Des Pays Etrangers Appelés à l'Islam
Avec la conclusion du Traité de Hudaybiyyah, le Prophète se débarrassa de tous les ennuis venant des Mecquois. Désormais il était en mesure de diriger son attention vers un prêche plus étendu de sa Religion pour accomplir ainsi le principal objectif de sa Mission Divine. Aussi décida-t-il d'inviter les Etats et Empires voisins à la Foi Divine en leur envoyant des Ambassadeurs munis d'une missive de sa part.
Et étant donné que les missives n'étaient reconnues par les cours étrangères que si elles étaient validées par un sceau, le Prophète se fit faire vers la fin de la sixième année de l'Emigration un anneau d'argent sur lequel étaient gravés les mots suivants: "Mohammad, le Messager de Dieu". Des lettres furent écrites et scellées, et au début de la septième année, au mois de Moharram, six ambassadeurs furent dépêchés simultanément à: Najjachi le roi d Ethiopie; Yamama; Khosrô, le monarque de Perse; César, l'Empereur romain; la Syrie et l'Egypte. Les messagers choisis pour convoyer les missives connaissaient la langue des pays auxquels ils étaient destinés respectivement.
'Amr Ibn Omayyah fut envoyé en Abyssinie avec deux missives dont l'une invitait le roi d'Ethiopie à la Religion Divine, et l'autre, faisait état du désir du Prophète que les émigrés restant encore en Ethiopie, puissent retourner à présent à Médine, ainsi que d'une requête singulière dans laquelle le Prophète demandait au Roi de le fiancer à Om Habîbah, la veuve de 'Obaydullâh qui avait émigré en Ethiopie et qui y mourut plus tard. Le Roi reçut l'ambassadeur avec la plus grande hospitalité et répondit à la première missive par des propos laissant comprendre un humble acquiescement, donnant l'assurance qu'il avait d'ores et déjà embrassé l'Islam et exprimant son regret de ne pas être présent pour pouvoir recevoir personnellement les bénédictions du Prophète. Conformément à la requête exprimée dans l'autre missive, le Roi accomplit la cérémonie des fiançailles d'Om Habîbah et prépara deux bateaux pour le retour des émigrés conduits par Ja'far. Les deux bateaux arrivèrent au port de Médine en automne, au mois de Jumâdi-I de l'an 7 de l'hégire, soit en août 628 ap. J. -C.
Salit Ibn 'Amr fut envoyé à Yamama avec une missive à Hauza, le Chef chrétien de Banî Hanîfah, qui reçut l'ambassadeur cordialement et fit l'éloge du Prophète. Mais par la suite, il congédia le messager en lui répondant qu'il n'était prêt à suivre le Prophète que s'il faisait de lui un partenaire dans ses privilèges, car, ajouta-t-il, il jouissait déjà de révérence en tant que seigneur et orateur de son peuple, du fait qu'il était un poète éloquent de sa tribu.
'Abdullâh Ibn Hothâfah porta la missive en Perse. Lorsqu'elle fut délivrée au Roi Khosrô, il la déchira en petits morceaux. Le messager retourna auprès du Prophète et lui fit son rapport. Le Prophète pria: «Ô mon Dieu! Déchire de la même façon son royaume». (Le vu du Prophète sera exaucé quelques années plus tard, lorsque les dominions perses se trouvèrent entièrement déchirés). Khosrô envoya des ordres à son gouverneur du Yémen pour qu'il ramène le Prophète à la raison ou qu'il l'envoie enchaîné à la Cour Royale. Bazhan, le gouverneur perse du Yémen, envoya une missive courtoise au Prophète, lequel en la recevant sourit et invita l'ambassadeur à l'Islam en l'informant que Khosrô n'était plus de ce monde et que la nuit dernière il avait été poignardé par son fils, l'héritier présomptif. Il lui ordonna ensuite de retourner pour rapporter à son maître la nouvelle et lui demander d'offrir sa soumission auprès du Gouverneur du Yémen et de lui faire son rapport. Bazhan avait entre-temps reçu une missive du nouvel Empereur. Convaincu par la prophétie ou animé par des motifs d'intérêt personnel, toujours est-il, qu'il signifia son adhésion au Prophète, embrassa l'Islam et dénonça l'autorité de l'Empereur perse.
