L'ultimatum de Valls pour relancer la Fondation des œuvres de l’islam
Paris Sous la menace d'une dissolution lancée par le ministère de l'Intérieur, les membres fondateurs ont décidé de relancer, en 2013, la Fondation des œuvres de l’islam de France, paralysée depuis des années.
La Fondation des œuvres de l’islam de France (FOIF) relancée pour de bon ? C’est la volonté affichée en ce début d’année 2013 par les membres fondateurs de cette structure, créée en 2005 sous l’impulsion de Dominique de Villepin, alors ministre de l’Intérieur. Ses objectifs : gérer le financement des lieux de culte avec transparence et la formation des cadres religieux pour ainsi contribuer au développement du culte musulman en France.
Cependant, son fonctionnement est au point mort depuis plusieurs années. Il a fallu une réunion avec le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, en décembre 2012, pour que la Grande Mosquée de Paris (GMP), l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), la Fédération Nationale des Musulmans de France (FNMF) et la Comité de Coordination des Musulmans Turcs de France (CCMTF), les quatre fondateurs de la FOIF, se décident à la remettre sur pied.
Une pression du ministère de l’Intérieur qui marche
La volonté du ministère de l’Intérieur s’inscrit dans la continuité de son discours prononcée à Strasbourg lors de l’inauguration de la Grande Mosquée, en septembre 2012. M. Valls avait alors déclaré qu’il est « temps que l'islam de France prenne pleinement ses responsabilités et s'organise pour traiter avec l'Etat les vrais problèmes », regrettant au passage que la Fondation pour les œuvres de l'islam de France, « une initiative pertinente », n'ait « jamais porté ses fruits ».
La faute, selon Mohamed Bechari, président de la FNMF et vice-président de la FOIF, aux « blocages politiques » des anciens ministres de l’Intérieur, qui se contentaient, selon lui, de l'existence du Conseil français du culte musulman (CFCM).
Comme pour le CFCM, les querelles de leadership entre les fédérations musulmanes, qui ont chacune leur propre agenda, sont indubitablement la cause du non-fonctionnement de la FOIF. « Tous les problèmes du CFCM étaient ramenés dans les débats du CA de la FOIF », avoue M. Bechari.
Un agenda pour composer un nouveau CA
L’ultimatum posé par le ministre, aussi chargé des Cultes, a fonctionné, semble-t-il. Réunis le 7 janvier à la Grande Mosquée de Paris, qui assure pour le moment la présidence de la FOIF, les fondateurs ont « affirmé leur volonté de relancer ensemble, avec détermination et dans le consensus, leur institution » laissée à l’abandon et « appellent les différents instituts de formation des cadres religieux à conjuguer leurs efforts pour continuer et adapter davantage leurs programmes de formation aux besoins du culte musulman dans le contexte français ».
« Les membres fondateurs de la FOIF s’engagent très rapidement à mettre en œuvre un programme de soutien à la construction et à la réhabilitation des lieux de culte musulman en France », ont-ils également assuré.
Tous se sont plus exactement accordés sur l’urgence de fixer prochainement un agenda et une feuille de route pour les prochains mois. La première urgence : former un nouveau Conseil d’administration de 15 personnes (deux sont nommés pour chaque fédération sauf le CCMTF, soit sept nominations complétées par un commissaire d’Etat nommé par le ministère de l’Intérieur) avec le même principe de présidence tournante.
Car le décret du Conseil d'Etat publié en 2005 a fait de cette fondation une structure d'utilité publique. « Le Conseil d’Etat peut nous retirer l’agrément si nous ne sommes pas à jour sur le plan juridique et organisationnel », explique le président de la FNMF. Rappelons que cet agrément ne lui permet pas de recevoir d'argent public mais uniquement des dons de particuliers ou d'entreprises.
Un canal de financement… parmi d’autres
Sur le million d’euros offert par l’avionneur Serge Dassault que la Fondation dispose depuis sa création, près de 950 000 euros sont toujours dans un compte domicilié à la Caisse des Dépôts et des Consignations, 50 000 euros ayant été débloqués pour le fonctionnement du CFCM en 2008.
« De toute manière, ce n’est pas avec un million d’euros qu’on va servir la cause des musulmans de France », lâche M. Bechari. « La FOIF n’est pas le canal exclusif des financements des lieux de cultes », tient-il aussi à préciser. Les grandes fédérations ont, en effet, déjà leur propre système de financement pour leurs lieux de culte grâce à leur réseau propre constitué notamment de pays amis comme l'Algérie pour la GMP.
La mise en commun des fonds n'en est qu'impossible à négocier. Pour que la FOIF puisse fonctionne à long-terme, il lui faudra alors obtenir « le soutien de pays qui n’ont pas d’agenda politique en France et qui sont prêts à nous soutenir comme le Golfe », selon M. Bechari. Un véritable challenge qui devra aussi se conformer aux aspirations des autorités françaises.
La relance du CFCM, pas une priorité
Pour les fédérations fondatrices de la FOIF, leur priorité est bel et bien de relancer cette instance plutôt que le CFCM, duquel ont choisi de se retirer l’UOIF et la GMP depuis les élections contestées de 2011. « Il est plus simple de relancer la Fondation car les statuts sont plus clairs, on va concentrer nos efforts dessus. Il faut plus de temps et d’efforts pour remettre sur les rails le CFCM », nous confie Ahmed Jaballah, président de l’UOIF.
Cette relance – si elle est effective – se fera sans le Rassemblement des musulmans de France (RMF), né d’une scission avec le FNMF en 2006 et qui n’est donc pas un fondateur de la Fondation. De plus, les fédérations – plus encore pour la FNMF - n’ont pas l’intention de lier les travaux de relance de la FOIF au CFCM, piloté non sans mal par le RMF. Le chemin sera encore long pour espérer voir naître une structure libre de toutes querelles d'influence pour servir au mieux l'intérêt général des musulmans.
source : http://iqna.ir