous allons traiter de ces défauts sous différents angles.

Sous un angle psychologique

«La relation conjugale ne se limite pas aux aspects matériel et physique, autrement la polygamie serait en général admissible, car les affaires financière et physique pourraient être partagées entre plusieurs personnes, chacune ayant sa part.»

«Le fondement de la relation conjugale est son aspect spirituel et moral... l'amour, l'affection et les sentiments. Le véritable lien entre les deux conjoints, c'est le cur. Or l'amour et les sentiments, tout comme n'importe quelle chose morale, ne peuvent être divisés et partagés entre plusieurs personnes. Le cur peut-il être coupé en deux, ou se trouver dans deux endroits en même temps ? Peut-on donner son cur à deux personnes ? L'amour et l'adoration sont un esseulement et n'admettent ni associé ni rival. Ils ne sont pas comme du blé et de l'orge qu'on pourrait partager entre plusieurs individus. En outre, les sentiments ne peuvent pas être gouvernés par l'homme, car c'est l'homme qui obéit à la volonté de son cur et non le contraire. Or ce qui représente l'esprit du mariage et son aspect humain, et qui fait se distinguer la relation entre deux êtres humains de celle entre les animaux -laquelle est purement instinctive et voluptueuse- n'est ni divisible ni gouvernable. Donc la polygamie est quelque chose d'inadmissible.»

A notre avis, ces affirmations comportent un peu d'exagération... Certes, l'âme du mariage est constituée d'affection, de sentiments et d'amour. Certes aussi, les sentiments du cur n'entrent pas dans le cadre de ce que l'homme maîtrise et contrôle. Mais dire que les sentiments ne sauraient être partagés, c'est de la pure imagination poétique et même une contre-vérité. Car il ne s'agit pas de partager les sentiments de la même façon qu'on coupe un morceau de viande en deux parts, pour qu'on dise que les questions spirituelles ne sont pas partageables. Il s'agit plutôt de savoir dans quelle mesure on peut aimer deux personnes à la fois. Or nous voyons un père de dix enfants qui les aime et les adore tous, et il est prêt à se sacrifier pour chacun d'eux.

En tout cas, une chose est certaine. L'amour ne peut être aussi intense dans le cas où il y a plusieurs femmes que lorsqu'il y a une seule femme. L'amour fort n'est pas compatible avec la pluralité, mais il n'est pas compatible avec la raison non plus.
Dans son livre "Le Mariage et la Morale", Russel écrit : «Beaucoup de gens considèrent l'amour aujourd'hui comme un bel échange de sentiments. Cet argument à lui seul, et abstraction faite de tous les autres arguments, suffit pour condamner la polygamie.»
S'il s'agit seulement d'un équitable échange de sentiments, pourquoi cet échange devrait-il être monopolisateur ? Un père ayant plusieurs enfants, les aime tous, et eux tous l'aiment réciproquement. Cet échange de sentiments entre eux n'est-il pas beau et équitable ? Notons au passage que même dans le cas où il y a plusieurs enfants, l'amour d'un père pour chacun d'eux est toujours plus grand que l'amour de chacun d'eux pour lui.

Le plus étonnant dans cette affirmation, c'est qu'elle émane d'un homme qui recommande toujours aux maris de respecter et de ne pas empêcher les liaisons de leurs femmes avec d'autres hommes, et aux épouses de faire de même ! Russel considère-t-il que l'échange des sentiments entre la femme et son mari, là encore, n'est pas beau et équitable ?

Sous l'angle du comportement et de l'éducation

«Le partage du mari est l'exemple criard de l'incongruité, car il n'y a pas dans le monde pire ennemi pour une femme que la co-épouse. La polygamie excite les co-épouses l'une contre l'autre, et conduit le mari à recourir à la force et à la violence contre elles, transformant ainsi le climat familial -qui devrait être un climat de tranquillité et d'entente- en un champ de bataille, de conflit, de haine et de vengeance. Les hostilités et les rivalités entre les mères [les co-épouses] glissent vers les enfants, les divisant en deux ou plusieurs parties montées les unes contre les autres, transformant le climat familial -qui devrait être normalement une école spirituelle pour les enfants et une source d'inspiration de l'affection et de la bienveillance- en une école d'hypocrisie et de perfidie.»