Dehya Kalbi qui avait été envoyé à l'Empereur Héraclius, le monarque chrétien de l'Empire romain fut reçu d'une façon respectable. L'empereur sembla bien disposé envers la nouvelle Foi, mais après avoir écouté les opinions de ses courtisans qui étaient indifférents à cette Foi, il congédia l'ambassadeur en le chargeant de quelques cadeaux précieux pour le Prophète.
Chuja Ibn Wahab fut envoyé en Syrie muni d'une lettre invitant Hârith VII, Prince de Banî Ghassân à l'Islam. Celui-ci fut très irrité par le contenu de la lettre qu'il fit parvenir à l'Empereur Héraclius en lui demandant la permission d'envoyer une expédition pour en châtier l'auteur. Le messager du Prophète fut détenu dans l'attente de la réponse de l'Empereur. Celui-ci, n'ayant pas approuvé la suggestion du Prince, Hârith éconduit le messager après lui avoir offert des cadeaux. Lorsque le Prophète apprit l'attitude de Hârith, il prédit la perte de son royaume. Peu après, Hârith mourut.
Habîb Ibn Abi Balta'ah fut envoyé comme ambassadeur à Alexandrie, le siège du Gouvernement d'Egypte à l'époque.(142) Le Vice-roi romain, Maqawqas le reçut très respectueusement, lut la lettre dont il était chargé, et y répondit en promettant d'en prendre note. Il écrivit notamment qu'il savait qu'un Prophète devait déjà être envoyé, mais qu'il attendait son apparition en Syrie. Pour concrétiser ses sentiments respectueux envers le Prophète, il chargea son messager de beaucoup de cadeaux, dont deux belles-surs coptes (race à laquelle appartenait Moqawqas lui-même). L'une d'elles s'appelait Marya et eut l'honneur d'épouser le Prophète, et l'autre, Sirîne, fut offerte au poète Hassan. De même une mule blanche, chose très rare en Arabie à l'époque, figurait également parmi les cadeaux. On l'appelait Duldul. Elle fut utilisée par le Prophète, et après sa mort, par son petit-fils al-Hussayn.
Les Causes de la Campagne de Khaybar
Depuis l'Emigration du Prophète, les Juifs, comme nous l'avons déjà dit, étaient jaloux de son pouvoir et de son autorité sans cesse grandissante, et lui causaient par conséquent beaucoup de problèmes, ce qui l'avait poussé à les expulser. Un certain nombre des Juifs de Banî Nadhîr qui avaient été expulsés de Médine s'établirent parmi leurs frères à Khaybar, situé à environ cent cinquante kilomètres au nord-est de Médine. Ils nouèrent des alliances avec beaucoup de tribus bédouines puissantes qu'ils excitèrent, comme les Quraych de la Mecque, contre le Prophète, et ils avaient assiégé vers la fin de l'avant-dernière année Médine.
Après leur retrait, leur chef, Abul-Haqîq, qui avait joué un rôle prédominant avec Hoyay Ibn Akhtab dans le siège de Médine, incita les Banî Fozârah et d'autres tribus bédouines à attaquer les propriétés des citoyens paisibles de Médine. Au mois de Rabî'-I de la sixième année de l'Emigration, 'Oyaynah, le chef des Banî Fozârah, tombant sur une troupe de chamelles laitières du Prophète, les enleva, tua le gardien et emmena sa femme comme prisonnière.
Au mois de Rabî'-II de la même année, les Banî Ghatafân, eux aussi, s étaient rassemblés dans l'intention d'enlever dans les pâturages les chameaux appartenant à Médine. Les Musulmans envoyèrent Mohammad Ibn Maslamah avec dix hommes pour contrecarrer leur projet. Mais tous ses compagnons furent tués et il était lui-même si grièvement blessé qu'on le laissa pour mort, ce qui lui permit de fuir par la suite.
Au mois de Ramadhân, Abul-Haqîq rendit l'âme. Son successeur, 'Osayr Ibn Zarim et les Banî Ghatafân, les bédouins alliés des Juifs de Khaybar projetèrent au mois de Chawwâl de nouveaux mouvements contre le Prophète et ses partisans.
