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La Mardjà'îyàt (Guidance Spirituelle)



 L'histoire de la marja'iya - ou magistère clérical, ou encore pôle de référence - chez les chiites remonte à l'an 941, début de la Grande Occultation du 12è imam Mohamed ibné al-Hassan al-Askari. L' Imam a disparu le jour de la mort de son père, le 24 juillet 874. Selon le dogme chiite, il est toujours en vie : pendant la Petite Occultation (al ghayba a1 soughra), qui dura jusqu'en 941, l'imam continue à communiquer avec sa communauté et à diriger ses affaires par l'intermédiaire de quatre representants(nâ'îb). A la mort du dernier de ces representant, la communauté n'a plus de chef visible absolu, jusqu'à la fin des temps, où le Mahdi (celui qui est guidé ,surnom donné au 12è imam) attendu reviendra instaurer un règne de justice et de vérité : c'est la Grande Occultation, qui dure encore.

 

C'est dans cette délégation de pouvoir que La mardjà'îyà a son origine. Cette doctrine est celle des chiites les plus nombreux dans le monde à l'heure actuelle, ceux .qu'on appelle les duodécimains (en raison du nombre des imams ou imamites), ou les Djà'faristes (à cause de l'origine de leur écale de droit religieux impulsée par le 6è imam, Djà'far al-Sadiq). Après la Grande Occultation, les théologiens chiites ont essaimé dans les régions où leurs coreligionnaires sont le plus nombreux. Ce fut le cas notamment à Najaf en Irak, ainsi qu'à Qoum en Iran. La solution au problème de la direction de la communauté en l'absence de l'Imam a consisté à refuser le vide religieux et politique engendré par l'Occultation et à s'en remettre aux savants théologiens (oulama). Ainsi, à la place et au nom de l'imam, deux fonctions étaient assurées : théologique et politique. Dans le domaine théologique, c'est l'idjtihàd (effort d'interprétation). Dans le domaine politique, le pouvoir donné nominalement aux moudjtahid (théologiens habilités à pratiquer l'effort d'interprétation) est immense à partir du moment où le souverain reconnaît le chiisme comme religion officielle.

Ce fut le cas à partir de 1501 lorsque Shâh Ismail fonde en Iran l'Etat safavide. Le chiisme y est proclamé religion officielle. C'est sous le règne de cette dynastie que le problème du pouvoir et de l'imamat se posa en termes nouveaux avec l'absence du 12è imam, qui continue à régir sa communauté, faut-il que l'interprétation de sa volonté soit confiée à un descendant. du Prophète (en l'occurrence le souverain safavide, qui prétendait l'être) ou au consensus de la communauté exprimée par les oulama les plus qualifiés, les moudjtahid ? Finalement, se sont les oulama qui l'emportèrent lorsque la dynastie s'effondra en 1722. Mais depuis la période safavide, l'unité de la communauté chiite a été ébranlée par plusieurs crises importantes. La principale fut celle qui a opposé l'école akhbari (traditionaliste) à l'école ousuuli (fondamentaliste). Les akhbari réjetaient l'idjtihad et ne reconnaissaient que le Coran et la tradition du Prophète et des imams comme source du droit. Ils soutenaient que chacun doit s'efforcer de suivre l'Imam Caché directement et non par l'intermédiaire d'un moudjtahid. Le point de vue de l'école ousouli défend contre les akhbari le droit des oulama et leur autorité légitime pour les affaires religieuses. C'est au sein de l'école fondamentaliste que se développa la règle selon laquelle, en l'absence de l'imam, c' est le plus instruit des oulama de la communauté qui doit être choisi comme modèle à imiter (mardjà' al àlam ; mardjà' a1 taqlid), et donc investi de l'autorité suprême sur la communauté. Formulée ainsi cette théorie est relativement récente : elle date sans doute de l'époque safavide, mais l'existence d'un mardja' al taqlid unique n'est attestée que depuis le milieu du 19è siècle.