Le fait que la polygamie soit à l'origine de toutes ces traces de mauvaise éducation ne fait pas de doute. Mais nous devons faire la distinction entre les traces dues à la nature de la polygamie et celles résultant du comportement du mari et de sa nouvelle épouse. A notre avis, tous ces problèmes n'ont pas pour origine la nature de la polygamie. La plupart d'entre eux résultent de la façon de son application.

Supposons qu'un mari et son épouse mènent une vie conjugale normale. Entre-temps le mari rencontre une autre femme et l'idée de se marier avec elle se met à le hanter. Après un accord secret entre les deux, la seconde femme surgit, envahit la maison, le mari, la vie et l'autorité de la première épouse. On peut imaginer facilement quelle serait sa réaction ! Rien dans le monde ne peut perturber une femme autant que l'impression d'être méprisée par son mari. Etre incapable de préserver l'affection de son mari est le plus grand échec pour une femme. Lorsque le mari devient arrogant et licencieux, et que la seconde épouse joue le rôle de maraudeuse, il est absurde de s'attendre à ce que la première épouse reste patiente.
En revanche, les choses seraient tout à fait différentes, et le conflit interne considérablement réduit, si la première épouse savait que son mari a besoin avec raison d'une seconde femme et qu'il n'en a pas assez d'elle. Le mari doit, pour sa part, éviter de se montrer arrogant et de se plonger dans la sensualité. Lorsqu'il prend une seconde femme, il doit, plus que jamais, être aimable et bon avec sa première épouse et respecter plus que jamais ses sentiments. La seconde femme, quant à elle, doit savoir que la première a certains droits qu'il faut respecter. En un mot, toutes les parties concernées doivent se rappeler qu'elles participent à la solution d'un problème social.
La loi de la polygamie est une solution progressive d'un problème social, et elle est fondée sur les plus larges intérêts de la société. Ceux qui l'exécutent devraient posséder une pensée large et profonde et avoir reçu une bonne éducation islamique.

L'expérience a montré que si un mari n'est ni licencieux ni arrogant, et que la femme est convaincue qu'il a besoin d'une seconde épouse, elle arrangerait elle-même volontiers le second mariage de son mari. Auquel cas tous les troubles évoqués plus haut ne se produiraient pas, étant donné que la plupart d'entre eux résultent de la mauvaise conduite des maris.

Sous l'angle moral

On dit que «la polygamie signifie un libre cours donné à la sensualité, puisque le mari est autorisé à satisfaire sa volupté, alors que la morale exige de l'homme qu'il suive le moins possible ses désirs, car, de par sa nature, plus l'homme cède à ses désirs, plus leurs flammes s'attisent.»

Dans "L'Esprit des Lois", Montesquieu, parlant de la polygamie, écrit : «Le Roi du Maroc avait dans son harem des femmes de toutes les races, jaune, noire, blanche, etc. Si cet homme avait eu le double du nombre des femmes qu'il avait, il aurait demandé encore davantage. Car la volupté, comme l'avarice et la mesquinerie, plus on y cède plus elle s'accentue. Et de même que l'or et la fortune conduisent à l'augmentation de l'avarice et de l'avidité, de même la polygamie entraîne des aberrations sexuelles (sodomie) car, dans le domaine des désirs, plus l'homme avance, plus il dévie de la règle. A Istanboul, lorsque la révolution éclata, on découvrit que la maison d'un gouverneur était dépouillée de toute femme ; la raison en était qu'il satisfaisait ses désirs sexuels exclusivement avec des garçons.»
Cette objection comporte deux affirmations discutables :

A - La première affirmation est : «Une morale élevée est incompatible avec la soumission aux exigences des désirs charnels, et pour purifier l'âme, il faut céder le moins possible aux caprices de la volupté.»

B - La seconde affirmation est : «Plus on suit la nature humaine plus elle est exigeante, et plus on y résiste plus elle se calme.»

Concernant la première affirmation, elle traduit malheureusement une pensée erronée. Elle a été inspirée des idées morales chrétiennes, hindoues, bouddhistes et cyniques, fondées sur le renoncement. Du point de vue islamique, il n'est pas correct de dire que «moins on satisfait le désir sexuel, plus on a une haute morale» (sans doute selon cette théorie la morale parfaite serait de renoncer totalement à la satisfaction du désir sexuel). Seule la pratique excessive de la sexualité est considérée, du point de vue islamique, comme contraire à la morale.