Expédition contre les Juifs de Khaybar
En vertu du Traité de Hudaybiyyah, les Mecquois, qui étaient les plus grands ennemis du Prophète et les plus puissants alliés des Juifs, ne pouvaient plus assister ces derniers dans leurs hostilités contre le Prophète. La Providence fournit ainsi à l'Apôtre du Seigneur une bonne occasion de mettre fin une fois pour toutes aux difficultés que les Juifs de Khaybar ne cessaient de lui causer. Aussi, au mois de Moharram de l'an 7 H. organisa-t-il une expédition forte de mille six cents hommes contre eux. Arrivé à Sahba, il trouva plusieurs chemins conduisant vers des directions différentes.
Enfin, l'armée ayant engagé un guide, se dirigea vers Khaybar, marchant la nuit et se reposant le jour. Sur son chemin, elle croisa un homme suspect qui ne tarda pas à avouer qu'il était un espion. Contre la promesse d'avoir la vie sauve, celui-ci informa les combattants musulmans que les Juifs étaient déjà au courant de l'intention du Prophète de ne pas laisser impunies les actions criminelles qui avaient été perpétrées contre ses hommes, et qu'ils avaient demandé le secours de leurs alliés bédouins de chez lesquels 'Oyaynah était déjà arrivé, et qu'ils attendaient bientôt l'arrivée des Banî Ghatafân.
Lorsque le Prophète fut arrivé à Raji', un lieu situé entre Khaybar et les campements des Banî Ghatafân, il ordonna qu'on y fasse halte. Les Banî Ghatafân qui s'étaient déjà apprêtés à sortir pour porter secours à leurs alliés à Khaybar, décidèrent de rester sur place, constatant que leurs propres familles étaient exposées au danger ("Al-Tabarî"). Laissant un contingent à Rajî', le Prophète poursuivit sa progression et surprit les Juifs de Khaybar à leurs portes, tôt le matin. Il était à la tête d'une force de quatorze cents hommes, dont environ deux cents cavaliers. Les Juifs étant sortis le matin de leurs maisons, furent frappés de stupeur de se trouver confrontés tout d'un coup à une si grande force.
Les Sorties des Juifs
La Vallée de Khaybar était parsemée d'une dizaine de forteresses solidement implantées sur des monticules rocailleux et dont quelques-unes, telles qu'al-Qâmus, al-Qatieba, al-Watih et Solalim, étaient réputées imprenables. A présent toute aide extérieure était rendue impossible. Les Juifs, comptant sur leur nombre - de loin plus important que la troupe de l'ennemi sur leur propre courage et sur leurs citadelles, décidèrent de résister. Mais une fois assiégés dans leurs forteresses, ils ne purent résister longtemps et durent finalement les évacuer après une ou deux sorties. Ainsi toutes les citadelles inférieures par lesquelles les Musulmans avaient commencé leurs attaques tombèrent les unes après les autres entre leurs mains.
La Citadelle de Khaybar
A la fin, les Juifs se joignirent à leur chef, le roi de leur nation, Kinânah fils de Rabî' et petit-fils de Abul-Haqîq. Il vivait dans une citadelle solidement fortifiée de Khaybar, nommée al-Qâmûs, aux murs hauts et imposants, construits sur un roc escarpé et qui était considéré comme imprenable. Elle était bien protégée par des fortifications et bien gardée par des soldats courageux, parce qu'elle renfermait les trésors du roi.
Dès que le Prophète lança un regard sur la forteresse, il se mit avant tout à prier le Tout-Puissant Seigneur, Le suppliant de livrer la citadelle aux Musulmans. Et aussi longtemps qu'il campa devant elle, il offrit les prières quotidiennes sur une roche dure, appelée Manselah, et en fit le tour sept fois par jour. Plus tard, un masjid sera érigé à cet endroit, en souvenir de ce lieu d'adoration du Prophète, qui fera l'objet de vénération des Musulmans pieux.
Le Siège de la Citadelle
Le siège d'al-Qâmûs fut la tâche la plus éprouvante pour les Musulmans, qui ne s'étaient encore jamais attaqués à une telle forteresse. Il dura un certain temps et mit à l'épreuve l'habilité et la patience des Musulmans, qui commencèrent à manquer de provisions. Toute la région environnante fut ravagée par les Juifs durant cette période - environ un mois lorsque les Musulmans donnaient l'assaut contre la petite forteresse. Les Juifs avaient abattu même leurs dattiers se trouvant autour de leur citadelle afin d'affamer l'ennemi, et ayant résolu de se battre désespérément, ils se postèrent devant la citadelle. Les assiégeants essayèrent d'avancer vers eux, mais tous leurs assauts furent repoussés.
