Il est presque établi que les "aptitudes mentales" sont d'origine héréditaire. Et il est superflu d'essayer de corroborer ce fait par les recherches, les expériences et les études laïques menées dans ce domaine. Cependant, certains courants laïcs, en particulier le courant conditionnel en psychologie (l'École de Pavlov, et le courant psychologique contemporain, en Union Soviétique, en général) rejettent avec force cette vérité. En effet les tenants de ce courant ont effectué différentes études sur les aptitudes mentales pour essayer de démontrer que celles-ci sont tributaires des systèmes du "réflexe conditionnel".
Pour mieux comprendre les idées clés de ce courant, nous essayons de simplifier ses concepts essentiels par des exemples illustratifs :
Si un léger courant électrique touche notre main, nous réagirons à ce stimulus en retirant notre main. Cette réaction est un "réflexe" inné. Mais si au moment où le courant touche notre main, le tintement d'une cloche est déclenché simultanément, et que cela se reproduit plus d'une fois, nous réagirons de la même façon (retrait de la main), au tintement de la cloche lors bien même qu'il n'y a pas de courant électrique. Notre réaction s'explique ici par l'association ou le lien entre le tintement et le courant électrique. Notre réaction dans ce second cas de figure s'appelle "réflexe conditionné" : c'est-à-dire que c'est un processus "psychique" dans lequel le sensoriel (le courant électrique) est conditionné par ce qui est "psychique". En d'autres termes, le tintement, un trait psychique, est devenu le signal indicateur d'un trait sensoriel (sensitif, sensible).(8)
Et lorsque nous utilisons un signal verbal (c'est-à-dire la prononciation du mot cloche) ou graphique (l'écriture ou la transcription de ce mot), nous aurons la même réaction (le retrait de la main), étant donné que le mot prononcé ou écrit constitue un symbole du tintement de la cloche. Ce conditionnement est dénommé "le système de signaux secondaires", en référence au système des signaux premiers.
Cette notion essentielle de réflexe conditionné nous permet de mieux comprendre la raison pour laquelle le courant de conditionnement présume que les activités mentales sont acquises et non héréditaires.
Pour corroborer leur thèse, les tenants de ce courant se sont appuyés sur les expériences faites sur des enfants qui ont perdu le sens des rythmes ou chez qui ce sens est défaillant. Après avoir été soumis à plusieurs stages d'entraînement, lesdits enfants ont obtenu des résultats positifs. Les expérimentateurs en ont conclu que le sens des rythmes est engendré par des associations de sons qui représentent des réponses à des stimulus sonores "composés" dans lesquels la gamme du son est le stimulus le plus fort, ce qui signifierait que ce phénomène repose totalement sur le réflexe conditionné, lequel est un élément psychique purement environnemental.
Si le courant de conditionnement avait raison de souligner l'influence du milieu dans ce domaine, sa thèse ne saurait toutefois démentir la place de l'hérédité, démontrée par des courants opposés (les tenants du déterminisme héréditaire) à travers diverses expériences concluantes, faites aussi bien sur le même type d'enfants, que sur des vrais jumeaux. Dans ce dernier cas, on a beau placer les vrais jumeaux dans des milieux totalement différents, leur sens des rythmes est resté identique. De même ils sont restés identiques dans leurs traits psychologiques, tels que le caractère emporté, l'angoisse, le calme etc.
En résumé, les expériences faites par le courant de conditionnement ont été neutralisées par des expériences similaires, réalisées sur des individus privés du sens des rythmes, et qui ont débouché sur des conclusions contraires à celles tirées par les tenants de la thèse conditionnelle.
Moralité, il ne fait pas de doute que les stimulus sonores composés (du courant de conditionnement) jouent un rôle (limité) dans la modification ou l'amélioration du sens des rythmes, par exemple, sans pouvoir pour autant dépasser ce rôle pour créer purement et simplement ce sens, ou même égaler le rôle de l'hérédité dans ce phénomène.
Étrangement, le courant de conditionnement tend à généraliser ce phénomène même à des domaines dans lesquels l'association conditionnée ou la suggestion et les facteurs héréditaires exercent une influence mutuelle. Ainsi, dans l'une de ses diverses expérimentations, les tenants de ce courant se sont employés à appliquer systématiquement de l'eau bouillante portée à 110c sur un sujet, en associant à cette application le tintement d'une cloche. À chaque expérience les vaisseaux sanguins réagissaient par un relâchement. Ce qui est naturel. Mais lorsqu'ils ont augmenté le degré de la chaleur de l'eau bouillante à 150c pour l'appliquer sur le même sujet, mais à son insu, tout en associant l'expérience au tintement de la cloche, au lieu de se contracter (réaction biologique normale), les vaisseaux se sont relâchés (réflexe conditionné par le tintement de la cloche). Les expérimentateurs ont vu là aussi la confirmation de leur thèse sur le déterminisme de l'environnement et de l'expérience aux dépens de l'hérédité.