Pour vérifier si la polygamie signifie ou non la pratique excessive de la sexualité, voyons si l'homme, de par sa nature, est monogame ou non. Comme nous l'avons constaté antérieurement, aujourd'hui personne ne croit que l'homme soit purement monogame ni que la polygamie soit un acte de perversion. Bien au contraire, beaucoup de sociologues sont d'avis que l'homme est, de par sa nature, polygame, et que la monogamie est aussi non naturelle que le célibat.

Bien que nous ne croyions pas que l'homme soit polygame de nature, nous ne croyons pas non plus qu'il soit purement monogame ou que la polygamie soit non naturelle et une sorte de perversion au même titre que l'homosexualité.

Ceux qui, comme Montesquieu, considèrent la polygamie comme équivalente à la licence, ont le harem dans la tête. Ils pensent qu'en autorisant la polygamie l'Islam aurait voulu fournir une excuse aux harems des Califes abbassides et des Sultans ottomans ! Mais en réalité l'Islam est totalement opposé à une telle pratique. Les conditions que l'Islam pose pour l'autorisation de la pratique de la polygamie sont telles que la possibilité de la licence est totalement éliminée.
Concernant la seconde affirmation : «Plus les désirs sexuels sont satisfaits, plus ils croissent, et plus ils sont réprimés, plus ils se calment», elle est diamétralement opposée à ce qu'affirment les adeptes de Freud aujourd'hui.

En effet, selon les freudiens, les désirs instinctifs se calment, lorsqu'ils sont satisfaits, et deviennent violents, lorsqu'ils sont réprimés. C'est pourquoi les freudiens réclament une liberté totale et la violation de toutes les restrictions traditionnelles en matière de sexualité. J'aurais voulu que Montesquieu soit vivant aujourd'hui pour voir combien sa théorie a été tournée en ridicule par les freudiens.

Du point de vue islamique, toutes les deux théories -celle de Montesquieu et celle de Freud- sont fausses. La nature humaine a ses propres lois et limites, qui doivent être reconnues. La nature se rebelle et se perturbe à la suite de deux choses :

1 - La privation

2 - Une liberté totale et l'élimination de tous les obstacles et limites se dressant devant la nature.

En tout état de cause, ni la polygamie n'est contraire à la morale, à la tranquillité de l'esprit et à la pureté de l'âme -comme le prétendent les Montesquieu et autres-, ni le fait de se contenter d'une seule ou de plusieurs épouses légales n'est contraire à la nature humaine, comme l'affirment les freudiens.

Sous l'angle légal

«En vertu d'un contrat de mariage, les deux époux appartiennent l'un à l'autre, et chacun a le droit de jouir de l'autre, étant donné que les avantages du mariage sont devenus la propriété de chacun d'eux en vertu dudit contrat. De là, la première épouse devient la détentrice n° 1 de ce droit, et toute transaction conclue entre le mari et une seconde épouse sera considérée en réalité comme un excès de pouvoir, car la  marchandise -en l'occurrence les avantages du mariage- avait été vendue antérieurement à la première épouse, et devenue une partie de ses propriétés. Donc  la première épouse doit être consultée, et son consentement obtenu préalablement. Ainsi, si on veut autoriser la polygamie, cela doit dépendre de l'approbation de la première épouse, à laquelle appartient de  décider si son mari peut ou non se remarier avec une seconde femme. Par conséquent le mariage avec une deuxième ou une troisième femme ressemble à la vente par une personne de sa marchandise à quelqu'un, puis de sa revente une deuxième, une troisième et une  quatrième fois à d'autres. La validité de cette transaction dépend donc du consentement du premier propriétaire, ensuite du second, puis du troisième dans l'ordre. Et si le vendeur (par excès de pouvoir) remet la marchandise au second, ensuite au troisième, puis au quatrième acheteurs, son action mérite absolument une sanction.»
Cette objection est fondée sur l'idée que le contrat de mariage serait un simple échange d'un intérêt et rien de plus, et que chacun des deux conjoints serait le propriétaire de l'intérêt conjugal de l'autre. Nous ne voudrions pas maintenant aborder ce point qui est en fin  de compte réfutable. Mais supposons que le mariage soit légalement ainsi. Cette objection ne serait valable que lorsque la polygamie de l'homme aurait pour motif la diversité et la jouissance. Evidemment, lorsque le mariage est, sur le plan juridique, un échange d'intérêts, et que l'épouse est capable d'assurer à l'homme ses intérêts, sur tous les plans, elle ne permettra pas à l'homme de se remarier. Mais si le second mariage n'a pas pour but la diversité et le plaisir sexuel, et que le mari a toutes les justifications nécessaires que nous avons soulignées précédemment, cette objection n'aura plus de raison d'être. Par exemple, si la femme est stérile ou ménopausée et que le mari ait besoin d'enfants, ou si la femme souffre d'une maladie qui lui interdirait d'avoir des rapports sexuels, dans tous ces cas elle n'a pas le droit de s'opposer au second mariage.