Le Prophète, qui souffrait beaucoup de maux de tête, passa son Etendard à Abû Bakr Ibn Abî Quhâfah et lui ordonna de mener l'assaut, mais il fut sévèrement repoussé par les Juifs et obligé de battre en retraite. Ensuite le Prophète confia l'assaut suivant au commandement de 'Omar Ibn al-Khattab qui porta d'Étendard, le résultat n'en fut qu'une retraite forcée.(143) Les soldats, de retour auprès du Prophète, accusèrent leur commandant, 'Omar, de manquer de courage,(144) alors que lui, il les accusa de lâcheté. Le Prophète, ayant été ainsi déçu par l'échec de ses plus éminents compagnons, s'écria: «Demain je remettrai mon Drapeau à quelqu'un que Dieu et Son Prophète aiment, un éternel fonceur redoutable qui ne tourne jamais le dos à l'adversaire. C'est par lui que le Seigneur accordera la victoire».(145)
Chacun des principaux compagnons du Prophète était soucieux d'être le lendemain signalé comme étant "le bien-aimé de Dieu et de Son Prophète". Ils passèrent la nuit dans une grande anxiété pour savoir qui serait l'être béni. Personne ne pensa à 'Alî, - le cousin et le Lieutenant du Prophète, le héros de toutes les précédentes guerres - parce qu'il souffrait sérieusement de ses yeux très malades et ne pouvait rien voir. Selon certains hadiths,(146) il était absent à cette occasion, se trouvant plutôt à Médine. Toutefois, le Prophète ayant crié: "Nadi 'Alî" ('Alî est appelé), celui-ci surgit sur-le-champ avec des yeux très malades. Tous attendaient, sur des charbons ardents, la naissance de ce lendemain, entourant le Prophète comme des étoiles scintillantes, chacun essayant de miroiter pour se faire remarquer.
Sa'd Ibn Abî Waqqâç, pour attirer l'attention sur lui, se jeta par terre, puis se leva, prétendant qu'il était tombé. Toutefois, le Prophète ne semblait tenir compte d'aucune personne en particulier. Lorsqu'il rompit le silence pour demander où était 'Alî, ils répondirent tous d'une seule voix qu'il souffrait sérieusement de ses yeux malades et qu'il était tout à fait incapable de voir ce qu'il y avait autour de lui. Le Prophète leur ordonna de le faire venir. Salma B. Ako' l'amena en le tenant par la main.
Le Prophète prenant la tête de 'Alî et la mettant dans son giron, appliqua sa salive sur ses yeux.(147) Immédiatement, ses yeux devinrent si clairs qu'on eût dit qu'ils n'avaient jamais été malades. Et on dit qu'il ne souffrit plus jamais, sa vie durant, de troubles oculaires depuis ce jour-là.
'Alî est Spécialement Désigné pour Remporter la Victoire
Le Prophète(148) confia sa Bannière sacrée aux mains de 'Alî et l'arma de son épée, Thulfiqâr, le désignant ainsi comme étant l'homme que Dieu et Son Prophète aiment. Il ordonna à 'Alî de conduire l'assaut et de combattre jusqu'à ce que les Juifs acceptent de se soumettre. 'Alî, vêtu d'une veste écarlate sur laquelle une cuirasse d'acier était attachée, avança à la tête de ses partisans, et escaladant le rocher pierreux, situé en face de la forteresse, il planta l'Etendard(149) sur son sommet, et prit la résolution de ne pas reculer d'un pouce, jusqu'à ce que la citadelle fût prise.
Les Juifs se mirent en route pour déloger les assaillants. Un rabbin juif demanda à 'Alî son nom, lequel dit qu'il était 'Alî Ibn Abî Tâlib ou Haydar.(150) Le rabbin ayant entendu ce nom, présagea à l'intention de ses hommes que les assaillants ne se retireraient pas sans avoir gagné du terrain. Cependant, Hârith, un héros juif qui avait réussi à repousser vigoureusement les précédentes attaques, s'avança et tua plusieurs adversaires musulmans.