 Le premier dignitaire chiite à avoir été ainsi reconnu comme autorité suprême parmi les modèles à imiter est Mohamed Hassan al-Najafi (mort en 1850), auteur d'un célèbre ouvrage de jurisprudence, Jawaher al Kalam (Les Perles de 1a théologie traditionnelle). L'autorité de son successeur, sheikh Mortaza Ansari (mort en 1864), fut encore plus grande et rayonna jusqu'en Inde et en Turquie. Ce grand théoricien de la jurisprudence chiite au X19è siècle définit son rôle en tant que docteur de la loi (faqih) par trois fonctions : le pouvoir de promulguer des décrets religieux (fatwa) ; le pouvoir de juger et d'arbitrer les conflits entre personnes (hokouma, qui n' a pas ici le sens moderne de pouvoir politique) ; le pouvoir d'administrer les biens et les personnes (wilaya). La troisième fonction est sujette aux plus grandes divergences d'interprétation : pour Ansari, seul le Prophète et après lui les imams avaient pleine autorité dans les domaines temporel et spirituel. Pendant l'Occultation de l'imam, le pouvoir de punir et de donner des réponses aux situations nouvelles non prévues par la jurisprudence est délégué aux docteurs de la loi. Mais cette autorité dont le faqih est investi indirectement ne peut être exercée, dans l'interprétation qu'en donne Ansari, qu'en un sens très restrictif, notamment pour certains types de pouvoir seulement (non pour exercer le gouvernement). A partir de là, la mardjà'îyà religieuse va jouer un rôle de plus en plus important dans la vie des chiites en Irak et en Iran notamment. Dans le même temps, l'influence politique des théologiens tend à se développer, se faisant sentir de manière décisive dans des événements essentiels comme la révolution constitutionnelle de 1906 en Iran ou la révolution de 1920 en Irak. L'ensemble de ces données va donner naissance à la théorie de l'imam Khomeyni du gouvernement islamique (wilayat a1 faqih, littéralement le gouvernement du juriste théologien ). Cette théorie minimise la focalisation exclusive de la doctrine traditionnelle sur les douze Imans, et notamment le douzième, et met l'accent sur le sens profond de l'imamat comme leadership spirituel et politique, et sur sa raison d'être : l'actualisation du principe de justice. C'est ainsi que l'Ayatollah Khomeyni revendique le pouvoir pour la classe des théologiens, car personne d'autre n'est qualifié pour cette tâche, et aucun système politique (ni monarchie constitutionnelle, ni république) ne saurait égaler la perfection des principes de l'islam lorsqu'ils sont appliqués par ceux qui les connaissent bien. Ce principe a été mis en application en Iran depuis 1979.

D'autre part une certaine démocratie existe dans le domaine de la Mardjà'îyà, car il n'y a pas qu'un seul Mardjà' al Taqlid pour l'ensemble de chiite du mondes. Ceux-ci étant bien entendu d'accord sur les principes de bases, ont chacun la liberté d'exprimer à leur façon les détails de la pratique réligieuse. C'est d'ailleurs une garantie contre le risque d'un autoritarisme.

Actuellement, par exemple, les chiites ont la possibilité de choisir leur modèle à imiter en matière de Taqlid entre plusieurs Mardjà' à savoir : Ayatoullàh As Sîstàni, Ayàtoullàh Khàménéy, etc..Sous certaines conditions, il est également possible de suivre les lois d'un Mardjà' défunt, sauf pour les nouvelles lois nées à partie de nouvelles situations.

On peut noter que la grande majorité des Khojà Shia Ishna Asheri (Europe-Afrique-Amérique-Asie) suivent actuellement le Taqlid de Ayatoullàh As-Sîstàni. Les précésseurs de As-Sîstàni furent Ayatoullàh Al Goulpayghàni , Aytaoullàh Al Khoei, Ayatoullàh Al Mohshine Al Hakim, et Ayatoullah Al Bouroujardi.

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