Ceci, si la raison de son second mariage est d'ordre purement personnel. Mais lorsqu'il s'agit d'un problème qui touche la société dans son ensemble et qui nécessite l'autorisation de la polygamie en raison du nombre excédentaire des femmes par rapport aux hommes, ou lorsque la société a besoin d'augmenter le nombre de sa population, dans ce cas cette objection prend une autre forme, car l'application de la polygamie devient une "obligation jusqu'à suffisance"(13), visant à prévenir la société contre la turpitude et la débauche, ou à accroître la population du pays. Bien entendu, lorsque le problème devient une affaire d'obligation sociale, le consentement préalable de l'épouse et son autorisation ne se justifient plus. Ainsi, si nous supposons que la société souffre réellement d'un excédent du nombre des femmes ou qu'elle a un besoin impérieux d'accroître sa population, une "obligation jusqu'à suffisance" s'impose à tous les hommes et femmes mariés, et les femmes ont alors le devoir d'agir conformément au principe de sacrifice et d'abnégation en vue de sauver la société, tout comme le devoir de défendre la patrie, devoir qui échoit à toutes les familles et qui commande à celles-ci de se séparer de leurs fils au bénéfice de la société, et de les envoyer sur les champs de bataille. Dans de telles situations d'ordre social général, on n'a pas besoin de demander leur consentement aux personnes concernées.

Ceux qui prétendent que le droit et la justice exigent l'obtention du consentement et de l'autorisation de la première épouse lors d'un second mariage, ne regardent que le cas du mariage d'un homme qui veut se marier pour le plaisir et la diversité, et oublient les cas du mariage par besoin impérieux, personnels ou sociaux. Lorsqu'il n'y a pas d'impératifs personnels ni sociaux pour la polygamie, celle-ci n'est pas admise, même si la première épouse l'autorise.

Sous l'angle philosophique

«La loi de la polygamie est incompatible avec le principe de l'égalité entre l'homme et la femme en tant qu'êtres humains. Etant donné que l'homme et la femme ont des droits égaux, tous les deux doivent être autorisés ou interdits de pratiquer la polygamie. C'est une discrimination pure et simple que de permettre à l'homme d'avoir plusieurs femmes, et d'interdire à la femme d'avoir plusieurs maris. Autoriser l'homme à avoir jusqu'à quatre femmes signifierait que la valeur d'une femme est le quart de celle de l'homme. Cette position est attentatoire à la dignité de la femme, et non conforme même à la position islamique vis-à-vis de l'héritage et du témoignage. Concernant le témoignage, en effet, le témoignage de deux femmes seulement vaut celui d'un homme.»

Cette objection est la moins solide de toutes. Il semble, en effet, que les critiques ignorent totalement les justifications individuelles et sociales de la polygamie. Ils pensent que la polygamie est une question de passion et de désir, et que par conséquent l'homme et la femme doivent avoir un traitement égal. Or nous avons déjà expliqué les cas où la polygamie est justifiée et nécessaire. Nous avons aussi souligné les circonstances dans lesquelles un devoir (celui de la polygamie) envers les femmes sans maris est dévolu à tous les hommes et femmes mariés. Donc, il n'est pas nécessaire de revenir sur cette question encore.