'Alî, ayant vu cela, avança lui-même, s'engageant dans un combat au corps à corps contre lui, et le tua puis revint à ses lignes. Le frère de Hârith était d'une stature gigantesque et d'un corps imposant. Il était d'une valeur inégalable parmi les Juifs. Pour venger la mort de son frère, il sortit des rangs, couvert du cou à la taille d'une double cotte de mailles, coiffé d'un heaume de protection, autour duquel était enroulé un double turban, et au milieu duquel était enchâssée une pierre pour le protéger contre les coups de cimeterre. Il avait une épée énorme qui le ceignait des deux côtés et brandissait une grande lance à trois têtes fourchues et bien pointues. Sortant des lignes des Juifs, il avança et défia ses adversaires de s'engager dans un combat singulier contre lui: «Comme tout Khaybar le sait, je suis Marhab, un guerrier hérissé d'armes dans une guerre furieuse et ravageuse», s'écria-t-il.
Aucun Musulman n'osa avancer pour l'affronter, sauf 'Alî qui sortit de la ligne musulmane pour répondre à son défi vaniteux, en disant: «Je suis celui que sa mère a nommé Haydar. Je pèse mes ennemis dans une gigantesque balance (c'est-à-dire je ne vais pas par quatre chemins avec mes ennemis)».(151) Les mots de 'Alî n'étaient pas des mots creux. 'Alî sut par inspiration que Mahrab avait dernièrement rêvé d'un lion robuste le déchirant en morceaux.
Aussi rappela-t-il à Mahrab ce rêve afin de l'intimider. Les mots eurent leur effet, puisque lorsque les deux combattants s'approchèrent, 'Alî jetant sur lui un coup d'il, le trouva tremblotant. Une fois proches l'un de l'autre, Mahrab fit un coup d'estoc en direction de 'Alî avec sa lance à trois fourchons. 'Alî esquiva avec dextérité le coup, et avant que son adversaire ait pu se recouvrir, il lui administra un coup avec son irrésistible cimeterre, l'Thulfiqâr, qui coupa en deux son bouclier, traversant son double turban, son heaume impénétrable et son crâne, fendant sa tête et descendant jusqu'à sa poitrine ou encore plus bas jusqu'à sa selle, le découpant carrément en deux selon certains hadiths.(152) Il tomba sans vie par terre, et le vainqueur annonça sa victoire par son cri habituel: "Allâh-u-Akbar" (Dieu est le Plus Grand), ce qui permit à tout le monde de savoir que 'Alî était sorti victorieux.
Les Prouesses Surhumaines de 'Alî
Dès lors les Musulmans avancèrent en masse et il y eut une mêlée. Sept parmi les plus éminents guerriers juifs, à savoir Mahrab, 'Antar, Rabî', Zajîj, Dâûd, Morrah et Yâcir, tombèrent sous les coups d'épée de 'Alî, et le reste de l'armée juive battit en retraite pour se réfugier dans la citadelle et échapper à ses poursuivants Musulmans.
Dans le feu de l'action, un Juif porta un coup sur le bras de 'Alî, disjoignant son bouclier qui tomba par terre et qu'un autre Juif ramassa et s'enfuit avec. Furieux, 'Alî accomplit alors des tours de prouesses surhumains.(153) Il sauta par dessus la tranchée, s'approcha de la porte en fer de la forteresse, en arracha un battant et l'utilisa comme bouclier pendant le reste de la bataille (Abû Rafi', l'un de ceux qui en avait donné l'assaut, à la forteresse, avec 'Alî, affirme qu'après la guerre il examina la porte et qu'il essaya avec sept autres personnes de la retourner, mais sans succès). La citadelle fut finalement prise et la victoire, décisive. Les Juifs perdirent dans cette bataille quatre-vingt treize hommes, alors que les Musulmans n'eurent que dix-neuf tués.
