Agence de Nouvelles d'Ahlul Bait (ABNA) : Jusqu'à un certain point, 2014 a été une année de clarification pour tous ceux désireux de comprendre la réalité du conflit israélo-palestinien, mais sincèrement rendus perplexes par des récits contrastés.
Voici quelques raisons qui appuient l'affirmation que les choses ont bougé.
1. Une autre unité palestinienne
Bien que les deux principales organisations, le Hamas et le Fatah, se soient mises d'accord en avril dernier pour un gouvernement d'unité, peu de choses ont changé sur le terrain. Un gouvernement a bien été officiellement intronisé en juin et a tenu sa première réunion en octobre, mais Gaza est encore en réalité sous le contrôle du Hamas, qui a été en grande partie laissé à lui-même à devoir gérer les affaires du territoire sous blocus après la guerre israélienne de juillet-août. L'Autorité [palestinienne] de Mahmoud Abbas comptait sur le fait que les destructions massives infligées à Gaza affaibliraient le Hamas et l'amèneraient à se soumettre politiquement, d'autant plus que l'Égypte continue à verrouiller la frontière de Rafah.
Mais tandis que les factions peinent à s'unir, la guerre israélienne sur Gaza a donné une nouvelle impulsion à la lutte en Cisjordanie. Les plans israéliens visant à annexer les lieux saints à Jérusalem, en particulier la Mosquée d'Al-Aqsa, et le profond sentiment de révolte vécu par la plupart des Palestiniens après les massacres commis par Israël à Gaza, prennent lentement forme dans une vague de mini-soulèvements. Certains spéculent sur le fait que cette situation finira par entraîner une Intifada qui engloutira tous les territoires, mais qu'une troisième Intifada ait lieu en 2015 ou non, est une autre question. Ce qui importe, c'est qu'ait échoué le complot ourdi de longue date visant à diviser les Palestiniens, et qu'un nouveau récit collectif d'une lutte commune contre l'occupation prenne finalement forme.
2. Un nouvelle approche de la résistance
La discussion sur les formes de résistance que les Palestiniens devraient ou ne devraient pas adopter est tranchée et mise de côté, non par des âmes charitables extérieures mais par les Palestiniens eux-mêmes. Ceux-ci font le choix d'opter pour toute forme efficace de résistance possible qui puisse décourager les avancées militaires israéliennes, comme les groupes de la résistance l'ont si bien fait dans Gaza. Bien que la dernière guerre lancée par Israël ait tué presque 2200 Palestiniens et en ait blessé plus de 11000 - en très grande partie des civils - aucun de ses objectifs avoués ou cachés n'a été atteint. C'est à nouveau un rappel que la force militaire la plus brutale n'est plus l'élément dominant dans la conduite d'Israël envers des Palestiniens. Tandis qu'Israël martyrisait des civils, la résistance tuait 70 Israéliens dont plus de 60 étaient des soldats. C'était une étape importante témoignant de la maturité de la résistance palestinienne, alors que le seconde Intifada s'en était plutôt pris aux civils, ce qui reflétait alors plus une stratégie du désespoir qu'autre chose.
La légitimation de la résistance s'est reflétée, jusqu'à un certain degré, dans la récente décision par la Cour Européenne de rayer le mouvement Hamas de la liste des organisations classées comme terroristes.
La résistance prend d'autres formes en Cisjordanie. Bien qu'elle doit encore mûrir dans une campagne régulière d'initiatives anti-occupation, elle parait créer sa propre identité, prenant en considération ce qui est possible et ce qui est utile. Le fait est que le débat sur le mode de résistance devant dominer les autres est aujourd'hui dépassé, la résistance étant considérée comme un tout dont le contenu est décidé par les Palestiniens eux-mêmes.
3. La campagne BDS a normalisé la discussion sur les crimes israéliens
Une autre forme de résistance se cristallise dans la campagne internationale pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS) qui continue à se développer, recueillant sans cesse de nouveaux appuis et produisant de nouveaux succès. 2014 a été non seulement l'année où la campagne BDS a su gagner l'appui de nombreuses organisations de la société civile, d'universitaires, de scientifiques, de diverses célébrités comme des gens de toutes les conditions sociales, mais elle a aussi été l'année d'un pas important en avant : cette campagne a normalisé le débat sur la politique israélienne dans beaucoup de cercles autour du monde. Alors que n'importe quelle critique d'Israël était considérée jadis comme tabou, il n'est plus question de cela aujourd'hui. Questionner l'aspect moral et utile du boycott d'Israël n'est plus un sujet qui paralyse, et la discussion est totalement ouverte dans de nombreux médias, universités et autres plates-formes.