Il nous suffit de dire que si les enseignements islamiques relatifs à la polygamie, l'héritage et le témoignage, étaient dus à une vision humiliante de la femme et à un mépris de ses droits, et fondés sur une discrimination entre l'homme et la femme en tant qu'êtres humains, l'Islam aurait pris une position uniforme vis-à-vis des deux sexes dans toutes les questions les concernant. Concernant l'héritage par exemple, il n'aurait pas fixé la part de l'héritage de la femme, parfois à la moitié de celle de l'homme, parfois à parts égales. De même, pour le témoignage, il n'y aurait pas eu des règles différentes dans les différentes circonstances. Tout cela montre qu'en fixant des règles différentes et en prenant des positions différentes vis-à-vis des droits et des intérêts de la femme, l'Islam agit selon une philosophie spécifique qui tient compte de la nature humaine et d'autres facteurs. Nous avons déjà expliqué la question de l'héritage dans un chapitre précédent. Nous avons aussi souligné dans un autre chapitre que, du point de vue islamique, la question de l'égalité entre l'homme et la femme en tant qu'êtres humains fait partie des droits humains fondamentaux. En tout cas, en traitant des droits familiaux, l'Islam a pris en considération certains autres aspects aussi, qui sont plus importants que la question de l'égalité.

La théorie de la polygamie en Islam

L'Islam n'a ni inventé la polygamie (car elle existait depuis des siècles avant l'avènement de l'Islam), ni ne l'a abolie, car il n'y a pas une autre solution à certains problèmes sociaux. L'Islam n'a fait que réformer cette ancienne coutume.

La limitation

Avant l'Islam, on pouvait avoir un nombre illimité de femmes et former un harem. L'Islam a prescrit une limite maximum. Personne n'a le droit d'avoir plus de quatre femmes. Ceux qui avaient plus de quatre femmes lorsqu'ils embrassèrent l'Islam furent contraints de se séparer de celles qui excédaient ce nombre. Ainsi, un homme nommé Ghaylan Ibn Aslamah avait dix femmes, et le Prophète (P) lui ordonna de divorcer d'avec six d'entre elles. Nawfal Ibn Mu`âwiyah, en avait cinq, et le Prophète (P) exigea de lui qu'il se sépare de l'une d'elles.

Selon un récit des traditions chiites, à l'époque de l'Imam al-Sâdiq, un Zoroastrien embrassa l'Islam. Il avait sept femmes. On demanda alors à l'Imam al-Sâdiq (P) ce que cet homme devait faire avec ses femmes. L'Imam al-Sâdiq répondit qu'il devait se séparer de trois d'entre elles.

La justice et le traitement égal

Une autre réforme de taille a été introduite par l'Islam, qui a posé comme condition de l'autorisation de la pratique de la polygamie la nécessité de réserver un traitement égal à toutes les épouses. L'Islam ne permet aucune discrimination entre elles ou entre leurs enfants. Le Saint Coran dit : «Mais si vous craignez de n'être pas équitables [avec elles], prenez une seule femme.» (Sourate al-Nisâ', 4 : 3)

Le monde pré-islamique n'observait l'égalité ni entre les femmes, ni entre leurs enfants. Nous avons déjà cité Christenson et d'autres qui affirment que, pendant la période sassannide, la polygamie était courante en Iran, et qu'une ou deux femmes étaient appelées favorites et jouissaient de tous les droits, alors que les autres étaient appelées femmes-servantes et avaient beaucoup moins de droits légaux. Seuls les enfants mâles de ces femmes-servantes étaient reconnus comme membres de la famille paternelle.

L'Islam a aboli ce genre de coutumes et d'usages. Il ne permet pas qu'une épouse ou ses enfants soient considérés comme inférieurs aux autres épouses et enfants.

Dans "Histoire de la Civilisation", vol. I, Will Durant écrit : «Lorsqu'un homme avait amassé une fortune, et qu'il craignait qu'après sa mort elle ne fût morcelée entre ses nombreux enfants, il limitait son héritage aux enfants de sa favorite à l'exclusion de ceux issus des autres épouses.»

Cela montre que, dans l'ancien monde, la discrimination entre les femmes ainsi qu'entre leurs enfants était courante. Mais ce qui est étonnant c'est ce que Will Durant ajoute : «Jusqu'à une date récente, cette pratique continua d'exister en Asie. Petit à petit la femme réelle (favorite) a pris la position de la femme unique, alors que les autres femmes ont disparu ou ont été réduites au rôle de maîtresses clandestines.»