Les Services Rendus par 'Alî très Appréciés
Après la prise de la citadelle, lorsque 'Alî revint victorieux vers son camp, le Prophète, le voyant arriver, sortit de sa tente et l'accueillit à bras ouverts.(154) L'embrassant chaleureusement, il baissa son front et lui déclara que ses services pour la Cause Divine étaient appréciés par le Tout-Puissant Juge et par lui-même, en tant que Son Prophète. 'Alî versa des larmes de joie en entendant ces propos. Le Prophète redonna foi à ses adeptes qui avaient échoué dans les précédentes tentatives en mettant en évidence l'exemple de 'Alî à qui il donna le surnom glorieux d' "Asad-Allâh" (Le Lion de Dieu) (Voir Gibbon, "D. and F. of Roman Empire", vol. V, p. 356)
La Reddition des Juifs
Après la défaite des Juifs, la forteresse accepta de se rendre à condition que ses habitants fussent libres de quitter le pays en abandonnant tous leurs biens aux conquérants, et en n'emportant, pour chacun, qu'un chameau et une charge de denrées alimentaires.(155) Tout recel d'objets de valeur était assimilé à une infraction aux conditions de l'accord, et le coupable était passible de la peine capitale. Ceux qui préféraient rester dans le pays devaient occuper leurs maisons et y résider. Ils pouvaient cultiver la terre qu'ils possédaient à titre de premier occupant (mais ils n'avaient pas le droit de posséder une propriété immobilière) à condition de payer au conquérant la moitié de la production, et ce dernier pouvait les congédier à sa guise.
Kinânah
Kinânah, le Chef des Juifs, était soupçonné d'avoir dissimulé son trésor, lequel ne put être découvert malgré toutes les recherches soigneuses qui furent faites dans ce but. Finalement on lui demanda ce qu'il avait fait de ses récipients en or qu'il avait l'habitude de louer aux habitants de la Mecque. Il répliqua que toute sa fortune avait été dévorée par les dépenses nécessitées par son armée. On lui dit alors que sa vie serait mise en jeu contre la découverte de ce qu'il aurait caché. Il accepta le marché. Plus tard, l'un de ses amis traîtres révéla le lieu où avait été cachée une grande partie de sa fortune. Kinânah fut alors livré à la vengeance d'un Musulman nommé Mohammad B. Maslamah dont il avait mis à mort le frère, Mohmûd B. Maslamah, en jetant sur lui une meule. Le Musulman coupa sa tête d'un seul coup de cimeterre.
Safiya
La femme de Kinânah, Safiya, la fille du Chef de Nadhîrites, Hoyay B. Akhtab, embrassa l'Islam et épousa le Prophète. Elle jouit d'autant plus volontiers et joyeusement de sa nouvelle position qu'elle attendait impatiemment, que depuis qu'elle avait rêvé que la lune tombait du ciel sur ses genoux et qu'elle avait raconté ce rêve à son mari, elle subissait les violences de Kinânah qui lui reprochait de désirer épouser le Prophète de Hijâz. Elle portait encore la marque de contusions sur ses paupières, dues à un coup que lui avait administré Kinânah lorsqu'elle lui avait raconté son rêve.
Tentative d'Empoisonnement du Prophète
Alors que le Prophète se trouvait à Khaybar, les Juifs attentèrent à sa vie en préparant un agneau assaisonné avec un poison mortel, qu'ils lui envoyèrent comme cadeau au moment où on lui servait le dîner. Acceptant avec gratitude le cadeau, le Prophète en prit l'épaule (la partie qu'il aimait le plus) pour lui-même, et coupa une autre portion qu'il donna à Bichr qui était assis à côté de lui et qui fit de même en la passant à son voisin, et ainsi de suite.
Dès que le Prophète mangea une bouchée de la viande, il y sentit un goût anormal et la cracha tout de suite en disant qu'elle était empoisonnée.(156) Entre-temps, Bichr avait déjà avalé son morceau et mourut sur-le-champ. La confusion fut totale. A la suite d'une enquête faite à ce propos, il apparut que l'agneau avait été cuit par une femme captive, appelée Zaynab, une nièce de Marhab, le grand guerrier tué par 'Alî.
Elle fut convoquée et interrogée à ce sujet. Elle avoua son crime et le justifia comme une vengeance pour la perte de son père, de son frère, de son mari et d'autres proches, ainsi que pour la dévastation causée à son pays par les conquérants. Elle dit qu'elle pensait dans son for intérieur que si Mohammad était un vrai Prophète, il découvrirait le mal avant qu'il ne l'atteigne, et que s'il n'était qu'un simple imposteur, il tomberait victime de sa vengeance, et les Juifs seraient débarrassés d'un tyran. Elle finit par être condamnée à mort.