Pour mieux comprendre l'aspect fallacieux de cette thèse et de ces expériences, prenons l'exemple de l'expérience faite par ce courant, dans le domaine de la psychiatrie sur des sujets soumis à certains somnifères. Après avoir administré à ces sujets pendant quelques jours de tels somnifères, les expérimentateurs ont remplacé ceux-ci par des pilules neutres (placebos)(9)
. On a remarqué alors que les patients ont dormi encore plus profondément que sous l'effet des vrais somnifères, et ce à cause de l'action du réflexe conditionné engendré par la consommation des pilules. Mais cela permettrait-il pour autant de renier au phénomène du sommeil sa dimension héréditaire ? En fait, les processus de "relâchement" et de "contraction" des vaisseaux sanguins ne diffèrent pas du processus de sommeil (un phénomène d'origine biologique), en tant que constituant des réflexes innés. Le fait qu'ils subissent l'influence des réflexes conditionnés n'enlève rien de leur caractère de "constance". Ils sont exactement comme tous les autres réflexes purement biologiques et innés- tels que le besoin de nourriture, la sexualité, le sommeil - que le courant de conditionnement admet comme étant héréditaires. Ainsi, la contraction des muscles de l'estomac ne peut se dissiper, en principe, que par la nourriture. Cependant il est possible de l'estomper par des associations conditionnées dont le sujet (celui qui a faim) est inconscient, comme on l'a fait avec le sujet sur lequel on a appliqué l'eau chaude portée à 150c sans qu'il soit au courant du changement de la température de l'eau. Donc l'expérience en question (l'eau chaude) perdrait toute sa valeur dès lors que le sujet aura été mis au courant du changement de la température, ce qui entraînerait obligatoirement une "contraction" des vaisseaux sanguins (réaction physiologique normale), et non un relâchement (dû au réflexe conditionné), comme cela s'était produit lors de l'expérimentation évoquée plus haut.
Conclusion: L'exploitation d'une expérimentation suggestive ou conditionnée faite de la sorte pour la généraliser à l'ensemble du comportement humain s'avère un argument spécieux.
En tout état de cause, le courant laïc qui renie l'influence de l'hérédité, tout comme le courant laïc opposé qui met en évidence l'influence du milieu, restent tous les deux marginaux, par rapport au troisième courant laïc qui domine la recherche psychologique contemporaine et qui soutient la thèse selon laquelle le milieu et l'hérédité exercent conjointement leur influence sur le comportement.
L'Islam tranche d'une façon on ne peut plus claire la question: il professe que les fondements psychiques sont généralement tributaires d'un type d'hérédité fixe en général et d'un autre type d'hérédité accidentel, dans un cadre particulier, sans négliger pour autant le rôle du milieu et de l'éducation. Écoutons ce que dit l'Imam al-Sâdiq (p) à propos des aptitudes mentales, dans leurs trois niveaux, lors d'un entretien avec un compagnon, lequel rapporte : «J'ai dit à Abî Abdullâh (l'Imam al-Sâdiq) : "Je commence à exposer une idée à un homme, il la comprend avant même que j'aie fini de l'exposer; je l'expose à un autre homme, et quand je la termine, il la saisit parfaitement et me la redit mot par mot; je l'expose à un troisième et il me demande de recommencer (de répéter ce que je dis) !" L'Imam Al-Sâdiq (p) m'a demandé alors : "Ne sais-tu pas pourquoi cela ?". J'ai répondu que non. L'Imam Al-Sâdiq (p) m'a expliqué :
«1- Celui à qui tu exposes une partie de ton idée et il comprend le reste, est quelqu'un dont, à l'état germinal, l'embryon fut pétri avec son 'aql; 2- celui à qui tu exposes ton idée et qui comprend tout ce que tu dis, est quelqu'un dont le 'aql fut agencé pendant qu'il se trouvait dans le ventre de sa mère; 3- quant à celui qui te demande de répéter, c'est quelqu'un dont le 'aql fut composé quand il a grandi».(10)
Ce texte islamique qui met en évidence le rôle du milieu aussi bien que celui de l'hérédité dans les aptitudes mentales, et qui est corroboré heureusement par la plupart des recherches laïques contemporaines, mérite que l'on s'y appesantisse. Il dénote l'existence de :
1- Un facteur inné commun à l'ensemble du genre humain que les chercheurs laïcs désignent sous l'appellation de "pure hérédité".
