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Les Perles du Pèlerin

Les Perles du Pèlerin



La voie vers Dieu comporte toujours une inversion : de l’extériorité il faut passer à l’intériorité, de la multiplicité à l’unité, de la dispersion à la concentration, de l’égoïsme au détachement, de la passion à la sérénité.


Le monde nous disperse et l’ego nous comprime ; Dieu nous recueille et nous dilate, Il nous apaise et nous délivre.


Pour être heureux, l’homme doit avoir un centre ; or ce centre est avant tout la certitude de l’Un. La plus grande calamité est la perte du centre et l’abandon de l’âme aux caprices de la périphérie. Être homme, c’est être au centre ; c’est être centre.


Aimer Dieu n’est pas cultiver un sentiment – c’est-à-dire quelque chose dont nous jouissons sans savoir si Dieu en jouit-, mais c’est éliminer de l’âme ce qui empêche Dieu d’y entrer.


L’amour de Dieu, c’est d’abord l’attachement de l’intelligence à la Vérité, puis l’attachement de la volonté au Bien, et enfin l’attachement de l’âme à la Paix que donnent la Vérité et le Bien.


Tout ce que nous pouvons connaître, nous le portons en nous-mêmes, donc nous le sommes ; et c’est pour cela que nous pouvons le connaître.


La volonté du Bien et l’amour du Beau sont les concomitances nécessaires, aux répercussions incalculables, de la connaissance du Vrai.


La beauté et l’amour de la beauté donnent à l’âme le bonheur auquel elle aspire de par sa nature. Si l’âme veut être heureuse d’une façon permanente, elle doit porter le beau en elle-même ; or elle ne le peut qu’en réalisant la vertu, que nous pourrions aussi appeler la bonté ou la piété.


Se dépasser : c’est là le grand impératif de la condition humaine ; et il en est un autre qui l’anticipe et en même temps le prolonge : se dominer. L’homme noble est celui qui se domine ; l’homme saint est celui qui se dépasse. La noblesse et la sainteté sont les impératifs de l’état humain.


La sainteté, c’est le sommeil de l’ego et la veille de l’âme immortelle – de l’ego nourri d’impressions sensorielles et rempli de désirs, et de l’âme libre, cristallisée en Dieu. La surface mouvante de notre être doit dormir et par conséquent se retirer des images et des instincts, tandis que le fond de notre être doit veiller dans la conscience du Divin et illuminer ainsi, telle une flamme immobile, le silence du saint sommeil.


Pour le sage, chaque étoile, chaque fleur, prouve métaphysiquement l’Infini.


C’est là la grande absurdité : Que les hommes vivent sans foi et d’une manière inhumainement horizontale, dans un monde où, cependant, tout ce qu’offre la nature témoigne du surnaturel, de l’au-delà, du divin – du printemps éternel.


La foi, c’est dire oui à Dieu. Quand l’homme dit oui à Dieu, Dieu dit oui à l’homme.


L’incroyant, sur terre, ne croit que ce qu’il voit ; le croyant, au Ciel, voit tout ce qu’il croit.


La foi sans vérité est hérésie ; le savoir sans foi est hypocrisie. L’oeuvre sans vertu est orgueil et la vertu sans oeuvre est vanité.


La vertu est un rayon de la Beauté divine, à laquelle nous participons par notre nature ou par notre volonté, facilement ou difficilement, mais toujours par la grâce de Dieu.


La vertu, c’est la conformité de l’âme au Modèle divin et à l’oeuvre spirituelle ; conformité au participation. L’essence des vertus est le vide devant Dieu, lequel permet aux Qualités divines d’entrer dans le coeur et de rayonner dans l’âme. La vertu est l’extériorisation du coeur pur. Toute vertu est une participation à la beauté de l’Un et une réponse à son amour.


Quand Dieu est absent, l’orgueil comble le vide.


Je suis moi-même, et non un autre ; et je suis ici, tel que je suis ; et cela se passe maintenant, forcément. Que dois-je faire ? La première chose qui s’impose, et la seule qui s’impose d’une façon absolue, est mon rapport avec Dieu. Je me souviens de Dieu, et dans et par ce souvenir, tout est bien, parce que c’est celui de Dieu. Tout le reste est entre ses mains.


La réalisation spirituelle est théoriquement la chose la plus facile et pratiquement la plus difficile qui soit. La plus facile : parce qu’il suffit de penser à Dieu ; la plus difficile : parce que la nature humaine est l’oubli de Dieu.


D’une part, il faut se résigner à se trouver où l’on se trouve, et d’autre part, il faut faire de ce lieu un centre pour le souvenir de Dieu ; car là où Dieu est évoqué, là où il se manifeste, là est le centre.


D’une part, il faut se résigner à vivre dans le moment où l’on vit, et d’autre part, il faut faire de ce moment un éternel présent, ce que tout présent devient par le souvenir de Dieu ; car quand Dieu est évoqué, quand il se manifeste, nous sommes dans l’éternité.


Le mystère de la certitude, c’est que, d’une part, la vérité est inscrite dans la substance même de notre esprit- puisque nous sommes faits à l’image de Dieu – et que, d’autre part, nous sommes ce que nous pouvons connaître ; or nous pouvons connaître tout ce qui est, et Ce qui seul est.


Le fondement de l’ascension spirituelle, c’est que Dieu est pur Esprit, et que l’homme lui ressemble fondamentalement par l’intelligence ; l’homme va vers Dieu moyennant ce qui, en lui-même, est le plus conforme à Dieu, à savoir l’intellect, qui est à la fois pénétration et contemplation et dont le contenu « surnaturellement naturel » est l’Absolu, qui illumine et libère.


Il n’y a, au fond, que trois miracles : l’existence, la vie, l’intelligence ; avec celle-ci, la courbe jaillie de Dieu se referme sur elle-même, tel un anneau qui en réalité n’est jamais sorti de l’Infini.


L’intelligence, en tant qu’elle nous appartient, ne se suffit pas à elle-même, elle a besoin de la noblesse de l’âme, de la piété et de la vertu pour pouvoir dépasser sa particularité humaine et pour rejoindre l’intelligence en soi.


La substance des qualités morales est la dévotion : l’attitude intégrale de l’homme en face de Dieu, faite de crainte révérentielle et d’amour confiant.
On ne peut aimer Dieu sans le craindre, pas plus qu’on ne peut aimer son prochain sans le respecter ; ne pas craindre Dieu, c’est l’empêcher d’être miséricordieux.


Craindre Dieu, c’est tout d’abord voir, sur le plan de l’action, les conséquences dans les causes, la sanction dans le péché, la souffrance dans l’erreur ; aimer Dieu, c’est d’abord choisir Dieu, c’est-à-dire : préférer ce qui rapproche de Lui à ce qui éloigne de Lui.


L’homme peut connaître, vouloir, aimer. Nous connaissons Dieu en le distinguant de ce qui n’est pas Lui et en le reconnaissant dans ce qui témoigne de Lui ; nous voulons Dieu en accomplissant ce qui mène à Lui et en nous abstenant de ce qui éloigne de Lui ; et nous aimons Dieu en aimant le connaître et le réaliser et en aimant ce qui témoigne de Lui, autour de nous et en nous-mêmes.

 

« Les Perles du Pèlerin » de « Frithjof Schuon »

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