Fadak
Après la conquête d'al-Qâmûs, les autres citadelles furent prises et leurs terres soumises à une taxe de cinquante pour cent de la production.
'Alî avait été envoyé à Fadak, une ville juive non loin de Khaybar, pour la conquérir.(157) Mais sans qu'il use d'autre force, les habitants de la ville offrirent leur soumission, et acceptèrent de céder la moitié de leur propriété au Prophète.
Lorsque l'Ange Gabriel révéla au Prophète ce Commandement Divin qu'on trouve dans la Sourate de Banî Isrâ'îl, verset 26: «Donne à celui qui est de tes proches, ainsi qu'au pauvre et au voyageur leur dû», il lui demanda qui était visé par l'énonciation: «Celui qui est de tes proches». L'Ange Gabriel nomma Fâtimah et dit au Prophète de donner Fadak à celle-ci, étant donné que la rente venant de Fadak(158) lui appartenait entièrement, cette terre étant cédée sans recours à la force. Ainsi le Prophète accorda-t-il, conformément à cette Révélation sa propriété de Fadak à Fâtimah(159) pour sa subsistance et pour celle de ses enfants.
Conséquemment Fâtimah et ses enfants s'approprièrent la rente provenant de la vente de la production de ce domaine jusqu'à l'époque du calife Abû Bakr, lequel s'empressa de le confisquer tout de suite après le décès du Prophète. Il demeura propriété d'Etat jusqu'à ce qu'il fût finalement cédé(160) par le calife 'Othmân à Marwân en l'an 34 H., et il resta propriété des Omayyades jusqu'à sa restitution(161) par 'Omar Ibn 'Abdul-Aziz à l'Imam Mohammad al-Bâqir, fils de 'Alî Ibn al-Hussayn - le chef des descendants de Fâtimah à l'époque - en tant que propriétaire légitime et légal de Fadak. Quant à la deuxième moitié de ce territoire, il était resté en possession des Juifs jusqu'à ce que le Calife 'Omar les eût banni en Syrie en les indemnisant.
L'Arrivée de Ja'far
Alors que le Prophète se trouvait encore à Khaybar, Ja'far, le frère de 'Alî, de retour de son exil en Abyssinie, vint en compagnie de sa femme et de cinq autres exilés, à la rencontre du Prophète.(162) Ils arrivèrent à Khaybar le jour même de sa conquête. Le Prophète était très heureux d'accueillir son cousin après une si longue séparation, et déclara joyeusement qu'il ne savait lequel des deux événements - l'arrivée de Ja'far ou la conquête de Khaybar - le ravissait le plus.
Il proposa que les nouveaux arrivants fussent considérés comme faisant partie des hommes qui avaient participé à l'expédition. L'armée accepta avec grande joie cette proposition, ce qui permit aux exilés de prendre part aux butins de la guerre.
Abû Horayrah
Un jeune homme, qui avait l'air d'un mendiant, apparut devant le Prophète à Khaybar et embrassa l'Islam. Il s'appelait Abû Horayrah. Depuis, il ne retourna plus jamais chez lui. Il partit avec le Prophète lors de son retour à Médine où il logea avec les gens de Suffa, c'est-à-dire les hommes qui vivaient dans les chambres contiguës au grand Masjid du Prophète, réservées aux pauvres. Jusqu'au décès du Prophète il resta toujours avec lui.
Par la suite, il devint le favori des califes et plus tard il sera un courtisan de Mu'âwiyeh qui finira par le nommer Gouverneur. Pour la majorité des Musulmans sunnites il est considéré comme une grande autorité, parce qu'on dit qu'il ne rapporta pas moins de cinq mille trois cent soixante-quatorze hadiths qu'il affirma avoir entendus du Prophète et mémorisés durant la période de quatre ans qu'il avait passée avec lui. En cela Abû Horayrah surclasserait tous les autres Compagnons qui avaient vécu avec le Prophète pendant presque toute la période de sa mission, mais sans pour autant pouvoir mémoriser même mille hadiths!