2- Un facteur de milieu "prénatal" dit le "milieu utérin".
3- Un facteur de milieu "postnatal", la vie terrestre, l'environnement.
Le premier facteur (l'hérédité pure) nous indique que l'aptitude mentale, considérée dans sa pureté totale, caractérise tous les êtres humains, au même titre que l'ensemble des fondements biologiques et vitaux (le besoin de nourriture, le sommeil, la sexualité etc.). En d'autres termes, le genre humain dans son ensemble (tous les êtres humains) hérite, à l'origine, d'une façon égale d'une aptitude mentale sans faille, ni défaillance, ni différence de degré. Ce facteur d'hérédité pure est désigné dans le texte précité par «celui dont l'embryon fut pétri avec son 'aql», et qui représente l'homme qui comprend toute l'idée exposée dès le début de son exposition. Toutefois, la défaillance ou la différence de degrés dans l'aptitude mentale, que l'on constate chez les êtres humains, s'explique par une hérédité accidentelle, si l'on peut dire, qui se produit dans le milieu utérin, entre autres.
On sait que les différents accidents (choc, hausse de température, malnutrition etc.) que la femme enceinte subit pendant la grossesse laissent des traces sur le cerveau du foetus. Aussi la législation islamique prend-elle, comme nous le verrons plus loin, un soin particulier du milieu foetal et nous fait de nombreuses recommandations à cet égard, afin d'améliorer et d'assainir la progéniture.
En tout état de cause, le texte précité fait référence au milieu foetal ou à ce que nous nous permettons d'appeler les composantes de l'hérédité accidentelle, lesquelles contribuent à modifier les aptitudes mentales et à les transférer du niveau de la pure hérédité fixe à celui de l'hérédité accidentelle et altérée du milieu foetal. C'est du moins ce qui ressort de la parole de l'Imam al-Sâdiq (p) à propos de celui «dont le 'aql fut composé dans le ventre de sa mère» et qui représente l'homme qui comprend toute l'idée exposée et parvient à la redire telle quelle, ce qui signifie qu'il est doté d'une aptitude mentale moyenne, en comparaison avec l'aptitude mentale supérieure dont jouit celui qui conserve intacte son hérédité pure.
Toutefois il convient de noter que la structure mentale du foetus, telle que l'Imam al-Sâdiq (p) l'entend très probablement n'est pas le produit du seul milieu foetal, mais subit l'influence de deux sortes d'hérédité accidentelle (phénotype) : l'une au niveau de l'utérus de la mère après la formation du foetus, l'autre au niveau du sperme avant la fécondation. Par exemple l'alcool pourrait détruire un nombre important de neurones du cerveau. Cette destruction se répercuterait sur le système nerveux de l'individu et par voie de conséquence sur ses gènes, et puis sur le sperme qui se dépose dans l'utérus de la mère. Donc ni le changement intervenu lors du développement du foetus ni ceux survenus au niveau du système nerveux de l'émetteur du sperme ne font partie de l'hérédité pure du nouveau-né.
En tout état de cause, l'hérédité pure qui caractérise tout le genre humain et celle accidentelle (avant, pendant et après la fécondation), c'est-à-dire le milieu foetal et son influence sur l'hérédité pure, auxquelles fait référence l'Imam al-Sâdiq (p) montrent que la conception de l'Islam de l'hérédité accidentelle (phénotype) ne diffère presque pas dans ses grandes lignes de celle des courants laïcs.
Pour ce qui concerne le troisième facteur qui détermine l'aptitude mentale de la personnalité, l'Imam al-Sâdiq l'a symbolisé par «celui dont le 'aql fut composé à l'âge adulte» pour signifier l'influence du milieu qui débute après la naissance. Et là on verra que l'Imam Ali (p), définissant les étapes du développement mental, insiste sur l'importance des expériences dans la formation de l'esprit, et que les Imams d'Ahl-ul-Bayt (p) soulignent le rôle de l'enseignement pendant l'étape de l'enfance, tout en présentant diverses recommandations relativement aux étapes prénatales.
Ceci dit, étant donné que l'Imam al-Sâdiq a tranché clairement dans le texte ci-dessus la question de l'influence conjointe du milieu et de l'hérédité, sous leurs différentes formes, il serait superflu, du point de vue islamique ou pour un croyant, d'accorder le moindre crédit à tout courant laïc qui hésiterait à admettre le rôle de l'un ou de l'autre de ces deux facteurs. Heureusement, comme cela a été dit, la plupart des recherches contemporaines ont corroboré les faits que la législation islamique avait établis à cet égard.
source : sibtayn