Le lieu proposé pour le cimetière est situé à Saint-Apollinaire, une municipalité de 6 000 habitants, à 35 kilomètres au sud-ouest de Québec.
Peu de personnes voteront, car seulement ceux et celles qui résident à proximité de l’endroit suggéré sont admissibles au vote, incluant les personnes morales.
Ce référendum survient six mois après l’attentat contre une mosquée de Québec au cours duquel six musulmans ont été tués. La relation entre les musulmans et le reste de la collectivité était bonne, selon Mohamed Kesri, qui est à la tête du projet, jusqu’à ce que le cimetière soit soulevé.
Les opposants au projet croient que les musulmans devraient être enterrés dans des sections dédiées aux défunts de confession islamique au sein de cimetières déjà existants.
Or, la communauté musulmane dit mériter les mêmes droits que les autres communautés religieuses, qui possèdent leur propre cimetière.
«Il y a des cimetières catholiques, protestants, juifs. Nous n’avons rien inventé avec ça. Nous voulions faire comme tout le monde», lance M. Kesri, qui s’est vu confier le projet par la mosquée de Québec.
En raison d’une loi provinciale permettant la tenue de référendums pour des questions de territoire, 49 personnes auront le pouvoir de décider, dimanche, si les milliers de musulmans de la région de Québec obtiendront leur propre cimetière.
«Si j’avais demandé un cimetière ordinaire, probablement que ça n’aurait pas dérangé grand-chose, confie le maire de Saint-Apollinaire, Bernard Ouellet. Je pense que la peur a embarqué à cause du mot musulman, ce n’est pas juste (le) cimetière. C’est probablement ça qui est arrivé».
Advenant une victoire du «non», le maire affirme que sa municipalité «passera à autre chose».
«Si le référendum échoue, c’est certain que je n’ai pas de plan B maintenant», a dit M. Ouellet, ajoutant qu’un bilan sera fait avec les gens de la mosquée à Québec.
Mais Mohamed Kesri n’est pas aussi résigné.
L’Assemblée nationale a adopté un projet de loi en juin qui permet aux municipalités d’être exemptées de l’obligation de tenir des référendums pour des questions d’urbanisme ou d’aménagement du territoire.
Mohamed Kesri affirme que la communauté musulmane de Québec fera pression auprès des politiciens pour que la nouvelle loi soit appliquée en cas d’échec.
«On ne peut pas céder pour une poignée. Ils ont le pouvoir de ne pas aller en référendum, donc si cela on peut le faire appliquer, pourquoi ne pas le faire?», dit M. Kesri.
Les musulmans de Québec sont à la recherche d’un cimetière depuis 20 ans, selon M. Kesri, qui explique que le projet a été relancé lorsque la principale mosquée a été terminée de payer en 2011.
C’est dans cette même mosquée que l’attentat du 29 janvier dernier s’est produit. Les corps des victimes ont été rapatriés ou envoyés à Montréal.
«Depuis les événements du 29 janvier, il y avait un esprit de communauté extraordinaire», raconte le porte-parole du projet, qui se désole de voir qu’une minorité de gens pourrait mettre en péril le cimetière qui appartiendrait à des milliers de musulmans.
Le terrain proposé est situé à l’arrière du centre funéraire Harmonia, dans le quartier industriel de Saint-Apollinaire, dans un champ.
Le propriétaire de l’entreprise, Sylvain Roy, dit avoir offert une partie du terrain pour la somme de 215 000 $ à la mosquée de Québec.
Le plan est d’avoir deux cimetières — un musulman et un non séculaire — côte à côte.
«Il y a entre 10 et 12 opposants féroces au projet, constate M. Roy. Ces gens font une cavale féroce et hargneuse pour que les gens votent non au référendum», ajoute-t-il.
Le projet divise aussi la communauté musulmane de Québec, certains préférant des cimetières multiconfessionnels.
Hadjira Belkacem, de l’Association de la Sépulture musulmane au Québec, dit avoir approché les administrateurs de la mosquée pour ouvrir une section musulmane dans l’un des cimetières existants, mais a essuyé un refus.
Son groupe a plutôt conclu un partenariat avec Magnus Poirier à Québec. Ils ont inauguré une section musulmane au sein d’un cimetière chrétien le 9 juillet.
Mohamed Kesri affirme que sa communauté n’était pas intéressée par l’offre de Mme Belkacem.
«Les lots sont éternels et la famille a un lot pour l’infini. Aussi, on est certains qu’on va respecter les rites», soutient M. Kesri.
Julien Joannette fait partie des opposants au cimetière musulman à Saint-Apollinaire. Ce dernier ne votera pas dimanche puisqu’il n’habite pas dans la zone touchée par le référendum.
Selon lui, si les «musulmans ne causaient pas autant de brasse-camarade», ceux-ci auraient obtenu le soutien de la population. «Ils ont perdu notre appui, parce qu’ils voulaient trop brasser les choses», ajoute M. Joannette.
À l’inverse, Simon-Yannick Plourde votera en faveur du cimetière, dimanche.
«Je pense aux gens qui sont ici depuis des décennies et que leur pays, c’est le Canada, d’avoir à rapatrier les corps ou les envoyer à Montréal, je me mets à leur place et je ne suis pas certain que cela ferait mon affaire», affirme-t-il.
Il existe cinq autres cimetières musulmans dans la province, tous sont situés dans la région de Montréal.