Le Prophète à Wâdî al-Qorâ
Après la conquête de Khaybar, le Prophète se dirigea vers Wâdî al-Qorâ (ou Wâdil-Qorâ) et mis en état de siège cette ville juive, laquelle après avoir résisté pendant un ou deux jours et eu onze tués, se rendit.(163) Les Juifs de Taymah se soumirent eux aussi.
Une fois les Juifs de Khaybar et de ses banlieues subjugués, l'autorité du Prophète fut établie sur toutes les tribus juives installées au nord de Médine, et la source de troubles fut ainsi tarie.
Le Retour du Soleil pour les Prières de 'Alî
L'incident suivant, intervenu à cette époque, mérite d'être noté: lors de sa marche vers Wâdî al-Qorâ, venant de Khaybar, le Prophète fit halte à Sabha. Alors qu'il se reposait sous sa tente, la tête posée dans le giron de 'Alî, il tomba soudain dans un état de réception de révélations. 'Alî resta immobile jusqu'à ce que le Prophète se réveillât en lui demandant s'il avait accompli ses prières de l'après-midi. Le soleil s'était déjà couché. 'Alî répondant par la négative, le Prophète pria Dieu pour faire revenir le soleil et permettre à 'Alî, ainsi, d'accomplir à temps ses prières. Le soleil réapparut sur-le-champ à l'horizon, dans toutes sa brillance et resta assez longtemps pour que 'Alî eût le temps nécessaire pour terminer ses prières, avant de se coucher à nouveau.(164)
Om Habîbah
Le Prophète retourna à Médine au mois de Jumâdî-II où il offrit une dot de quatre cents dinars à Om Habîbah (fille d'Abû Sufiyân) pour parfaire son mariage avec elle, contracté auparavant par le roi d'Abyssinie. Elle était âgée alors de plus de trente ans.
'Umrat al-Qadhâ' du Prophète
Après son retour de Khaybar, le Prophète passa quatre ou cinq mois à Médine avant qu'arriva le moment de l'accomplissement de 'Umrat al-Qadhâ', c'est-à-dire la visite de la Mecque en vue d'accomplir les rites de la 'Umrah ou Pèlerinage mineur dont il avait été privé l'année précédente. Accompagné d'environ deux mille adeptes, dont tous ceux qui étaient revenus avec lui sans succès de Hudaybiyyah l'année précédente, le Prophète se dirigea vers la Mecque, au mois de Thilqadah de l'an 7 de l'hégire.
Les Quraych, ayant appris son arrivée prochaine, se retirèrent de la ville vers les collines avoisinantes, conformément l'accord conclu avec lui l'année précédente. Le Prophète entra donc dans la Mecque avec ses adeptes, sans aucun problème. Ils s'approchèrent de la Ka'bah, en firent le tour sept fois, embrassèrent le Hajar al-Aswad, puis se dirigèrent vers Çafâ et Marwah où ils firent le sacrifice, et une fois leurs cheveux coupés, ils terminèrent les cérémonies de 'Umrah.
Le jour suivant, le Prophète entra dans la Ka'bah et demanda à Bilâl (l'Africain) de monter sur la Maison sacrée pour réciter avec sa haute voix mélodieuse l'Appel à la Prière de Midi: tous les Musulmans se rassemblèrent et la Prière fut conduite par le Prophète entre les murs du Sanctuaire. Ce fut la première Grande Assemblée Musulmane à l'intérieur de l'enceinte de la Ka'bah.
Maymûnah
Le prophète resta à la Mecque trois jours au cours desquels il fut fiancé à Maymûnah sur la recommandation de son oncle 'Abbâs. Elle était veuve et âgée de cinquante et un ans. Elle vivait avec sa sur Om al-Fadhl, la femme de 'Abbâs. Elle avait une autre sur, Asmâ' Bint 'Umays, qui était la femme de Ja'far (le frère de 'Alî), et une troisième, s'appelant Salma, mariée à Hamzah. Ainsi trois surs avaient été déjà mariées avec des hommes d'une seule et même famille. Le quatrième jour, le Prophète quitta la Mecque, fit halte le soir à Sarif (à environ treize kilomètres de la Mecque) où il consomma le mariage
source : sibtayn