Will Durant a oublié, ou fait semblant d'ignorer, que depuis 14 siècles l'Islam avait aboli la discrimination entre les enfants issus de différentes épouses, et qu'avoir une seule épouse réelle (officielle ou légale) et plusieurs concubines clandestines est une coutume européenne et non asiatique. Elle n'a fait son apparition en Asie que récemment !

Toujours est-il en tous cas que la seconde réforme à laquelle l'Islam a procédé dans le domaine de la polygamie, fut l'abolition de la discrimination entre les différentes épouses ainsi qu'entre leurs enfants. Aucune forme de favoritisme envers une épouse en particulier n'est permise. Presque tous les juristes sont unanimes sur ce point. Seule une petite minorité d'écoles juridiques ont interprété les droits des femmes de sorte à trouver certaines excuses à la discrimination. Mais il est indéniable que cette interprétation est en contradiction avec l'interprétation du verset coranique ci-dessus cité. Des sources aussi bien chiites que sunnites ont rapporté ce hadith (récit, parole) du Prophète : «Quiconque a deux épouses et ne les traite pas avec égalité, en montrant un penchant [ou une préférence] pour l'une d'elle, sera traité le Jour de la Résurrection de telle sorte qu'un côté de son corps sera traîné par terre en le conduisant vers l'Enfer.»

La justice est la plus grande vertu morale. Prescrire la condition de la justice et du traitement égal signifie qu'il est exigé d'un mari conduit à pratiquer la polygamie qu'il possède les plus hautes qualités morales. Et étant donné que les sentiments de l'homme envers toutes ses femmes ne sont pas habituellement les mêmes, l'observation de la justice et l'abstention de tout traitement inégal constituent l'un des devoirs les plus difficiles.

Nous savons tous que le Saint Prophète, pendant les dix dernières années de sa vie, c'est-à-dire pendant son séjour à Médine, s'est marié avec plusieurs femmes. C'était une période de guerres, et il y avait un très grand nombre de femmes qui n'avaient personne pour s'enquérir de leur sort. La plupart des femmes du Prophète étaient veuves ou âgées. Beaucoup d'entre elles avaient des enfants de leurs ex-maris.
La seule jeune fille avec laquelle se soit marié fut 'Ayechah, qui disait souvent avec fierté qu'elle était la seule femme qu'aucun autre homme que le Prophète n'ait jamais touchée.
Le Saint Prophète a toujours réservé un traitement parfaitement égal à toutes ses femmes et n'a jamais fait aucune discrimination entre elles. 'Orwah Ibn Zubayr était le neveu (le fils de la sur) de 'Ayechah. Il demanda à sa tante un jour comment le Saint Prophète traitait ses femmes. Elle répondit : «Il les traitait avec justice et parfaite égalité. Il n'a jamais préféré l'une d'elles à une autre. Presque chaque jour il appelait chacune de ses épouses et s'enquérait de leur santé. Il passait la nuit avec chaque femme à tour de rôle. Si par hasard il voulait passer une nuit avec une autre femme, il demandait préalablement la permission de celle avec laquelle il devait normalement rester cette nuit-là. Si la permission lui était accordée, il partait chez l'autre, autrement, il ne partait pas.» 'Ayechah ajouta : «Quant à moi, je ne lui ai jamais donné la permission d'aller chez une autre lorsqu'il me la demandait.»

Même pendant sa dernière maladie qui l'a conduit à la mort, et alors qu'il était trop faible pour pouvoir bouger, le Saint Prophète observa scrupuleusement le principe de l'égalité de traitement. Son lit était transporté d'une chambre à l'autre chaque jour. A la fin, un jour, il appela toutes ses épouses et leur demanda la permission de se maintenir dans une seule chambre. Ayant obtenu cette permission, il resta dans la chambre de 'Ayechah.

Pendant la période où il avait deux femmes, l'Imam Ali (P) était si attentif à ce principe d'égalité de traitement qu'il s'attachait même à faire ses ablutions requises pour la prière dans la maison de l'épouse à qui était le tour cette nuit-là.