2014 a été une année qui a vu se généraliser la discussion sur le boycott d'Israël. Tandis qu'une masse critique doit encore être atteinte aux États-Unis, l'élan du mouvement ne fait que grandir, conduit par des étudiants, des hommes et des femmes d'églises, des célébrités et des gens de tous les milieux. En Europe, le mouvement a connu de considérables succès.
4. Les Parlements sentent le vent tourner
Tandis que traditionnellement une grande partie de l'hémisphère sud offrait son soutien aux Palestiniens, l'occident supportait Israël sans la moindre vergogne. Après les Accords d'Oslo, une position européenne totalement irrationnelle a pris forme où il devint question de trouver un "équilibre" entre une nation occupée et l'occupant. A certaines occasions, l'Union Européenne (UE) a timidement critiqué l'occupation, mais tout en restant le premier partenaire commercial d'Israël et lui fournissant les armes que l'armée israélienne utilise pour commettre ses crimes de guerre dans Gaza et maintenir et développer son occupation en Cisjordanie.
Cette politique dépourvue de toute morale est contestée par les citoyens des divers pays européens. La guerre israélienne de cet été sur Gaza a révélé au grand jour et comme jamais auparavant, les violations des droits de l'homme et les crimes de guerre commis par Israël, dévoilant toute l'hypocrisie de l'UE. Pour soulager la pression de leurs opinions, quelques pays européens semblent prendre des positions plus fermes à l'encontre l'Israël, rediscutant leur coopération militaire et remettant plus hardiment en cause les politiques de droite du Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Toute une série de votes parlementaires ont suivi, votant en premier pour reconnaître la Palestine comme État. Bien que ces décisions demeurent en grande partie symboliques, elles représentent une indubitable évolution dans l'attitude de l'UE envers Israël. Netanyahu peut continuer à râler contre "l'hypocrisie" européenne, assuré qu'il l'est de l'appui inconditionnel de Washington. Mais avec les États-Unis qui perdent peu à peu le contrôle d'un Moyen-Orient en plein bouleversement, le premier ministre Israélien pourrait bientôt être forcé de revoir son obstination à la baisse.
5. La "démocratie" israélienne démasquée
Pendant des décennies, Israël s'est auto-proclamé comme état démocratique et juif. L'objectif était clair : maintenir la supériorité juive sur les Arabes palestiniens, tout en continuant à se présenter comme une démocratie occidentale "moderne" - en fait, la "seule démocratie au Moyen-Orient". Tandis que les Palestiniens et beaucoup d'autres n'ont jamais été dupes de cette sinistre plaisanterie, nombreux était ceux qui se laissaient duper et se posaient peu de questions.
Israël n'a pas de constitution mais un code appelé la Loi Fondamentale. Puisqu'il n'y a aucun équivalent israélien à un amendement constitutionnel, le gouvernement de Netanyahu a proposé directement une nouvelle loi au parlement israélien, la Knesset. Cette nouvelle loi mettra fondamentalement en avant les nouveaux principes sous lesquels Israël se définira. Un de ces principes stipule qu'Israël est l'État national des seuls juifs, faisant de tous les citoyens non-juifs d'Israël des citoyens de seconde zone. Alors que de tous les temps, les citoyens palestiniens d''Israël ont été traités comme des parias et ont subi toutes sortes de discriminations, la nouvelle Loi Fondamentale institutionnalisera leur infériorité imposée par l'État. Le paradigme juif et démocratique est définitivement mort, montrant Israël tel qu'il est.
L'année devant nous
Nous verrons en 2015 une grande partie de ce que nous avons vu l'année qui a précédé. L'Autorité palestinienne va lutter pour sa propre survie en essayant par tous les moyens possibles de conserver les quelques privilèges concédés par Israël, les États-Unis et quelques autres. Israël continuera à se sentir encouragé par les financements des États-Unis et leur support politique et militaire sans conditions. Oui, l'année prochaine restera frustrante à bien des égards. Mais le nouvel élan que nous constatons sera peu susceptible de diminuer, d'un côté contestant et dénonçant l'occupation israélienne, et de l'autre mettant sur la touche une Autorité palestinienne inefficace et corrompue.
2014 a été une année très douloureuse pour la Palestine, mais également une année où la résistance collective du peuple palestinien et de ses partisans s'est avérée trop forte pour être pliée ou brisée. Et c'est un grand encouragement.
source : www.abna.ir