L'Islam attache tellement d'importance au principe de la justice et de l'égalité dans le traitement, qu'il ne permet pas au mari et à la seconde épouse de mettre dans leur contrat de mariage des clauses accordant à la seconde femme plus de droits que ceux dont jouit l'ancienne femme. Cela signifie que, selon l'Islam, l'observance de l'égalité et de la justice est un devoir que le mari n'a pas le droit de contourner en posant une clause dans le nouveau contrat de mariage, stipulant un droit qui viole le principe de la justice et de l'égalité. Ni le mari, ni la seconde épouse, n'ont le droit de mettre une telle clause contraire à la justice, dans le contrat de leur mariage. La seule chose que la nouvelle femme peut faire, c'est de renoncer à certains de ses propres droits, mais elle n'a pas le droit de poser comme condition l'octroi de plus de droits que ceux dont jouit la première femme. La première épouse aussi a le droit de renoncer volontairement à une partie de ses droits, mais elle n'a pas légalement le droit d'exiger qu'elle n'ait pas de droits du tout. On a demandé à l'Imam al-Bâqir (P) : «Le mari a-t-il le droit de mettre, en accord avec son épouse, une clause stipulant qu'il ne se rende chez cette dernière que pendant la journée à l'exclusion de la nuit, ou qu'une seule fois par semaine ou par mois, ou une autre clause stipulant qu'il ne doit pas payer une pension complète à sa seconde femme ou égale à celle de la première avec le consentement de l'intéressée ?» L'Imam al-Bâqir a répondu : «Non. De telles clauses sont invalides. Toute femme devient, en vertu du contrat du mariage -qu'elle le veuille ou non-, la détentrice de tous les droits de l'épouse. Tout ce qu'elle peut dans ce domaine, c'est de renoncer, après le mariage, à ses droits, totalement ou partiellement, soit pour plaire à son mari, soit pour toute autre raison.»

Avec toutes ces conditions morales strictes, la polygamie devient un devoir plutôt qu'un moyen de s'adonner aux plaisirs sexuels. La recherche des plaisirs et de la licence n'est possible que dans une ambiance de liberté sexuelle totale. Mais lorsqu'il est question de discipline, de justice et de devoir, il n'y a plus de place pour la débauche et la licence. C'est pourquoi, en aucune façon, la polygamie assortie des conditions islamiques ne peut être un moyen de plonger dans les plaisirs.

Ceux qui ont fait de la polygamie un moyen de satisfaire leurs désirs et leur licence se sont servis de la loi islamique pour commettre un acte illégal ; la société a le droit de les en blâmer et de les punir.

La crainte de ne pas être juste
Pour être équitable, il faut dire que le nombre de ceux qui respectent la lettre et l'esprit de toutes les conditions prescrites par l'Islam concernant la polygamie, est insignifiant. Selon la loi islamique, si quelqu'un craint par exemple que l'utilisation de l'eau puisse lui être nuisible, il ne doit pas faire l'ablution (cependant normalement obligatoire) pour accomplir la prière, et si quelqu'un craint que le jeûne obligatoire ne lui soit nuisible, il doit s'en abstenir. Vous rencontrez beaucoup de gens qui vous demandent s'ils doivent ou non faire l'ablution ou le jeûne, craignant que l'ablution ou le jeûne puissent être nuisibles à leur santé. De telles interrogations sont valables, et de telles personnes ne doivent pas accomplir le jeûne ou l'ablution.

Mais le Noble Coran dit explicitement que si vous craigniez de ne pas pouvoir traiter avec égalité vos femmes, vous devez vous contenter d'une seule femme. Pourtant vous ne rencontrerez pas une seule personne qui vous dise qu'elle craint de ne pas pouvoir traiter avec égalité deux femmes, et qui vous demande si, dans ces circonstances, vu ces craintes, elle a ou non le droit d'avoir une seconde femme. Il est évident que certains hommes, tout en sachant bien qu'ils ne seront pas capables d'être justes, se marient avec plus d'une femme. Ils le font sous le couvert de la loi islamique. Ce sont ces hommes-là qui font une mauvaise réputation à l'Islam, par leurs agissements incorrects.

Les harems

L'autre raison pour laquelle la polygamie en Islam est critiquée, c'est le système du harem adopté par les anciens califes et sultans qui régnèrent sur le monde musulman. Quelques écrivains chrétiens et certains missionnaires ont décrit la polygamie en Islam comme étant l'équivalent du système du harem dans tous ses aspects honteux et cruels.

Malheureusement, certains de nos propres écrivains, qui répètent comme des perroquets les idées émises par les Européens, associent improprement la polygamie au harem. Ils n'ont pas suffisamment d'esprit indépendant pour pouvoir distinguer ces deux pratiques bien distinctes.

D'autres conditions

Outre la condition de la justice et de l'égalité dans le traitement des épouses, il y a d'autres conditions que le mari doit remplir. Nous savons tous qu'une femme a un nombre de droits financiers et autres que le mari doit assurer. Un mari a le droit d'avoir plus d'une femme, à condition que sa situation financière le lui permette. En fait, la condition financière est posée même pour le premier mariage, mais le contexte de notre sujet ne nous permet pas d'en débattre.

Les capacités physiques et sexuelles sont d'autres exigences préalables.

Il est rapporté dans "al-Kâfî" et "al-Wasâ'il" que l'Imam al-'âdiq a dit que tout homme ayant réuni autour de lui un nombre de femmes sans pouvoir satis faire leurs instincts sexuels, supportera leur péché si elles tombent dans la débauche et l'adultère.
L' histoire des harems nous rapporte beaucoup de cas où de jeunes femmes faisant partie d'un harem furent forcées de recourir à la débauche sous la pression de leur besoin sexuel, ce qui conduisait parfois au crime et au meurtre.
  A présent le lecteur connaît sans doute les causes de la polygamie et sait pourquoi l'Islam ne l'a pas abolie. Il doit pouvoir connaître également les conditions et les limites que l'Islam a prescrites à cet égard. L'Islam n'a pas déprécié la femme avec l'autorisation de la polygamie, bien au contraire, il lui a rendu un grand service. Si la polygamie n'était pas autorisée même là où le nombre des femmes en âge de se marier dépasse celui des hommes, les femmes seraient devenues des marionnettes bon marché entre les mains des hommes. Elles auraient pu être traitées pire que les esclaves, car l'homme reconnaît l'enfant d'une esclave comme étant le sien, mais il ne reconnaît pas la concubine ou la maîtresse comme étant la sienne.

L'homme moderne et la polygamie

L'homme moderne répugne à la polygamie, non qu'il veuille se contenter d'une seule femme, mais parce qu'il veut satisfaire son goût de la diversité en commettant un nombre illimité d'adultères dont l'accès est facile et qui lui évitent toute responsabilité. Le péché et l'infidélité ont pris la place de la polygamie. C'est pourquoi l'homme moderne s'oppose à la pluralité des femmes légales, laquelle lui imposerait beaucoup d'obligations et de responsabilités, financières entre bien d'autres. Dans le passé, même pour un homme voluptueux, les occasions de péché étaient limitées. C'est pourquoi il a recouru à la polygamie, et bien qu'il ait fui beaucoup de ses devoirs, il a dû supporter certaines responsabilités vis-à-vis de ses femmes et de ses enfants. L'homme moderne, qui a d'énormes occasions de jouir, ne voit aucune nécessité de prendre le moindre engagement. De là son aversion pour la polygamie.

L'homme moderne emploie les femmes comme secrétaires, dactylos, standardistes, etc. pour son plaisir, et les fait payer par le gouvernement, la société ou l'organisation pour laquelle il travaille, sans sortir un seul centime de sa poche.
L'homme moderne change de maîtresse au bout de quelques jours sans entreprendre de formalités de dot, de pension et de divorce. M. Tshombe était violemment opposé à la polygamie, car il avait toujours à côté de lui une jeune et jolie fille qu'il changeait quand il le désirait. Dans de telles conditions, il n'avait nullement besoin du fardeau de la polygamie.
Nous lisons dans la biographie de Bertrand Russel, qui était un opposant résolu à la polygamie, que deux femmes, outre sa grand-mère, ont joué un rôle important dans sa vie. L'une était sa femme, Alice, l'autre, sa maîtresse, Morrel, qui était l'une des femmes les plus éminentes de cette période, et qui entretenait des relations amoureuses avec beaucoup d'écrivains du début du XXe siècle. Evidemment un tel homme ne supportait pas la polygamie.

Apparemment, c'est à cause de ses maîtresses que Russel a fini par divorcer de sa femme Alice, puisqu'il écrit : «Un jour, alors que j'allais à bicyclette sur un site touristique situé dans la banlieue, j'ai senti subitement que je n'aimais plus Alice.»


source : http://www.sibtayn.com/fr
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